B. AFFIRMER L'UNIVERSALITÉ EN MATIÈRE DE RECETTES

1. Les problèmes créés par la pratique budgétaire

S'agissant des ressources, l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 est construite sur un triple pilier.

Elle s'inscrit d'abord dans un cadre constitutionnel strict. Selon l'article 34 de la Constitution, les lois de finances déterminent les ressources de l'Etat. L'ordonnance organique en a tiré, dans son article 1 er , la précision que les lois de finances " déterminent la nature, le montant et l'affectation de ces ressources ". L'article 34 prévoit également que la loi fixe les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ". Enfin, selon l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen , " tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ".

Dans ce cadre, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 a instauré une architecture (alinéa 4 de l'article 2, alinéa 1 er de l'article 4 et alinéa 2 de l'article 31) que la pratique récente invite à préciser ou à modifier.

L'ordonnance comporte plusieurs concepts qui doivent être distingués. Ainsi elle traite différemment la création de la ressource, l'autorisation de sa perception et, enfin, son évaluation .

La loi de finances de l'année contient ainsi d'abord l'autorisation unique de percevoir les impôts (alinéa 3 de l'article 1 er ).

Elle peut aussi, comme toutes les lois, procéder à des créations en matière d'impositions de toutes natures, en fixant leur assiette, leur taux et leurs modalités de recouvrement (alinéa 3 de l'article 1 er ).

S'agissant de l'évaluation des ressources publiques enfin, l'ordonnance distingue les ressources courantes de celles de trésorerie. Le produit des premières comme des secondes est théoriquement évalué -seules les premières interviennent dans la détermination de l'équilibre financier-, mais les ressources liées à la politique d'endettement de l'Etat, c'est-à-dire les emprunts qu'il souscrit, échappent en fait à une évaluation détaillée et précise et n'entrent pas dans les " voies et moyens " qui assurent l'équilibre financier.

Trois problèmes principaux apparaissent à l'analyse de la pratique budgétaire.

Le premier concerne la distinction entre ressources permanentes et ressources de trésorerie. S'il semble justifié de conserver une telle différence, en revanche, l'absence, dans les ressources permanentes, du produit des emprunts nécessaires à la couverture du déficit budgétaire et au remboursement du capital de la dette est abusive, attendu les niveaux atteints par les émissions du Trésor français, le poids de l'endettement de l'Etat, mais aussi attendu le statut de la dette publique comme critère essentiel de convergence dans le cadre de l'Union économique et monétaire. Ces ressources, certes non définitivement acquises, ne sont pas pour autant des ressources de pure trésorerie. Le produit des emprunts est si nécessaire à la couverture des engagements passés et du déficit de l'exercice qu'il occupe la deuxième place dans les ressources publiques. A ce titre, le vote en loi de finances pour l'autoriser et l'évaluer devrait être pleinement nécessaire et réaffirmé 23 ( * ) . En revanche, il n'y a pas lieu d'inclure les flux de pure trésorerie liés par exemple au placement de disponibilités auprès du Trésor par des organismes publics. Les produits qu'ils engendrent pour l'Etat doivent cependant être comptabilisés comme ressources permanentes, dans la mesure où celles-ci lui restent acquises.

La deuxième difficulté résulte de la pratique, constamment développée par les gouvernements successifs, des débudgétisations. La technique budgétaire consistant à isoler une charge de l'Etat, à la sortir de son champ, à la confier à un tiers (établissement public, association, voire personne morale de droit privé), n'est pas saine. Document maître en matière de prélèvements obligatoires, la loi de finances doit conserver cette fonction, essentielle en démocratie, sauf à apparaître chaque année plus fragmentaire, alors même que les prélèvements, eux, ne font que croître et se diversifier sans que les citoyens puissent y consentir de manière non équivoque par leurs représentants. De ce point de vue, les possibilités de contourner les règles précises d'affectation posées par l'ordonnance organique, et la définition certainement trop restrictive des ressources de l'Etat, apparaissent comme des faiblesses du texte actuel, qui ne prévoit rien en matière de consolidation fiscale.

S'il semble difficile de revenir aujourd'hui sur les champs propres aux autres administrations publiques, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales, il devient en revanche impérieux de donner une vision plus globale et plus juste de l'étendue de ce que l'Etat prélève effectivement pour l'accomplissement de ses missions et de resituer ces prélèvements dans le contexte de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Enfin , le texte de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 a instauré un régime des ressources publiques si complexe que son maintien semble aujourd'hui peu justifié . Nul ne contestera la nécessité d'une simplification et d'une clarification.

Voilà les principaux écueils que votre commission des finances se propose d'éliminer s'agissant des ressources publiques.

* 23 L'article 15 de l'ordonnance en prévoit l'autorisation par la loi de finances.

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