CHAPITRE PREMIER :

REDONNER SENS AUX LOIS DE FINANCES

Les lois de finances constituent l'acte solennel par lequel le Parlement arrête l'essentiel des prélèvements obligatoires et décide de leur allocation.

Le consentement à l'impôt par le Parlement, acte majeur en démocratie, devrait être pleinement éclairé. Il ne l'est pas suffisamment.

Les modes actuels de présentation des lois de finances altèrent, en effet, leur lisibilité. La finalité des crédits n'apparaît pas de façon satisfaisante. Les perspectives de long terme sont insuffisamment prises en compte. L'information fournie par l'exécutif est d'une médiocre qualité, souvent abstraite et juridique ; elle fait obstacle à la volonté d'apprécier les enjeux concrets.

La réforme de l'ordonnance organique doit s'attacher à remédier à ces graves lacunes tant elles provoquent un malaise réel.

Progresser vers une budgétisation par objectifs, mieux prendre en compte la dimension temporelle des finances publiques, rénover le système comptable, en faire le support des informations indispensables à une gestion éclairée des deniers publics, tels sont les quatre objectifs d'une réforme du contenu des lois de finances.

En bref, remédier à ce qu'on est tenté d'appeler l'anomie budgétaire devient une impérieuse et urgente nécessité.

I. METTRE EN PLACE UN BUDGET DE MISSIONS

Des tentatives de rénovation de la présentation budgétaire ont été déjà engagées en France, sans succès. Elles témoignaient d'une réelle insatisfaction face à un budget sans repères et sans finalités évidentes. Elles voulaient également tracer la voie d'une meilleure gestion publique.

Ces efforts doivent être repris. Le budget ne peut plus être l'addition de moyens, coupés des objectifs poursuivis par l'action publique et votés sans considération des résultats obtenus. L'avènement d'un budget de missions ne doit pas naturellement conduire à occulter toute appréciation des moyens . Mais le débat sur les moyens ne doit plus être détaché des finalités poursuivies et son enrichissement doit être aussi un objectif de la réforme.

A. UN BUDGET TROP CENTRÉ SUR LA DÉTERMINATION DES MOYENS SANS RÉELLE RELATION AVEC LES FINALITÉS ET LES PERFORMANCES DES ACTIONS PUBLIQUES

Les lois de finances manquent cruellement de mise en perspective . Si cette situation ne résulte pas seulement des dispositions de l'ordonnance organique, celle-ci l'a toutefois favorisée. En centrant exclusivement les lois de finances sur la définition et l'autorisation des moyens des ministères, elle a conduit à oublier que les moyens budgétaires doivent être justifiés par les finalités et les performances de l'action publique. Si les demandes des ministères dépensiers sont arbitrées par le ministre de l'économie et des finances en prenant en considération leurs besoins réels et leurs performances, il n'en apparaît hélas rien de vraiment substantiel au stade du projet de loi de finances lui-même.

Le Parlement et l'opinion publique sont donc appelés à apprécier les dépenses de l'Etat sans connaître avec un niveau de précision suffisant leur usage ni, " a fortiori ", leur utilité .

La présentation des crédits dans les projets de loi de finances et les documents budgétaires qui leur sont associés n'opèrent pas un rattachement satisfaisant de ces crédits aux objectifs poursuivis et, encore moins, aux résultats acquis.

Les initiatives prises en la matière dans les années 70 ont été abandonnées, et les documents budgétaires aujourd'hui produits, malgré quelques améliorations de présentation, sont loin de permettre une lecture dynamique du budget.

1. L'abandon significatif des " blancs " ou budgets de programme

Sous-produits de l'effort de rationalisation des choix budgétaires adaptée du " Planning programming budgeting system " et qui visaient à doter la France d'un budget d'objectifs et d'une gestion des moyens, à partir d'un contrôle des résultats, les " budgets de programme " dits " blancs budgétaires " ont été mis en oeuvre à partir de 1978. Une circulaire de la direction du budget leur assignait en 1979 trois objectifs :

• favoriser la prise de décision en établissant une corrélation entre le niveau des moyens et les objectifs poursuivis ;

• assurer un meilleur contrôle de l'efficacité de la dépense en prenant en compte les résultats obtenus ;

•  améliorer la gestion des services par l'affirmation de leurs responsabilités en matière de résultats et de coûts de leurs activités.

Plusieurs caractéristiques des budgets de programme doivent être mises en évidence.

Ces budgets de programme ne découlaient en rien d'une prescription de l'ordonnance organique. Résultant de directives de la direction du budget, ils n'ont jamais constitué davantage qu'un élément facultatif d'information du Parlement.

La diversité des objectifs poursuivis par leur élaboration doit, en outre, être soulignée. Il s'agissait, d'une part, d'éclairer la prise de décision budgétaire et, d'autre part, d'introduire une modernisation de la gestion publique, en réunissant les instruments permettant l'instauration de " centres de responsabilité ".

Si la volonté d'éclairer la prise de décision budgétaire grâce à ces budgets de programme était principalement destinée aux décisions prises par l'exécutif, cette mise en relation des moyens, des finalités et des performances des différentes actions publiques était aussi un préalable à une restauration du sens de l'autorisation parlementaire .

Parallèlement, cette rénovation de l'autorisation parlementaire appelait des conséquences pratiques sur les fonctions de l'administration, allant dans le sens de davantage de responsabilités.

La structure des budgets de programme

Les " blancs " comportaient trois parties :

- La première partie était consacrée à une présentation générale du ministère et à la nomenclature détaillée de la structure de programme, divisée en un nombre variable de domaines -de trois à dix- eux-mêmes subdivisés en un groupe de programmes -de trois à huit- ;

- La deuxième partie des blancs comportait différents tableaux récapitulatifs comparant les dotations affectées au titre de la loi de finances initiale et des deux années antérieures :

. par domaine et par groupe,

. par domaine et par nature de charges.

- Enfin, la troisième partie était consacrée à une présentation détaillée par domaine et par groupe de programmes.

Ces documents étaient sans doute perfectibles . Les tableaux récapitulant les dotations budgétaires portaient sur des séries chronologiques réduites à trois années et peu significatives. Les comparaisons pouvant être faites à partir de ces tableaux manquaient de pertinence ; les chiffres afférents aux années antérieures à celle de chaque budget de programme étaient ceux des budgets votés (autorisation) et non ceux des lois de règlement (dépenses effectives).

Cependant, ils comportaient des informations utiles telles qu'une description du groupe et des objectifs pour l'année, un tableau des coûts sur trois années, avec une distinction entre les sources de financement (Etat, autres financements dont fonds de concours) ainsi qu'un tableau comportant, sauf exception, des indicateurs de moyens (effectifs budgétaires...), parfois des indicateurs d'activité, et plus rarement des indicateurs de résultats pertinents.

Il est particulièrement regrettable que la présentation de ces documents ait été abandonnée ; subsiste seul, mais selon une périodicité variable, le budget de programme du ministère de l'économie et des finances.

En pratique toutefois, les " blancs " étaient rarement déposés au Parlement en même temps que le projet de loi de finances et tous les documents annexes, de sorte qu'ils ne contribuaient pas vraiment à la préparation de la loi de finances initiale car produits trop tard pour clarifier les débats parlementaires.

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