2. Définir le champ des ressources autour des exigences d'exhaustivité, de transparence, et de signification économique

Dans ordonnance organique, l'énumération des ressources de l'Etat distingue les ressources permanentes et les ressources de trésorerie. Les ressources permanentes recensées à l'article 3 ne semblent pas aujourd'hui de nature à offrir une vision complète et économiquement significative de ce dont dispose effectivement l'Etat considéré au sens large.

S'il convient de préserver le principe d'autonomie financière des collectivités locales et de prendre en compte l'existence de la loi de financement de la sécurité sociale, il n'empêche que la loi de finances est bien définie par la Constitution comme se rapportant aux charges et aux ressources de l'Etat. Encore faut-il que ces ressources soient complètement énumérées, autorisées et évaluées par le Parlement quand il se prononce. Encore faut-il que la présentation de ces ressources soit, économiquement et financièrement, pertinente. Ce sont ces objectifs qu'a retenu votre commission.

Ils l'ont conduite à considérer que l'Etat dispose de ressources permanentes et de ressources exceptionnelles, et que l'ensemble de ces ressources doit être inclus dans les lois de finances 24 ( * ) .

a) Les ressources permanentes

Les premières comprennent le produit de l'ensemble des impositions de toutes natures, à l'exception de celles qui sont directement affectées aux organismes de sécurité sociale et aux collectivités locales. Il est indispensable, dans un souci d'exhaustivité, de retracer l'ensemble de ces impositions dans un document unique. Cette approche est d'autant plus légitime que ce même texte est celui qui en autorise la perception.

De ce point de vue, plusieurs difficultés sont à relever. Ainsi en va-t-il du régime des taxes parafiscales qui les fait échapper à l'autorisation parlementaire, un temps au moins. Il devrait être reformé.

De même, bien des impositions de toutes natures échappent à l'évaluation parlementaire. Votre commission estime essentiel d'y remédier. L'argument souvent cité selon lequel ces ressources ne seraient pas à proprement parler des ressources de l'Etat apparaît plus formel -il résulte de l'actuelle rédaction de l'ordonnance- que réel. Il importe, pour qualifier l'Etat en matière de finances publiques, de s'attacher à des notions économiques et financières ainsi qu'à son statut politique. L'approche économique et financière renvoie aux prélèvements et aux dépenses publiques. L'approche politique montre que l'Etat est celui qui, pour la conduite des missions qui lui sont confiées, est autorisé à prélever, à dépenser, et à intervenir par les représentants de la Nation. Une personne morale exerçant une mission d'intérêt public doit être considérée comme un démembrement économique et politique de l'Etat. A ce titre, il est justifié que le Parlement évalue le montant de ce qu'elle prélève sur la Nation. C'est au constituant, comme il l'a fait en 1958 pour les collectivités territoriales, et en 1995 pour les organismes de sécurité sociale, de prévoir explicitement des exceptions. Or, jusqu'à maintenant, il ne l'a pas fait s'agissant des personnes morales bénéficiant du produit d'une imposition de toute nature pour l'exercice de missions d'intérêt public.

Il paraît donc sain, sage, transparent, économiquement justifié, et démocratiquement indispensable que les lois de finances déterminent le produit de l'ensemble des impositions de toutes natures, sauf celles pour lesquelles la Constitution elle-même prévoit une exception.

Les ressources permanentes de l'Etat doivent comprendre l'intégralité des moyens dont il dispose pour accomplir ses missions . Elles sont nombreuses et variées : le produit des amendes ; les rémunérations de services rendus, redevances, fonds de concours ; les revenus courants du domaine, des participations financières ainsi que des autres actifs ou droits détenus par l'Etat ; les recettes de trésorerie ; les produits courants divers. De ce point de vue, le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale a, dans sa proposition de loi organique, vu juste.

b) Les ressources exceptionnelles

A ces ressources permanentes s'ajoutent les ressources exceptionnelles de l'Etat. Celles-ci se distinguent des premières en ce qu'elles ont un caractère ponctuel, unique, et ne sont pas amenées, du moins théoriquement, à se reproduire.

Au premier rang de ces recettes exceptionnelles, figure, bien évidemment, le produit des emprunts nécessaires au financement du résultat de l'exercice et au remboursement de la dette de l'Etat constatée à la fin de l'exercice précédent. Ces recettes, qu'il n'est pas possible de prévoir et d'inscrire, doivent être distinguées de l'ensemble des opérations infra-annuelles que nécessite la bonne gestion financière de l'Etat. En revanche, il conviendrait d'autoriser l'émission des emprunts et de les évaluer, mais également d'assouplir l'interdiction d'acquitter une charge publique par remise d'un titre d'emprunt, en consacrant la pratique des échanges de titres d'emprunt destinés à rembourser la dette passée 25 ( * ) .

Dans tous les cas, le Parlement devrait se prononcer sur l'autorisation mais aussi sur l'évaluation de l'endettement de l'année. Il s'agit d'un vote d'autant plus important qu'il engage la Nation pour l'avenir. La légitimité de l'inclusion de ces recettes au nombre des recettes de l'Etat évaluées en loi de finances est incontestable et ne saurait donc être remise en cause.

Parallèlement, l'Etat bénéficie d'autres ressources revêtant un caractère exceptionnel : le remboursement des prêts et avances qu'il a consentis ; le produit de cessions du patrimoine financier et non financier ; les dons et legs ; les éventuels produits exceptionnels divers. Toutes celles-ci devraient aussi être recensées, autorisées et évaluées en loi de finances. Elles concourent en effet pleinement au résultat financier de l'année, au même titre que l'impôt et l'emprunt.

Votre commission est donc animée, dans le recensement des ressources de l'Etat, par un triple souci d'exhaustivité, de transparence et de signification économique.

L'exhaustivité apparaît dans l'énumération des différentes recettes : l'intégralité de celles qui, de près ou de loin, à un degré divers, concourent au financement de l'activité de l'Etat, doivent apparaître en loi de finances. Recensées complètement, clairement et lisiblement, elles appellent un débat démocratique éclairé sur ce que perçoit l'Etat, avant de s'interroger sur l'usage qu'il fait de cet argent que la Nation lui consent. Enfin, l'Etat est un agent économique parmi les autres, en concurrence avec les autres Etats du monde ; agissant avec ses partenaires européens, il a besoin d'acquérir une lisibilité économique forte. Les acteurs économiques ont besoin de savoir précisément ce qu'il fait, ce dont il dispose, ce qu'il rétrocède, etc. Ce que les Français gagneront en clarté par la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, la France en tirera également profit en crédibilité dans la compétition mondiale.

* 24 On aurait aussi pu imaginer de distinguer, à l'instar du système européen de comptabilité, les ressources définitives des ressources financières, la différence avec les catégories imaginées par votre commission portant uniquement sur les produits des cessions du patrimoine non financier et les produits exceptionnels divers.

* 25 Cela pourrait prendre la forme, au sein de l'article consacré aux émissions d'emprunts, de deux alinéas ainsi rédigés :

" Les titres d'emprunt émis par l'Etat ou toute autre personne morale de droit public ne peuvent être utilisés comme moyen de paiement.

Toutefois, pour l'exercice au cours duquel elles interviennent, sur autorisation expresse d'une loi de finances, les dépenses de remboursement de la dette de l'Etat peuvent être opérées par échange avec des titres de la nature de ceux mentionnés au précédent alinéa ".

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