COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

Audition de M. Emmanuel HAU , directeur général délégué
à l'économie et aux finances à la SNCF

et de M. Philippe de SAINT-VICTOR , directeur du pôle stratégie, infrastructures et relations avec RFF

mardi 22 février 2000

M. Jacques Oudin a posé de nombreuses questions à M. Emmanuel Hau, concernant notamment les parts de marché de la SNCF, ses perspectives d'investissement, les comptes de l'établissement public et leur éventuelle réforme, la régionalisation des services régionaux de voyageurs et les perspectives offertes par l'intermodalité.

M. Auguste Cazalet a interrogé le directeur général délégué sur la politique de la SNCF en matière de développement du fret, et en particulier sur la réalisation d'axes rapides de transport de fret.

S'agissant des comptes de la SNCF, M. Emmanuel Hau a déclaré que la direction de l'établissement public s'attachait depuis trois ans à créer un système de gestion performant, permettant notamment un pilotage par activités.

Il a expliqué que la SNCF avait souhaité passer d'une présentation de l'établissement sous forme de structure horizontale à une structure verticale, par activité, chaque activité représentant un client de la SNCF. Il a déclaré que ce tableau vertical par activité permettait désormais à la SNCF de calculer ses marges, alors qu'auparavant, les coûts et les recettes étaient traités séparément, sans être répartis par activité.

Le système précédent rendait difficile le calcul de marges par régions, puisque les coûts et les recettes d'un train se répercutaient sur plusieurs d'entre elles. Le pilotage par activité, en se centrant sur une typologie du client, permet de calculer des marges et d'allouer les ressources de façon optimale.

Il a ajouté que la réflexion sur la présentation comptable était au coeur et à la base du dialogue entre l'Etat et les entreprises publiques, dialogue qui exige un effort accru de transparence. Il a toutefois préconisé une présentation en comptabilité générale, seule présentation fiable pour connaître les coûts de gestion, avant de donner une présentation en comptabilité analytique, puisqu'une telle présentation relève de conventions qui peuvent prêter à controverse. Dans ces conditions, la comptabilité analytique s'ancre dans la comptabilité générale qui la fiabilise.

M. Emmanuel Hau a ensuite expliqué que la SNCF était incitée à développer la transparence de ses coûts, du fait de ses nouvelles relations avec Réseau ferré de France, pour lequel elle agit comme prestataire de services, et qui lui demande des données fiables, mais également en raison d'autres réformes à venir, telle la régionalisation des services de transports régionaux de voyageurs inscrite dans le projet de loi " solidarité et renouvellement urbain " ou la contractualisation avec la région Ile-de-France.

Il a souhaité que la présentation de coûts établis sur des méthodes d'évaluation incontestables permette aux régions de mieux comparer le coût des investissements avec la réalité des besoins à satisfaire.

Il a ajouté que la SNCF devait parvenir à détailler ses coûts en utilisant le moins possible le régime du forfait, malgré l'existence de nombreuses prestations croisées. Il a cité le logiciel " Geode ", qui permet actuellement de chiffrer le coût de réalisation des infrastructures ferroviaires, notamment pour RFF.

Le directeur général délégué de la SNCF a souhaité que la réflexion sur les méthodes d'évaluation des coûts soit achevée et validée par les différentes parties prenantes, avant de se prononcer sur les montants d'investissement à financer. Il a annoncé que les comptes de la SNCF en 2000, qui seront publiés au printemps 2001, seront établis selon la nouvelle présentation comptable, dans un souci de transparence.

S'agissant de l'activité Fret, M. Emmanuel Hau a déclaré que l'idée d'une prééminence donnée traditionnellement par la SNCF au transport de voyageurs, était en train d'évoluer. Il a cité l'appel du Groupe d'intérêts pour le fret ferroviaire (GIFF), groupement de transporteurs routiers qui s'insurge contre la politique actuellement menée par la SNCF en matière de fret ferroviaire, de manière sans doute un peu polémique, mais indique aussi que les traditionnelles oppositions rail-route pourraient être progressivement dépassées et aller vers davantage de complémentarité.

Il a indiqué que la SNCF était en train de doter l'activité fret de ses propres moyens, de manière à éviter certaines situations qui se produisent encore, lorsque, par exemple, pour les nécessités du service aux voyageurs, l'on retire un locomotive diesel d'un convoi de fret pour l'affecter au transport de personnes. Aujourd'hui, l'activité fret dispose en propre de ses locomotives.

Il a insisté sur la nécessité d'améliorer la rapidité du transport de fret, et plus encore sur la régularité, la SNCF devant avant tout respecter ses délais pour satisfaire ses clients.

S'agissant de la réalisation de grandes infrastructures, il a recommandé de se méfier de toute démagogie. Il a indiqué que les investissements de désaturation étaient les investissements les plus nécessaires, car permettant de dédier une ligne à une activité spécifique, transport de fret, transport de voyageurs grande ligne, ou transport régional de voyageurs. Il a insisté sur la nécessité de réaliser des infrastructures de contournement des noeuds ferroviaires, infrastructures qui ne sont pas spectaculaires, mais pourtant les plus utiles pour remédier aux goulots d'étranglement et permettre le développement de l'ensemble des trafics.

M. Emmanuel Hau a déclaré que les trafics de marchandises et de voyageurs entraient en compétition au fur et à mesure qu'ils se développaient, ce qui nécessitaient de trouver de nouvelles solutions. Malgré la diminution relative du transport de marchandises par fret au cours de ses dix dernières années, il a indiqué que la baisse enregistrée en France était moins sensible que celle enregistrée en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Il a toutefois ajouté que l'objectif de doublement du trafic fret en dix ans ne pourrait être atteint sans la réalisation des importantes infrastructures de contournement qu'il venait d'évoquer.

M. Emmanuel Hau a ensuite plaidé pour une approche européenne du trafic ferroviaire, en précisant que la France avait transmis à la commission européenne la carte des principaux investissements à réaliser pour développer le réseau ferroviaire européen. Il a ajouté que la SNCF disposait d'atouts naturels pour les distances nécessitant moins de trois heures de trajet, ce qui se vérifiait pour les liaisons entre des capitales européennes très proches, Londres, Paris et Bruxelles, où elle pouvait prendre des parts de marché importantes au transport aérien. A contrario, il a fait observer, que s'agissant notamment des voyages d'affaires, les liaisons de transport de voyageurs sur longue distance ne pourraient pas raisonnablement concurrencer le transport aérien.

Enfin, s'agissant des charges pesant sur la SNCF, le directeur général a rappelé que l'établissement avait toutes les caractéristiques d'une industrie de main-d'oeuvre, les charges de personnel représentant 70 % des coûts, si bien que la réduction du temps de travail à trente-cinq heures coûterait environ 1,3 milliard de francs par an à l'établissement en l'année 2000, cette charge n'étant que progressivement équilibrée par la modération salariale et une meilleure organisation du travail.

En conclusion, M. Emmanuel Hau a indiqué qu'il apporterait des réponses écrites complémentaires aux questions posées par M. Jacques Oudin.

Audition de M. Rémy PRUD'HOMME ,
professeur à l'université Paris XII

et de M. Christian GERONDEAU,
président de l'union routière de France

mercredi 15 mars 2000

M. Jacques Oudin a interrogé M. Rémy Prud'homme sur le lien existant entre le développement économique et la demande de transport.

M. Rémy Prud'homme a répondu que le ministère de l'équipement, des transports et du logement venait de publier un rapport sur les perspectives d'évolution de la demande de transport.

Il a toutefois fait observer que ce rapport mesurait l'évolution des trafics de marchandises, en tonne/km et des trafics de voyageurs en passagers/km, alors qu'il conviendrait de se référer à une mesure de l'activité des différents modes de transport en valeur, c'est-à-dire en francs. Mais il a ajouté que les économistes et statisticiens de disposaient pas de données sérieuses sur l'évolution des transports en valeur.

S'agissant de la comparaison entre la croissance économique et l'évolution de la demande de transport, M. Rémy Prud'homme a déclaré que la demande de transport augmentait au même rythme que la croissance du produit intérieur brut, pour les marchandises, et un peu moins vite pour les passagers.

S'agissant de la décomposition de l'activité des modes de transport, il a indiqué que la demande de transport de voyageurs pouvait être considérée comme deux fois plus importante que la demande de transports de marchandises en valeur. Par ailleurs, et même si les trajets internationaux augmentent plus rapidement que les autres trajets, il faut noter que les trajets régionaux, c'est-à-dire les trajets de moins de 100 km, constituent la part dominante des transports.

S'agissant du rapport entre la qualité des infrastructures et le développement économique, M. Rémy Prud'homme a expliqué que plusieurs études avaient démontré que les infrastructures entraînaient un développement économique régional. Il a cité une thèse de M. Bernard Fritsch, à l'école nationale des ponts et chaussées, intitulée " la contribution des infrastructures au développement régional ".

Il a regretté que la vision des économistes britanniques, marqués par une situation de pénurie des infrastructures dans leur pays, ait profondément influencé les réflexions de la commission européenne, au détriment d'une vision plus réaliste de la situation des infrastructures de transport dans l'Union européenne.

M. Christian Gerondeau a regretté le manque de cohérence de la politique de transports, et le sectionnement des approches entre les différents modes de transports. Il a estimé qu'une politique des transports cohérente aurait dû conduire à faire des choix, mais qu'elle aurait, par exemple, nécessité de reconnaître que les investissements dans les voies navigables n'étaient pas rentables. Il a ajouté que la politique des transports ne deviendrait vraiment cohérente que lorsque l'Etat connaîtra le prix de revient des différents modes de transport.

M. Gérard Miquel , rapporteur spécial du budget des routes, a pris l'exemple des contrats de plan, pour lesquels l'Etat finance un tiers des investissements et les régions au moins un tiers également. Il a expliqué que la responsabilité des décideurs politiques dans le choix de réalisation des infrastructures était importante, mais que ceux-ci n'avaient pas encore choisi de réfléchir au concept d'itinéraire, pourtant seul pertinent en matière de transports. Il a ajouté que l'Etat n'avait plus les moyens de financer directement et d'entretenir des grandes liaisons autoroutières, et qu'il devrait se concentrer sur les liaisons inter-autoroutes. Il en a conclu que l'Etat sera obligé, à terme, de reverser dans le système autoroutier concédé des portions d'autoroutes qu'il n'aura plus les moyens de financer.

M. Christian Gérondeau a répondu que l'Etat avait encore les moyens de financer des infrastructures routières, mais que le problème résidait dans le fait qu'il consacrait dans le domaine des transports une part excessive de ses ressources au financement du rail qui accapare plus de 80 % de celles-ci. Il a indiqué que l'Etat prélevait plus de 200 milliards de francs par an sur les automobilistes, et qu'il n'en rétrocédait rien aux collectivités locales.

M. Rémy Prud'homme a rappelé l'existence du rapport de M. Boîteux sur la rentabilité des infrastructures. Il a ajouté qu'il était très difficile d'apprécier la rentabilité économique des infrastructures, et que l'on se trompait aussi bien sur le coût des infrastructures que sur les projections de trafic, davantage encore pour le fer que pour la route. Il a indiqué que des données fondamentales comme la valeur du temps des camions n'étaient pas, à son avis, convenablement prises en compte. Il a regretté l'absence de services d'étude indépendants, la plupart des études étant réalisées par des organismes intéressés à la réalisation de l'infrastructure ou par la direction de la prévision. Il a également déploré l'absence d'étude a posteriori, alors même que la loi le prévoit. Enfin, il a indiqué que la Cour des comptes ne pourrait être à même de réaliser ce type de travail.

M. Christian Gérondeau a pris l'exemple du trafic du tunnel sous la Manche entre Paris et Londres : il a indiqué que les prévisions de trafic évaluaient à 15 millions le nombre de passagers la première année de mise en service, alors qu'ils ne furent que 3 millions. Aujourd'hui, le trafic est d'environ 6 millions de passagers par an. Il a ajouté que si l'on prenait cet exemple pour mesurer les perspectives de trafic résultant de la construction du tunnel ouvrant la liaison Perpignan-Barcelone, le trafic pouvait être évalué à 300.000 passagers par an, soit pas même un TGV par jour.

M. Rémy Prud'homme a ajouté que le raisonnement valait également pour la liaison Lyon-Turin. Il a expliqué qu'une répartition simple des modes de transports pouvait être réalisée suivant les distances parcourues : les trajets inférieurs à 200 kilomètres se font essentiellement par routes, les trajets entre 200 et 600 kilomètres par rail et les trajets supérieurs à 600 kilomètres par avion.

Audition de M. Claude MARTINAND ,
président de Réseau Ferré de France,

accompagné de M. Dominique LEBRUN ,
chargé des relations extérieures

mercredi 29 mars

Présents

MM. Jacques Oudin, Auguste Cazalet, Gérard Miquel.

S'agissant de la politique globale de l'Etat à l'égard du développement des infrastructures de transport, M. Claude Martinand a rappelé qu'il avait préconisé depuis longtemps de créer une direction générale des infrastructures de transport au ministère chargé de l'équipement et des transports. Seule une direction transversale serait en effet apte à traiter des questions de long terme en matière de tarification et de financement des infrastructures. De surcroît, la gestion actuelle des transports, qui correspond à une séparation par mode, conduit à ce que certaines personnes sont à la fois juge et partie pour des décisions importantes. Il a cité le cas du commissaire de gouvernement au conseil d'administration d'Air France qui est également à celui d'Aéroports de Paris : ils fixent les tarifs d'utilisation des infrastructures aéroportuaires et doivent en même temps promouvoir une ouverture à la concurrence du secteur. L'ouverture à la concurrence et un bon fonctionnement du marché devraient conduire à une séparation entre les gestionnaires et les utilisateurs des infrastructures. Il a expliqué que l'Union européenne avait déjà une organisation conforme à ses préconisations qu'il convenait d'imiter en France, afin d'avoir une vision globale et une meilleure maîtrise de la politique des transports.

M. Claude Martinand a ensuite déclaré en boutade qu'il n'existait pas de problème de financement des infrastructures, mais seulement un problème de tarification. En effet, si l'usager payait réellement le coût de l'utilisation de l'infrastructure, tous les projets utiles pourraient être réalisés.

Il a pris l'exemple de la tarification pour l'utilisation des sillons ferroviaires. A la création de RFF en 1997, la SNCF ne payait que ce qu'elle pouvait et non le coût réel. Les péages représentaient ainsi 6 milliards de francs, soit l'équivalent du solde de gestion de la SNCF. Bien que ne se déclarant pas partisan d'un paiement intégral par l'usager, il a rappelé que RFF avait certaines contraintes, et notamment celle d'obtenir un retour sur investissement, en application de l'article 4 du décret 97-444.

Il a expliqué que très peu de projets pouvaient être financés par les seuls usagers, en citant la liaison Paris-est-Roissy comme le seul projet actuel autofinançable. A cet égard, il a indiqué que malgré la forte augmentation des crédits consacrés aux infrastructures ferroviaires, l'investissement public global n'augmenterait guère, car cette hausse résultait d'un changement dans le mode de financement des infrastructures.

Le président de RFF a ensuite estimé qu'il serait difficile de faire le bilan des financements publics et privés allant aux différents secteurs de transport, dans la mesure où ce bilan dépendait largement de la méthodologie utilisée.

Il a cité l'exemple de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui pouvait être considérée, ou non, comme un impôt sur les usagers de la route. Il a ainsi déclaré qu'il était possible d'affirmer que les usagers de la route ne payaient pas les coûts de la route, mais aussi le contraire, avec des déclinaisons possibles entre voitures particulières et véhicules professionnels. Il a estimé, à titre personnel, que la TIPP représentait, au moins en partie, un impôt spécifique à la route, dans la mesure où on ôtait la partie du produit correspondant au fuel domestique et la TVA sur la TIPP. Il en a conclu que, globalement, les usagers de la route payaient peut être leurs coûts, mais pas les poids lourds ni les véhicules particuliers en ville.

M. Claude Martinand a ajouté que la mesure de certains coûts, notamment le bruit, la pollution, la sécurité, le temps, était des plus incertaine. Elle est actuellement réalisée sur la base des conclusions du rapport " Boîteux " et de la circulaire dite "circulaire Idrac ", mais l'on peut contester certaines méthodes d'évaluation de cette circulaire. Ainsi, il a déclaré que l'on surestimait sans doute la valeur du temps, qui dépend du niveau de richesse de chaque individu. Il a ajouté que la SNCF utilisait encore des méthodes de calcul contraires aux dispositions de la circulaire Idrac, notamment pour les projets de trains à grande vitesse, ce que la Cour des comptes avait d'ailleurs critiqué (s'agissant, par exemple, du TGV Nord).

Le président de RFF s'est déclaré favorable à la transparence, mais il a estimé que les tableaux actuels qui chiffrent les contributions de chacun au financement des infrastructures de transports reposaient sur des méthodes incertaines. S'agissant des péages autoroutiers, il a rappelé que ceux-ci finançaient à la fois la présence de gendarmes sur les autoroutes et le FITTVN. Il a pris l'exemple de la Suisse et des Etats-Unis, pays dans lesquels une partie de la taxe sur les produits pétroliers était clairement affectée au secteur routier.

S'agissant de l'évolution des différents modes de transports, il a déclaré ne pas croire à un scénario médian. Il a indiqué que soit le fret ferroviaire se développait dans les 3 à 5 ans à venir, soit il ne fallait pas compter sur une reprise. Pour montrer la prise de conscience de l'importance du fret ferroviaire, il a cité un récent accord entre la SNCF et les associations de transporteurs routiers comprenant un engagement de la SNCF sur une régularité des trains de 95% et une croissance de 20% du transport combiné. Il a également cité l'exemple des vallées alpines qui souffrent du trafic de poids lourds et des réactions populaires qui ne manqueraient pas d'advenir en cas d'accroissement du trafic.

Cependant, il a pointé les nombreux dysfonctionnement de l'organisation du fret ferroviaire en Europe, alors même que le transport de fret est nécessairement un transport longue distance. Il a fait observer que le trafic de fret franco-allemand était dérisoire, que les échanges de marchandises entre la France et l'Espagne ne se réalisaient que pour 5 % par le rail. Il a rappelé que l'objectif de doublement du fret correspondait simplement à une stabilité en pourcentage de la part de marché puisque le trafic routier de marchandises doublerait pendant la même période. Il en a conclu qu'il faudrait des bouleversements profonds mais pourtant très souhaitables pour que le fret se développe.

Il a cité comme obstacle au développement du fret la saturation des noeuds ferroviaires et l'insuffisance des sillons : seuls des investissements à hauteur de 15 à 20 milliards de francs dans les dix ans qui viennent permettraient de telles réalisations, soit l'équivalent du coût du TGV Est. Mais avant même les investissements, il a pointé les problèmes d'organisation, et notamment les difficultés résultant du fait que le fret ne disposait pas de ses propres moyens, que les temps d'attentes aux frontières étaient très longs pour de simples raisons administratives (4 à 5 heures d'attente à la frontière franco-allemande), que le tracé des corridors de fret était encore élaboré de manière artisanale...

Il a cité les corridors internationaux existant entre Anvers et l'Italie (Belifret) où 2.000 trains ont circulé en trois ans, soit l'équivalent de 3 trains par jour seulement. En Allemagne, malgré le libre accès, les corridors de fret ne sont pas utilisés en raison de péages trop élevés.

En conclusion, il a souhaité que la SNCF fasse plus d'effort de productivité, de flexibilité et de régularité pour améliorer le trafic de fret. Il a expliqué que le coût de la traction était trop élevé et qu'il en résultait une mauvaise utilisation du parc actuel : une locomotive diesel ne parcourt ainsi que 40.000 km par an, en moyenne. Même les TGV sont sous-utilisés.

Après trois ans d'existence de RFF, la décision, l'organisation, le pilotage et la maîtrise d'ouvrage des projets d'investissement sont encore largement délégués à la SNCF. La séparation SNCF/RFF a le mieux réussi dans le domaine de gestion de la dette. En revanche, l'entretien du réseau, qui représente 17 milliards de francs par an, ne connaît que des gains de productivité minimes. Même si la SNCF a affiché des gains de productivité de 1 % en 1999, toutes les estimations dépendent de l'entreprise et ne peuvent être vérifiées.

M. Claude Martinand a estimé que d'ici deux à trois ans, et la mise en oeuvre des directives européennes sur l'ouverture des réseaux de transport, la SNCF ne pourra plus être la seule à décider de la mise en place des sillons. Le sujet majeur de préoccupation pour la SNCF devrait donc être la maîtrise de ses coûts, qui n'a guère progressé pour le moment. L'amélioration des comptes de l'entreprise résulte des efforts des pouvoirs publics (désendettement) et de l'accroissement de son activité et non d'une maîtrise de ses coûts. Toutefois, à l'appui des exemples étrangers, M. Claude Martinand a jugé que la réforme française était la plus achevée. Il a indiqué que les méthodes de financement en Grande-Bretagne freinaient les investissements, et que la réforme en Allemagne n'avait été qu'un jeu d'écritures.

Le président de RFF a ensuite indiqué que cinq projets de TGV étaient actuellement en phase d'étude, mais que les investissements ne pourraient guère débuter avant la fin de la construction du TGV Est. Dans les deux à trois ans, il a estimé que seul le TGV Est, les opérations figurant aux contrats de plan et le TGV Perpignan-Figeras pourraient être réalisés. Le FITTVN ne permettra pas de financer tous les projets dans les trois ans à venir.

M. Claude Martinand a ensuite stigmatisé l'égoïsme de certaines collectivités locales, qui, une fois leur desserte TGV obtenue, refusaient tout autre investissement d'intérêt général. Il a cité l'exemple du contournement du Mans qui, bien qu'essentiel, soulevait l'opposition des collectivités locales. Il a rappelé que si les collectivités locales ne s'impliquaient pas financièrement dans les projets d'investissement, ceux-ci n'avaient aucune chance de se réaliser. Il a insisté sur la nécessité de mieux entretenir et de mieux utiliser les infrastructures existantes. Il a souhaité qu'existe un système de nature à stabiliser les crédits d'entretien du réseau routier et autoroutier. Prenant l'exemple du trafic ferroviaire, il a rappelé que le lancement des TGV dans les années 80-90 s'était fait au détriment des crédits d'entretien courant et de dés investissements sur le réseau classique.

Concernant les réseaux transeuropéens de transport, il a expliqué que les avancées avaient été rendues possibles par le passage au vote à la majorité qualifiée.

Rappelant qu'il avait dirigé un livre concernant le financement privé des équipements publics, M. Claude Martinand a ensuite évoqué l'opposition du ministère de l'économie et des finances au régime de la concession. Il a expliqué que, par définition, l'argent privé coûtait plus cher, car le financement privé devait couvrir tous les risques, contrairement au financement public, l'Etat étant alors son propre assureur. Le financement privé impose des choix drastiques, et l'échec d'Orlyval a constitué un exemple sur ce point. Le surcoût privé est donc largement lié à la garantie du risque. Il a estimé qu'une bonne utilisation du secteur privé réside dans le contrat de conception, construction et maintenance sans financement privé, le financement étant assuré par la collectivité publique à un moindre coût.

S'agissant de la tarification, il a rappelé que RFF était favorable à une tarification fondée en partie sur la congestion, ce qui aboutissait, en réalité, à subventionner les petites lignes. Les tarifs dissuadent ainsi les trains " parasites " de passer dans des noeuds congestionnés. Les Allemands vont plus loin, car ils souhaitent tarifer les passages au coût complet, ce qui créerait une barrière à l'entrée : la politique de la Deutschbahn conduit ainsi à une chute du trafic fret, celui-ci n'étant pas assez rentable pour supporter le coût des péages.

Concernant la politique menée par l'Etat à l'égard des différents modes de transports, il a rappelé que les différents modes de transports n'étaient pas en concurrence sur la totalité de leur activité. Ainsi, le fret ferroviaire n'est pas rentable sauf cas particulier pour des distances inférieures à 200 ou 300 kilomètres. Certains trafics ne pourront jamais passer d'un mode à un autre : l'essentiel du trafic routier correspond à des trajets de moins de 120 km, qui ne sont pas transférables. La politique des transports ne peut pas harmoniser les charges d'infrastructures, mais elle doit être une politique de discrimination positive en faveur de certains modes, comme le fret ferroviaire. Pour cela, il lui faut un opérateur performant.

S'agissant de la création de réseaux transeuropéens de transports (RTE), il a déploré l'insuffisante coopération des réseaux, et souhaité que les RTE fasse l'objet d'une gestion spécifique, à l'image d'Eurostar ou Thalys. A terme, il a estimé qu'il y aura trois ou quatre compagnies de fret. Mais il a regretté que ces dossiers avancent lentement. Depuis la directive de 1991, aucune évolution notable n'a pu être enregistrée. De nombreux pays européens n'ont pas séparé l'infrastructure de l'exploitation : l'Allemagne a créé une holding avec une filiale, mais sans faire une séparation réelle de l'infrastructure et de l'utilisateur, de même que l'Italie qui s'est inspirée de l'Allemagne, et la Suisse, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne n'ont pas procédé à des réformes. Partout, l'idée d'une séparation a du mal à s'imposer, même en France, où la réforme est pourtant la plus achevée, en raison de réticences persistantes de la SNCF.

Audition de M. Claude GRESSIER , directeur des ports maritimes et du littoral et de M. Alain PLAUD , délégué général de l'UPACCIM

mardi 24 mars 2000

Etaient réunis MM. Oudin, Gressier, Plaud

M. Jacques Oudin a d'abord souhaité disposer d'outils prévisionnels sur une période de 20 à 30 ans, par exemple :

- un aperçu général des trafics (marchandises, voyageurs) ;

- la croissance des routes mondiales ;

- la croissance des routes arrivant en Europe ;

- le classement des ports européens.

Il a estimé intéressant de regarder l'évolution en 20 ans des ports français, notamment dans l'accueil des marchandises (entrées/sorties).

De même, la part des marchandises arrivée par la mer au niveau français et européen pourrait être utile.

Dans le schéma de service, l'évolution sur 20 ans a été estimée par type de trafic mais sans qu'on distingue les ports entre eux (pétroliers, vracs liquides, vracs solides, etc...), a précisé M. Claude Gressier.

Cette affectation est en effet difficile : interviennent des déplacements brutaux de trafic (cas du transfert de Cherbourg à Zeebruge de l'importation des automobiles Toyota), des phénomènes structurels (cas du trafic de farine, aujourd'hui concentré sur Rouen), a ajouté M. Alain Plaud.

M. Jacques Oudin s'est alors interrogé : si on ne peut prévoir la croissance des ports, comment prévoir les infrastructures qui les desserviront ? Cela est sans doute plus difficile pour les ports, dont le trafic est par nature volatil, que pour les routes, a indiqué M. Alain Plaud.

Les participants s'accordent en fait pour dire que c'est la prise en compte du trafic européen qui permet de résoudre l'équation.

Le développement portuaire relève de la géographie plus que de l'économie. M. Jacques Oudin cite l'exemple du port de Giao Toro, en Italie, dont la capacité est passée de 500.000 unités à 2 millions, et qui d'après lui fournit un bon exemple de port " noeud nodal ".

Actuellement nous sommes dans un cadre européen, sur une pente de croissance, et 80 % des marchandises en volumes viennent de ports maritimes français.

Une politique d'équipement se poursuit dans certains ports : Nantes, Le Havre, Dunkerque. L'UPACCIM étudie les perspectives d'évolution du trafic par filière, par localisation portuaire. Les schémas de développement concernent surtout les contrats de plan (2 milliards de francs) et les schémas de service.

M. Jacques Oudin estime qu'il faudrait une évolution sur une durée supplémentaire à celle des contrats de plan (sept ans). Il considère en effet que le contrat de plan est seulement un contrat de moyens.

M. Claude Gressier estime que dans le domaine portuaire, beaucoup a été obtenu au niveau des contrat de plans. M. Jacques Oudin déplore cependant que le contrat de plan demeure un marchandage plutôt qu'une réflexion stratégique. Il propose d'obtenir des données stratégiques en questionnant les collectivités locales. Le gouvernement a d'ailleurs demandé d'établir des " chartes de places portuaires ". Le pilote en serait le préfet, associé aux chambres de commerce et d'industrie. Elles seraient élaborées pour les ports autonomes et le ports d'intérêt national, qui représentent à eux deux 80 % du trafic.

La Commission européenne va demander une séparation entre les missions régaliennes et d'infrastructure et l'exploitation (à caractère " commercial "). M. Jacques Oudin estime que la gestion des ports en France est trop patrimoniale, parfois timorée, en regard de ce que font nos voisins (souvent ils privilégient la régie municipale).

Un problème de compétitivité va également se poser, estime M. Alain Plaud. Les terminaux sont en effet plus productifs lorsqu'ils sont gérés sous le commandement unique d'un opérateur public ou privé.

M. Alain Plaud exprime des inquiétudes quant à une mise en concurrence obligatoire au niveau européen, mais pour l'instant, rien n'est décidé à la Direction générale de l'énergie et des transports de l'Union Européenne. Pour sa part, le gouvernement français considère qu'il peut continuer à traiter de gré à gré avec les chambres de commerce et d'industrie, la loi Sapin ayant exclu leur mise en concurrence pour l'attribution des concessions portuaires.

Il est fait allusion aux travaux de M. Gilles Bouyer, Président du Comité économique et social des Pays de Loire. Ce dernier a mis en oeuvre une réflexion sur le cabotage maritime et le développement des ports de la façade atlantique.

Cette vision globale est absente des CPER, regrette M. Jacques Oudin . Par exemple, l'opération Port 2000, au Havre (600 millions de francs) se situe hors champ du CPER.

Concernant les schémas de service de transport, M. Brossier, qui préside le groupe de travail interministériel, peut être contacté.

L'enquête de la commission européenne sur les aides publiques apportées au secteur portuaire est évoquée. Elle n'aboutira vraisemblablement pas avant un certain temps, les systèmes étant extrêmement variés.

Les participants considèrent que les aides publiques sont à la source de distorsions de concurrence extrêmement importantes. La France est desservie par sa transparence en matière d'aides publiques.

Audition de M. Jean-Marc DELION ,
Chef du bureau des transports à la direction du budget

lundi 3 avril 2000

M. Jean-Marc Delion a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Jean-Marc Delion a indiqué que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait, par nature, un rôle de frein et de contrepoids vis-à-vis des ministères dépensiers, avec le souci d'éviter le legs de passifs aux générations futures. La réforme ferroviaire, avec la séparation de la SNCF et de RFF, et la prochaine réforme du financement des autoroutes, ont ainsi pour objectif de mettre en cohérence la politique à l'égard du développement des transports et les moyens de l'Etat. En ce domaine, l'impulsion de l'Union européenne, dans le sens d'une réflexion sur la gestion des transports publics, est importante.

Malgré ces évolutions, il a fait observer que l'investissement de l'Etat n'avait pas ralenti, au contraire, puisque la France investissait aujourd'hui dans ses transports environ 60 milliards de francs contre 45 milliards de francs dans les années 80. Il est vrai que ces dernières années ont marqué une pause, après la relance du programme autoroutier et du programme TGV, à la fin des années 80. Il a toutefois cité le lancement du projet port 2000 au Havre et la concession de l'A 86 dans les récents projets d'investissements. En résumé, il a souhaité que des progrès soient réalisés sur deux plans : d'une part, la gestion, l'utilisation et l'entretien des infrastructures et, d'autre part, la préservation du rôle de la France comme pays de transit.

M. Jean-Marc Delion a ensuite déclaré qu'il n'existait pas d'outil de suivi global des ressources dans le domaine des transports, notamment parce que les données ne prennent pas en compte les transports urbains et les contributions des départements. L'Etat finance une partie des investissements et joue le rôle de tutelle des entreprises publiques du secteur, il est représenté dans les conseils d'administration des entreprises publiques et au comité des investissements (CIES). Cependant, il n'existe pas de bon outil de suivi global des contributions au secteur des transports. Les comptes nationaux des transports n'accompagnent pas la décision : ils sont rendus publics deux à trois ans plus tard. Cependant, on sait que la contribution au secteur ferroviaire est de 68 à 69 milliards de francs par an, puisque la SNCF dépense environ 130 milliards de francs par an et gagne 60 milliards de francs. Les recettes du trafic, soit 47 milliards de francs, sont égales à la masse salariale, sauf depuis deux ans. Les transports ferroviaires sont globalement déficitaires dans tous les pays de l'Union européenne, même en Grande-Bretagne où la subvention atteint 15 à 20 milliards de francs par an.

Pour M. Jean-Marc Delion , le problème est moins le niveau de la contribution au secteur ferroviaire que la question du savoir si l'Etat paye le bon prix pour le service rendu. Or, il a déclaré que l'Etat ne savait pas toujours ce qu'il finançait. Pendant longtemps, les comptes de la SNCF étaient opaques pour l'entreprise elle-même. Aujourd'hui, elle s'efforce de mettre en place des comptes par domaine, afin de se donner une capacité de pilotage. Il a cité la régionalisation des services régionaux de voyageurs, qui permettrait d'améliorer la transparence et de promouvoir une démarche de contrats. La SNCF sera responsable devant les financeurs publics, et devra justifier ses coûts. Une démarche de contrat est également à l'oeuvre concernant le syndicat des transports parisiens.

Auparavant, la politique de lancement du TGV a pu être considérée comme une fuite en avant. Aujourd'hui, pour un investissement important, comme le TGV Est (20 milliards de francs), les pouvoirs publics s'engagent à hauteur de 16 milliards de francs, à charge à la SNCF de trouver le reste des financements. La SNCF doit s'engager sur des seuils de rentabilité, mais cela est difficile pour les lignes de fret, qui ne peuvent pas payer le coût d'utilisation des infrastructures.

M. Jean-Marc Delion a résumé l'action des pouvoirs publics dans le domaine des transports par trois éléments : des choix de structure (avec la séparation SNCF/RFF), le choix de projets (TGV Est, Port 2000, A 86) et une remise en ordre (le schéma autoroutier). Si l'investissement s'est ralenti depuis fin 1997, notamment pour les concessions autoroutières, c'est en raison d'un changement de logique de financement. La remise en ordre se situe d'abord sur le plan financier : le système autoroutier n'est pas en faillite, il dégage de la ressource nette, cependant, sa dette ne pouvait continuer à progresser de 10 milliards de francs par an. Si les recettes de péages progressent et que certaines sociétés d'autoroutes n'ont pas de problèmes financiers, tous les projets ne sont pas rentables. Par l'exemple l'A 89 Bordeaux-Clermont-Ferrand a un coût de 23 milliards de francs pour des recettes attendues de 7 milliards de francs. Le reste est donc apporté par les autres sections.

Le système autoroutier a peu de charges d'exploitation, contrairement au système ferroviaire, ce qui explique les efforts en faveur du rail.

M. Jean-Marc Delion a expliqué que les évaluations de trafic pour la route étaient faites par le logiciel SETRA, qui souffre de quelques insuffisances, puisqu'il ne tient pas compte du trafic local et des transferts de trafic. L'autoroute de l'est a ainsi mis 20 ans à rejoindre les prévisions de trafic.

En matière d'investissements autoroutiers futurs, tout dépendra du niveau de subvention demandé. La commission européenne n'a toujours pas accepté l'allongement des concessions autoroutières. Elle demande de mettre fin au mécanisme de l'adossement et de normaliser les sociétés d'autoroutes. S'agissant du FITTVN, qui représentera 4,5 milliards de francs en l'an 2000, dont 1,5 milliard au profit du secteur routier, le ministère de l'équipement, des transport et du logement n'a pas donné de nouvelles orientations à ce fonds, mais la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale a pris des positions très critiques. Actuellement, le seul outil fiscal de péréquation est la taxe d'aménagement du territoire, qui ne discrimine pas entre sections rentables et non rentables.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie vient de recevoir une lettre de la commission européenne souhaitant des explications sur les subventions versées à la SNCF pour le transport combiné. Les demandes de la commission et la décision relative au " paquet ferroviaire " de décembre 1999 vont avoir des répercussions sur la performance de la SNCF. Les grandes liaisons européennes comme Thalys et Eurostar ne sont pas des modes de gestion supranationaux, car il n'y a pas d'opérateur unique. En revanche, l'ouverture à la concurrence, par le biais des freeways ou corridors de fret aura un véritable impact. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaite que la SNCF dispose de temps pour s'adapter, mais également que la France reste un pays de transit.

M. Jean-Marc Delion a conclu en indiquant qu'actuellement, RFF constitue un coût et une charge pour l'Etat. Le coût, soit 32 milliards de francs par an, est financé par une subvention forfaitaire de 11 milliards de francs, des péages pour 10 milliards de francs et une dotation en capital pour 12 milliards de francs. Ce système des trois tiers n'est pas pérenne. Il faut notamment que les péages rejoignent un niveau plus cohérent, et que le système des subventions publiques soit revu. Le recours aux dotations en capital gèle actuellement la réforme des financements publics, mais l'évolution, dans un nouveau contexte européen, est inévitable.

Audition de M. Jean-Luc SCHNEIDER ,
sous-directeur à la direction de la prévision

lundi 3 avril 2000

M. Jean-Luc Schneider a indiqué que la direction de la prévision s'occupait essentiellement de la conjoncture et des prévisions macro-économiques. Elle réalise également des prévisions de très court terme sur les comptes des entreprises publiques, par exemple sur le trafic de la SNCF.

La direction de la prévision apporte également sa contre-expertise vis-à-vis des ministères " techniques ". Les comptes des transports sont réalisés par le service d'étude et de statistiques du ministère de l'équipement, des transports et du logement (SES), et la direction de la prévision participe, avec l'INSEE, à l'élaboration de ces comptes. Les prévisions en matière de transports sont des exercices périodiques interministériels, réalisés notamment au conseil général des ponts et chaussées dans le cadre de la préparation des schémas de service. Une cellule de réflexion a d'ailleurs été créée sur les schémas de service, animée par M. Christian Brossier.

La direction de la prévision fait très peu de prévisions de très long terme, à l'exception des travaux réalisés pour le rapport de M. Charpin sur l'avenir des systèmes de retraite, qui sont des prévisions macro-économiques à l'horizon 2040. Ces évaluations sont désormais reprises dans les projections de long terme de la direction de la prévision, et notamment pour le secteur des transports. La direction de la prévision retient comme hypothèse centrale d'évolution de la demande de transport le scénario central pour le rapport Charpin, soit un taux de croissance de 1,9 % d'ici à 2020 et 1,5 % au-delà, ce qui correspond à peu près au scénario bas présenté dans le cadre des schémas de service. Le rapport Charpin retient en effet quatres scénarios de croissance à long terme :

• un scénario central avec un taux de croissance de 1,9 % d'ici à 2020, puis 1,5 % au delà ;

• un scénario pessimiste, avec un taux de croissance inférieur à 1,9 % d'ici à 2020, puis 0,5 % au-delà ;

• un scénario optimiste, avec un taux de croissance supérieur à 2 % d'ici 2020 et supérieur à 2,5 % au delà.

Un quatrième scénario prend en compte une variante en fonction du chômage d'équilibre.

Il faut noter que le rapport Charpin a été réalisé en 1998, c'est-à-dire à un moment où les interrogations étaient nombreuses quant à l'avenir de la nouvelle économie, et que ces prévisions n'ont pas été modifiées depuis.

M. Jean-Luc Schneider a indiqué que, à sa connaissance, les autres pays européens n'avaient pas systématiquement établi de prévisions macro-économiques à l'horizon 2040. Des concertations entre experts nationaux ont toutefois lieu sur les prévisions macro-économiques, et sur l'élasticité de la demande de transports à la croissance. Cette élasticité est, d'un point de vue général, égale à 1, sans doute légèrement supérieure à 1 pour les routes et légèrement inférieure à 1 pour le train.

Concernant l'Union européenne, la politique des transports se décide de plus en plus au niveau européen pour ce qui concerne l'exploitation, les normes, etc. mais les infrastructures relèvent de la subsidiarité. Ce sont les Etats qui décident de leur programmation, et la Communauté peut ensuite apporter une aide financière, en général faible. Le Conseil des Ministres et la Commission avaient ainsi retenus 14 grands projets prioritaires au Conseil de Essen en 1994, mais cela n'a pas eu d'effet d'impulsion réel. Pour le projet Lyon Turin, une commission intergouvernementale a été créée ce qui témoigne d'une approche bilatérale. De même en est-il pour la liaison Perpignan Figueras. Concernant la liaison Lyon-Turin, l'avenir du projet dépendra notamment de la politique suisse de traversée alpine.

M. Jean-Luc Schneider a expliqué qu'une partie du travail de la direction de la prévision est le suivi des entreprises, l'autre partie est l'analyse socio-économique et financière des projets. La méthodologie d'étude des projets est une procédure validée. Elle a été établie par un travail interministériel du commissariat général au plan, qui a débouché sur un rapport de M. Boîteux, et une circulaire du Ministre chargé des transports, Mme Idrac. Cette méthode est toutefois diversement appliquée selon le mode de transports et certains sujets sont traités sommairement comme l'effet de serre, ce qui explique que cette méthode soit en cours de révision.

Le schéma autoroutier de 1992 a été passé au crible de l'évaluation, mais morceau, par morceau, à travers l'examen au CIES, il n'y a pas eu d'analyse globale du réseau, mais une analyse par section lancée, même si l'analyse du réseau repose sur la notion de maillage. La direction des routes dispose de logiciels puissants pour l'évaluation des différentes sections. L'instruction Idrac a été traduite de manière très complète s'agissant des routes, alors qu'elle l'a été incomplètement pour les autres modes. Il n'existe ainsi pas de document de référence pour le transport ferroviaire. Une des difficultés du transport ferroviaire est l'évaluation du coût de la congestion, qui n'est pas directement visible, mais qui est très importante, car il est difficile d'intercaler les trains de marchandises et de voyageurs. Cette difficulté devrait croître avec la régionalisation des transports régionaux de voyageurs.

S'agissant des voies navigables, les études se poursuivent sur le projet Seine-Nord, avec une méthodologie inspirée du rapport Boîteux.

Concernant les ports maritimes, le sujet est délicat. En effet, on considère qu'il y a une différence entre l'intérêt de la collectivité nationale et de la collectivité mondiale. Dans les projets d'infrastructures, on réalise aujourd'hui des projections de rentabilité socio-économique mondiales, c'est-à-dire que l'on considère que l'essentiel des usagers des infrastructures sont aussi des contribuables. Dans le cas du trafic portuaire, on se pose la question de la nationalité des bénéficiaires, de même que pour les aéroports

M. Jean-Luc Schneider a ensuite expliqué que la direction de la prévision ne mesurait pas les effets socio-économiques des projets en termes d'aménagement du territoire. En effet, il faut voir deux effets à un investissement dans une collectivité donnée :

- un effet d'aubaine, puisque l'investissement produit une activité sur le site où il est réalisé ;

- un effet d'attraction des entreprises et des activités économiques, mais qui est surtout un effet de déplacement.

Même si l'investissement génère de l'activité économique, la direction de la prévision estime d'une part que celle-ci se lit dans les trafics que l'on observera et d'autre part qu'un emploi alternatif des fonds publics correspondants aurait pu générer ailleurs une activité équivalente.

Audition de M. Nicolas JACHIET ,
chef du service des participations à la direction du Trésor
et de Mme Dominique LEGAY,
de M. Marc-Antoine SAGLIO ,
et de M. Hervé de VILLEROCHE

lundi 3 avril 2000

Les personnes auditionnées ont répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Nicolas Jachiet a indiqué, en préalable, que la direction du trésor s'occupait des transports sous l'angle des entreprises publiques de ce secteur, et donnait donc le point de vue de l'Etat-actionnaire.

L'idée générale est aujourd'hui de clarifier ce qui peut être financé par l'usager et ce qui peut être financé par l'Etat. La séparation de RFF et de la SNCF a permis de renforcer la transparence sur ce point puisque l'article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de RFF dispose que " RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le réseau ferré national [...] que s'il fait l'objet de la part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet investissement ". RFF ne peut donc engager d'investissement que si l'établissement public peut l'autofinancer à travers les péages perçus.

Dans le domaine du financement des transports, M. Nicolas Jachiet a fait observer que les règles communautaires s'appliquaient de plus en plus, et notamment les règles de mise en concurrence, qui conduisent par exemple à la réforme du financement du secteur autoroutier. Jusqu'à présent, les sociétés d'autoroutes se voyaient attribuer de nouveaux tronçons à construire, en échange d'un allongement de leur concession dans le cas de tronçons déficitaires. Chaque nouvelle section d'autoroute donnera désormais lieu à une concession séparée, qui devra être financièrement équilibrée pour être acceptable par le concessionnaire, ce qui pourra donner lieu à un besoin de subvention à verser par le concédant. Généralement, à toute nouvelle décision d'investissement non équilibré devra correspondre un certain volume des concours publics. Le TGV Est n'aurait ainsi pu être décidé sans les contributions des collectivités locales et de l'Etat.

M. Nicolas Jachiet a ajouté que la direction du Trésor avait pour tâche essentielle de s'assurer que les entreprises publiques n'ont pas à supporter des charges supérieures à ce qui leur est possible, mais elle n'a pas la responsabilité de la politique des transports. La direction du budget traite de la contribution financière de l'Etat, le Trésor veille à l'équilibre des comptes des entreprises publiques.

Concernant les voies navigables, Mme Dominique Legay a indiqué que l'Etat mène une politique déterminée de restauration et de modernisation du réseau des voies navigables par l'intermédiaire de VNF, gestionnaire du réseau. Les subventions du FITTVN accordées à VNF ont fortement augmenté pour accompagner la montée en puissance des programmes d'investissements fixés dans le cadre en cours du programme de rénovation du réseau. Ce programme s'appuie sur les recommandations du rapport de Boüard qui a d'une part défini une typologie des voies navigables en fonction de l'intérêt économique, en particulier du point de vue du transport de marchandises, et évalué les besoins de restauration à plus de 7 MdF. Compte tenu de ses contraintes financières, VNF a défini des priorités de réalisation concernant les opérations sur les voies navigables dites de catégorie 1 et 2 et sur les opérations cofinancées, avec comme perspective la réalisation complète du programme sur une dizaine d'années. S'agissant du lancement de grands projets, les études socio-économiques du projet du canal Seine-Nord montrent que le projet global présente une rentabilité très faible dans les conditions actuelles, comprise entre 2,5 % et 3,7 %. L'analyse séparée des trois tronçons de la liaison montre que seules Dunkerque-Escaut et Oise-aval pourraient être rentables. Le projet Seine-Est présente quant à lui une rentabilité socio-économique négative comme l'était celle du projet de canal Saône-Rhin.

Concernant les ports maritimes, qu'il s'agisse des ports autonomes ou des ports d'intérêt national, les modes de gestion sont appelés à évoluer. Dans les ports autonomes, sans remise en cause de leur statut d'établissement public, une réforme importante est en cours avec la mise en place de conventions d'exploitation de terminaux portuaires par des entreprises privées sur la base d'objectifs de trafic. Ce processus a été engagé au port de Dunkerque et sera mis également en oeuvre dans d'autres ports, notamment au Havre dans le cadre de la réalisation du projet port 2000. S'agissant des ports d'intérêt national, un nouveau cahier des charges de concession d'outillage public va être élaboré qui devrait permettre l'ouverture à la concurrence des concessions, actuellement confiées aux chambres de commerce et d'industrie.

S'agissant des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA), M. Marc-Antoine Saglio a expliqué que l'objectif était de banaliser ces sociétés et de les mettre sur un pied d'égalité avec le secteur privé afin de supprimer toute distorsion de concurrence entre sociétés publiques et privées. Le moyen d'atteindre cet objectif est d'allonger la durée des concessions des sociétés publiques en la rapprochant de celle des sociétés privées. Aujourd'hui, ces sociétés ne dégagent aucune rentabilité ; historiquement, les durées de concessions des SEMCA ont été volontairement courtes, car l'Etat apportait sa garantie à ces sociétés à l'échéance des concessions. Certaines méthodes comptables, comme les charges différées, seraient supprimées. Après réforme (qui fait actuellement l'objet d'une négociation avec la commission européenne), il serait normal que ces sociétés dégagent un taux de rentabilité de 8 %, correspondant à leur niveau de risque.

M. Nicolas Jachiet a ajouté que ces calculs de rentabilité financière prennent en compte la fiscalité. L'allongement des concessions devrait permettre aux SEMCA de dégager des bénéfices et de distribuer des dividendes comme pour toute autre société concessionnaire privée.

Il a indiqué que la direction du trésor assurait par ailleurs le secrétariat général du Comité des investissements à caractère économique et social (CIES). Ce comité réunit personnellement les ministres concernés par les programmes d'investissement des entreprises publiques assurant une mission de service public. Il a été substitué par le décret du 27 novembre 1966 au FDES. Il est chargé de se prononcer sur les programmes d'investissement de la plupart des entreprises publiques du secteur des transports. Comme exemple de sujet abordé récemment par le CIES, on peut citer le souci de stabilisation de la dette de RFF.

Concernant le trafic aérien, M. Hervé de Villeroché a indiqué qu'il existait des contraintes environnementales sur la région parisienne, susceptibles de pénaliser l'évolution du trafic, voire d'entraîner une réduction du nombre de mouvements d'avions. Il appartient au pouvoir politique de déterminer les limites acceptables en la matière. L'augmentation du trafic amène certains à considérer une plus grande coopération entre les aéroports pour répartir le trafic aérien comme étant nécessaire, voire à recommander la construction d'un troisième aéroport en Ile-de-France. Sa création coûterait de 20 à 40 milliards de francs mais aucune étude approfondie n'a encore été conduite sur ce thème. Les infrastructures aéroportuaires ne s'autofinancent pas totalement actuellement, et ce d'autant plus que Aéroports de Paris (ADP) réalise beaucoup d'investissements de remise en état qui ne dégagent pas toujours de recettes supplémentaires.

Concernant le système ferroviaire, le raisonnement se fait au moins sur trente ans. La direction de la prévision étudie la rentabilité socio-économique des projets, en tenant compte de l'environnement macro-économique, mais il suffit que la croissance varie d'un point pour que les résultats soient très différents. Sur le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin par exemple, les études montrent que sa rentabilité socio-économique est extrêmement faible.

Audition de M. Patrick GANDIL , directeur des routes,

de M. Patrice PARISÉ , directeur-adjoint,

et de M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE , secrétaire du comité
des directeurs "transports du ministre de l'équipement"

mercredi 5 avril 2000

Les personnes auditionnées ont répondu aux questions de MM. Jacques Oudin et Gérard Miquel.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a répondu aux questions de M. Jacques Oudin sur la motorisation de la société. Il a indiqué que l'INRETS avait fait une étude sur ce sujet, en prenant en compte l'évolution démographique. Il a expliqué qu'à l'horizon 2015, la motorisation de la société devrait atteindre un palier. Il a fait observer l'incertitude existant sur l'utilisation du parc automobile, il est plus simple de quantifier les trajets de longue distance que de courte distance, mais le point de repère national est le suivant : sur 100 déplacements de courte distance, seulement 25 sont réalisés dans les agglomérations.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a par ailleurs affirmé que le temps global consacré aux transports ne variait pas, mais que les distances parcourues s'allongeaient, en raison de l'accélération de la vitesse moyenne de transport. Il a indiqué que l'arbitrage entre les différents modes de transport dépendait toujours du budget. La part du budget de chaque ménage consacrée aux transports varie fortement : pour un même budget " logement ", un habitant de Paris consacre 8 % de son budget aux transports, contre 15 % pour un habitant de Seine-et-Marne.

S'agissant de l'évolution technologique des véhicules, M. Olivier S'agissant de l'évolution technologique des véhicules, M. Olivier Paul-Dubois-Taine a confirmé que des gains considérables sur les émissions de pollution locale avaient été réalisés. Il a cité les travaux du PREDIT sur ce sujet.

M. Paul-Dubois-Taine a confirmé que des gains considérables sur les émissions de pollution locale avaient été réalisés. Il a cité les travaux du PREDIT sur ce sujet.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Patrick Gandil a indiqué que des notes d'information et des directives étaient publiées pour rendre obligatoire l'adaptation des routes à certaines contraintes en matière de sécurité et d'environnement. Il a confirmé que les coûts de réalisation des autoroutes avaient progressé ces dernières années.

M. Patrice Parisé a expliqué que la route s'était enrichie en matière d'équipements, de signalisation, et que les normes de sécurité avaient progressé, ce qui expliquait également une partie de la progression des coûts.

M. Gérard Miquel a fait observer les incohérences de la politique routière. Il a regretté l'absence de schéma routier cohérent. Il a déclaré qu'il aurait souhaité que l'on mettre en oeuvre une notion d'itinéraire, en construisant des autoroutes concédées pour les grands itinéraires, et en réservant les moyens de l'Etat, forcément limités, pour les liaisons entre ces autoroutes.

M. Patrick Gandil a rappelé qu'il existait un schéma directeur routier national, mis en oeuvre au moyen des concessions autoroutières et des contrats de plan Etat-régions. Dans le cadre de la préparation des contrats de plan, il a fait observer que d'importantes études avaient été réalisées au niveau départemental et régional pour déterminer, en fonction de la demande et de l'état du réseau, les opérations à réaliser dans les années à venir. Ces études ont donné lieu à l'établissement dans chaque région d'un rapport d'orientation multimodal (ROM). Le schéma directeur routier national de 1992 n'a été que retouché, pour des opérations ponctuelles, comme la concession du viaduc de Millau, mais une grande réforme devrait intervenir avec la mise en oeuvre des schémas de service, dont une partie importante pour le monde routier sera constituée de schémas d'infrastructures.

S'agissant de la notion d'itinéraires, le directeur des routes a indiqué que les premiers schémas routiers dataient des années 70 et que le concept d'itinéraire en était l'élément principal. Les pouvoirs publics n'ont cessé d'adapter les itinéraires au trafic, par exemple en mettant sous forme de routes à deux fois deux voies les tronçons les plus fréquentés. Toutefois, il a reconnu que la construction du réseau routier avait été marquée, à l'origine, par son insertion dans des limites départementales, qui avait figé le réseau et nui à la définition de grandes liaisons .

M. Patrice Parisé a ajouté que les procédures mises en oeuvres par la direction des routes font qu'il n'est pas possible d'aménager des sections de route nationale sans s'insérer dans une logique d'itinéraire.

M. Patrick Gandil a indiqué que le basculement du réseau autoroutier non concédé dans le domaine du réseau autoroutier concédé n'était pas envisagé, mais que la question de la mise en oeuvre d'un péage d'exploitation se pose. Cependant, il a ajouté que les usagers de la route ne souhaitaient pas payer son coût, si bien que la mise à péage d'une route gratuite était délicate, bien davantage que la mise à péage d'une autoroute nouvelle. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs pris en compte cet élément dans un arrêt concernant la mise à péage de la nationale 10 au sud de Bordeaux, et il a accepté que les usagers desservis uniquement par l'autoroute payante n'aient pas à acquitter de péages. M. Patrice Parisé a rappelé que, s'agissant des péages, il existait deux principes : la liberté d'aller et de venir, et, en application de la loi de 1955, le fait que le péage doit aller à la construction et à l'exploitation des routes. Une évolution du système supposerait que ces principes soient revus. Pour certains, cette évolution devrait consister à passer d'un péage lié directement au coût de construction et d'exploitation de l'infrastructure à un péage de nature fiscale intégrant des coûts externes d'utilisation des véhicules automobiles.

M. Patrice Parisé a ajouté que la taxe intérieure sur les produits pétroliers représentait aujourd'hui une forme de droit d'usage du réseau routier concédé et non concédé, logique différente de celle de la redevance pour service rendu.

M. Patrick Gandil a décrit les principaux systèmes européens : les pays du Nord s'orientent plutôt vers des systèmes de droits d'usages généraux. L'Allemagne dispose d'une taxe générale d'usage qui alimente un fonds en faveur des transports. La Grande-Bretagne a inventé le péage fictif, mais qui n'a pour effet que de cacher les déficits, et qui ne saurait être pris comme modèle. Le club des directeurs des routes se réunit régulièrement pour faire le point sur les différents réseaux routiers et leurs modes de développement. Au niveau européen, il existe deux schémas : le schéma des réseaux routiers européens et les schémas marqués " E " selon la nomenclature de l'ONU. En France, il y a une bonne cohérence entre le réseau routier et le schéma de l'ONU, mais la cohérence est moindre dans d'autres pays de l'Union européenne.

M. Patrice Parisé a ajouté que, depuis deux ans, la commission européenne s'était lancée dans un travail de mise à jour des schémas européens de transport. L'objectif serait de mettre en place un système européen en matière de prévision de trafic, d'évaluation des effets environnementaux et des coûts externes... Cependant, les modes d'évaluations et les valeurs monétaires que les différents pays attachent aux paramètres sont encore trop différents pour que cette harmonisation aboutisse rapidement.

Audition de M. Hubert DU MESNIL ,
directeur des transports terrestres

mercredi 5 avril 2000

M. Hubert du Mesnil a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

S'agissant de l'endettement du secteur ferroviaire, M. Hubert du Mesnil a indiqué qu'il convenait de se poser la question de la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de la dette de RFF. Cette question avait été posée en 1997, lors de la création de RFF, et il avait alors été décidé de ne pas inclure la dette transférée à RFF dans celle de l'Etat, afin de respecter les critères de Maastricht. Il fallait que RFF soit un établissement public industriel et commercial, c'est à dire qu'il dispose pour plus de la moitié de ses ressources commerciales, pour que sa dette ne soit pas qualifiée, au sens des critères de Maastricht, en endettement public. Il n'en reste pas moins que seul l'Etat est susceptible de garantir la couverture de RFF.

M. Hubert du Mesnil a estimé possible de faire un arbitrage au sein du patrimoine de l'Etat, puisque certaines participations détenues par l'Etat, par exemple dans France Télécom sont aujourd'hui fortement valorisées. Pour stabiliser la dette de RFF, on a jusqu'à présent utilisé les dotations en capital venant de privatisations, mais sans lisibilité durable : 10 à 12 milliards de francs sont versés à RFF selon un engagement triennal. L'objectif de désendettement des entreprises ferroviaires européennes fait partie intégrante de la réforme initiée par l'Union européenne : le remboursement de la dette de RFF par l'Etat ne serait pas en contradiction avec les orientations de la commission européenne, et permettrait à RFF de mieux assumer les investissements à venir.

S'agissant des filiales de la SNCF, il a précisé que l'opération de rapprochement du SERNAM et de Geodis était actuellement soumise à l'accord de la commission européenne. Geodis prendra une participation de 60 % dans le SERNAM. Il faut rappeler que le SERNAM enregistre un déficit de l'ordre de 500 millions de francs par an, pour un chiffre d'affaires d'environ 4 milliards de francs. Quand le déficit de la SCNF atteignait 15 milliards de francs, ces pertes n'étaient pas directement visibles. Mais depuis la réforme de 1997 et l'obligation de retour à l'équilibre de l'entreprise ferroviaire, la situation du SERNAM devait obligatoirement être réglée.

M. Hubert du Mesnil a expliqué que pendant longtemps, le groupe SNCF avait été figé, la SNCF étant un actionnaire passif, qui ne demandait rien aux filiales mais ne leur donnait pas non plus les moyens de se développer. Or, il faut qu'une filiale ait une raison d'être, et le groupe est donc appelé à évoluer. L'évolution des participations de la SNCF n'est plus aujourd'hui un sujet tabou.

La SNCF fait des efforts pour procéder à une réforme comptable d'envergure, mettre en place des comptes analytiques et élaborer des ratios à l'attention de RFF.

En matière de tarification des infrastructures, M. Hubert du Mesnil a indiqué qu'il convenait d'avoir une approche intermodale. Le grand débat a jusqu'à présent porté sur le choix entre coût marginal et coût moyen. La discussion est importante, car il faut des principes de tarification homogènes. Cependant, on dépasse rarement les débats théoriques car une tarification homogène suppose d'évaluer de la même façon les coûts de pollution, de bruit...

Il a expliqué qu'il fallait aussi une harmonisation par mode entre les pays : si la tarification des infrastructures utilisées par le trafic fret est basse en France et élevée en Allemagne, le développement du trafic en est freiné. Or, il n'y a pas eu véritablement d'accord sur ce point en décembre 1999, lors de l'adoption du " paquet ferroviaire " par le conseil des ministres des transports de l'Union européenne. Un compromis énonce que la tarification se fera au coût marginal social, mais avec suffisamment de dérogations pour en atténuer la portée.

M. Hubert du Mesnil a ensuite décrit la situation des différents pays européens. L'Allemagne et la Grande-Bretagne appliquent des tarifs élevés, considérant que l'infrastructure ferroviaire doit être vendue à son coût complet, tandis que la France applique des tarifs bas. L'essentiel de l'effort financier de l'Allemagne en matière ferroviaire a porté sur l'apurement de la dette du passé et le rattrapage de l'investissement ferroviaire pour l'Allemagne de l'Est. Un programme ambitieux d'investissements avait été de surcroît annoncé, mais il a été ralenti. La Grande-Bretagne disposait d'un réseau ferroviaire dans une situation très dégradée, et les améliorations sont lentes. L'Italie et l'Espagne connaissent un décalage entre le discours sur le développement des infrastructures de transports et la réalité : l'Italie a toutefois accéléré ses investissements, de même que l'Espagne, mais celle-ci souffre de normes d'écartement des voies incompatibles avec le réseau européen.

M. Hubert du Mesnil a souligné que la commission européenne affichait clairement une priorité au développement du secteur ferroviaire, mais que si celui-ci n'obtenait pas des résultats à brève échéance, cet échec serait sans doute insurmontable.

S'agissant de la régionalisation des réseaux de transport de voyageurs, il a déclaré que la demande augmenterait du fait du transfert de compétences aux régions et des pressions sur les élus locaux. Cependant, la région aura une compétence intermodale et pourra décider, par exemple, de mettre en place une ligne de bus plutôt qu'un train sur certaines destinations.

S'agissant de l'idée d'utiliser les fonds d'épargne pour la réalisation de nouvelles infrastructures, cette idée permettrait à RFF de disposer d'emprunts de long terme dans des conditions de taux favorables. L'intérêt d'une telle opération n'est pas négligeable, compte tenu de la durée des prêts et de leur taux. Cependant, cette réflexion n'est pas aboutie. L'utilisation des fonds d'épargne pourrait être réservée à la rénovation des tunnels, à la sécurité, ou à des opérations d'intérêt général.

Concernant le FITTVN, il est un sujet de débat permanent. Il a été le seul outil disponible ces dernières années pour accroître les investissements, avec une certaine souplesse, puisqu'il récolte des fonds de diverses origines. Il ne faudrait donc pas le démanteler sans connaître précisément les solutions alternatives.

En tout état de cause, M. Hubert du Mesnil a déclaré qu'il faudrait trouver des financements pour le secteur ferroviaire. Il a pris l'exemple du projet Lyon-Turin, qui a un coût estimé à 70 milliards de francs, et que l'on ne sait pas financer aujourd'hui alors que de plus en plus d'opinions convergent sur l'intérêt stratégique de ce projet.

Audition de M. Pierre GRAFF,
directeur général de l'aviation civile

mercredi 5 avril 2000

M. Pierre Graff a répondu aux questions de M. Jacques Oudin.

M. Pierre Graff a expliqué que pour résoudre le problème de l'encombrement du ciel, il convenait de prendre pour ce qui concerne les systèmes de contrôle aérien deux familles de mesures : des mesures techniques, au niveau national et européen, et des mesures institutionnelles.

Le directeur général de l'aviation civile a indiqué que le nouveau commissaire européen en charge des transports aériens évoquait l'ouverture à la concurrence des services de contrôle aérien en négligeant d'aborder la question fondamentale en la matière : l'avenir du concept de souveraineté nationale sur l'espace aérien. Pour des raisons liées à la sécurité militaire, il est peu vraisemblable que l'on accepte un transfert de compétence au niveau supranational : il faut donc prendre des mesures pragmatiques. M. Pierre Graff s'est déclaré favorable à une réforme du système de prise de décision, avec la création d'un organisme de coopération fort en matière de contrôle aérien. Toute réforme devra veiller à respecter le travail des contrôleurs aériens.

S'agissant des retards dans le transport aérien, M. Pierre Graff a indiqué que l'année 1999 avait été très mauvaise de ce point de vue, mais que l'on constatait depuis le début de l'année une amélioration. L'année 1999 a été marquée par une augmentation du trafic, la mise en place de nouvelles routes aériennes, la fermeture de l'espace aérien des Balkans en raison du conflit au Kosovo. Le retard moyen par avion a été de 4 minutes, alors qu'il avait atteint 4 minutes 50 secondes en 1995, la pire année en matière de retards. Cependant, il faut souligner que le contrôle aérien n'est responsable que pour la moitié des retards, le reste résultant de divers facteurs liés aux passagers.

S'agissant du financement des infrastructures, le directeur général de l'aviation civile a indiqué que l'aéroport était un instrument qui a vocation à être rentable. Les recettes d'un aéroport doivent donc couvrir le financement et l'amortissement de l'investissement. Seuls les petits aéroports reçoivent des aides des collectivités locales. Les contrats de plan ne comprennent que 180 millions de francs pour les aéroports, sur 7 ans. Les subventions vont essentiellement aux départements et territoires d'outre-mer, à la Corse, mais aussi aux régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes.

Les grandes plates-formes aéroportuaires ne reçoivent pas d'argent public, et pour les autres aéroports, les subventions ne servent qu'à la construction des pistes et jamais des aérogares. Cependant, pour tous les aéroports, l'Etat prend en charge les missions régaliennes, et particulièrement la sécurité. Ces missions sont financées par la taxe d'aviation civile.

S'agissant des infrastructures d'accès et de liaisons, M. Pierre Graff a indiqué qu'il n'y avait pas de schéma national pour la desserte des aéroports. Il a pris l'exemple du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (SDAURIF), qui avait abordé tous les sujets, mais traité la desserte aéroportuaire de façon très sommaire.

Actuellement, il existe un projet ferroviaire entre la gare de l'Est et Roissy : il s'agit de construire un tunnel qui rejoint la ligne B du RER. Un groupement d'intérêt économique en vue de l'étude de ce projet vient de se constituer avec aéroports de Paris (ADP), la SNCF et RFF. L'exemple de la liaison ferroviaire dédiée à Londres, Heathrow-Paddington, en 13 minutes, qui remporte un grand succès, montre l'utilité de telles liaisons. S'agissant du financement de ces infrastructures de liaisons, il a indiqué que le budget annexe de l'aviation civile n'y participait pas, et que la direction générale de l'aviation civile ne jouait un rôle actif que lorsque le projet lui était présenté. Ainsi, la liaison Roissy-Orly est un projet mené par RFF, mais sur lequel la direction générale de l'aviation civile sera consultée. Enfin, les plates-formes aéroportuaires de province ne connaissent pas de difficultés graves d'accès.

S'agissant de l'intermodalité, M. Pierre Graff a rappelé qu'il convenait d'abord de savoir quel était son objet et si les opérateurs étaient prêts à utiliser les nouveaux services. Il a indiqué qu'il y avait des opportunités pour l'intermodalité avion-train. Il faudrait pour cela que le trajet en train soit considéré comme le parcours en avion, c'est-à-dire que le voyageur dispose d'un seul billet, avec un seul prix. Un accord a été conclu entre la France et les Etats-Unis pour ouvrir cette possibilité de coopération entre des compagnies aériennes et ferroviaires, et il commence à remporter un certain succès. La création de gares TGV non loin des aéroports, comme la gare de Lyon-Satolas, participe du renforcement de l'intermodalité et de l'effet " hub ".

Concernant la création de nouvelles plates-formes aéroportuaires ou l'extension des plates-formes existantes, M. Pierre Graff a tout d'abord indiqué que les aéroports de Paris se trouvaient dans une situation similaire à celle des aéroports de Francfort, Heathrow, Amsterdam pour attirer des trafics, mais dans une situation meilleure que Rome ou Madrid. Il reste encore un peu de perspectives de développement de trafic à Roissy, alors qu'en Grande-Bretagne, le développement du trafic conduit à utiliser de plus en plus l'aéroport de Stanstead, après Heathrow et Gattwick. L'aéroport d'Amsterdam est saturé, de même que celui de Francfort, Milan-Linante 8 ( * ) et bientôt Madrid. Roissy accueille 45 millions de passagers par an, avec une progression de trafic de 7 à 8 % par an et Orly reçoit 25 millions de passagers chaque année.

En conclusion, le directeur général de l'aviation civile a déclaré que l'on devrait logiquement s'orienter vers la création d'un troisième aéroport, vraisemblablement dans la période 2010-2015. Il a cité le rapport de M. Douffiague et s'agissant de l'emplacement du site, il a rappelé que 50 % du remplissage provenait du bassin économique, ce qui limitait les choix d'emplacement. Compte tenu de la sensibilité des riverains de Lyon-Satolas aux nuisances provoquées par le développement du trafic aérien, il a indiqué que le choix du troisième aéroport se porterait sans doute sur une zone, la moins peuplée possible, du bassin parisien. Il a évoqué les difficultés techniques qui résulteraient de la construction d'un nouvel aéroport au nord de Paris, qui est déjà la zone la plus circulée d'Europe, et une zone militaire importante. Il a estimé que le coût d'un troisième aéroport devrait être de l'ordre de 20 milliards de francs.

Audition de M. Jean-Marcel PIETRI ,
directeur général de la chambre de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Dieppe,
président de l'ESPO (organisation des ports maritimes européens)

mardi 5 avril 2000

M. Jean-Marcel Pietri a répondu aux questions de M. Jacques Oudin .

M. Jean-Marcel Pietri a indiqué qu'il avait rédigé un rapport en 1997, comportant notamment une approche comparative des ports français et des ports européens, et où il apparaissait que les fluctuations en matière de parts de marché portuaires avaient été très faibles ces vingt dernières années, aussi bien pour le trafic total que pour le trafic en hydrocarbures.

Il a expliqué que la moitié du trafic portuaire était un trafic pétrolier, l'autre moitié étant constituée pour moitié de vracs solides et pour le reste de marchandises diverses, dont 8 à 10 % de conteneurs. Ces estimations sont en tonnage car l'ESPO, pas plus qu'Eurostat, ne détient de données en valeur, alors que les Etats-Unis en ont. Les douanes françaises devraient disposer de données en valeur, mais les autorités portuaires n'y ont pas accès.

S'agissant de l'évolution des trafics, M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que dans les années 70, le port de Rotterdam représentait environ 103 % du trafic des ports français, contre environ 93 % aujourd'hui. Le système portuaire français a donc plutôt bien réussi par rapport à son concurrent. Toutefois, le trafic des ports autonomes a un peu régressé et celui des ports d'intérêt national a cru. L'essentiel du développement du trafic roulier transmanche s'est fait au profit des ports d'intérêt national, et notamment du port de Calais. Concernant le trafic conteneurs, la France est plutôt en retard - sa part de marché est stable depuis 1993 - de même sur le trafic pétrolier en raison de sa politique énergétique. Le trafic portuaire français est plutôt en recul sur la Méditerranée et en progression en Manche.

Le cabotage national représente 10 millions de tonnes sur un trafic total de 300 millions de tonnes, avec un trajet moyen de 1.000 kilomètres. Cela correspond en tonne/km à la moitié du trafic intérieur de fret ferroviaire et à deux fois le trafic de fret fluvial. Le trafic maritime intraeuropéen depuis les ports français est en outre supérieur en tonne/km au trafic ferroviaire intraeuropéen de la SNCF. Le cabotage est déjà un segment du marché important.

La commission européenne vient de terminer une enquête sur les aides d'Etat aux ports, les représentants de l'ESPO devraient rencontrer la commission en mai sur ce sujet. La commission a procédé à une analyse par sondage. D'après les éléments publiés, il apparaît que la Belgique investit au moins deux fois plus de fonds publics par tonne que la France dans ses ports (le trafic étant inférieur de moitié). En Allemagne, l'investissement est surtout local.

M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que deux pays seulement dans l'Union européenne étaient transparents sur le financement portuaire : la France et la Belgique.

Jusqu'à présent, l'investissement portuaire n'entraînait aucune obligation déclarative au niveau communautaire: aujourd'hui, la commission européenne souhaiterait connaître ces investissements, mais dans l'optique d'interdire un certain nombre de financements publics. La logique d'une " privatisation " des ports est déjà à l'oeuvre en Grande-Bretagne, mais sans que cela aboutisse à des résultats concluants, notamment en matière d'investissement, comme le montre l'exemple du port de Newhaven.

M. Jean-Marcel Pietri a souligné que dans la synthèse des flux financiers, il convenait de ne pas se concentrer seulement sur l'investissement, mais également sur l'important flux financier social, par exemple l'indemnisation du chômage des grutiers et dockers des ports d'Anvers ou de Rotterdam doit être pris en compte dans le total des aides publiques. Concernant les financements sociaux, la transparence est encore moindre que pour l'investissement. Des progrès sont toutefois réalisés dans l'objectif de transparence de la comptabilité portuaire avec une séparation entre les activités commerciales et les activités d'exploitation. Si l'on compare les coûts d'exploitation, on s'aperçoit que le port de Rotterdam emploie 7.000 dockers contre 4.500 dans les ports français (5.500 en comptant les grutiers), si bien que le système portuaire français apparaît, sous cet angle, plus performant. Cependant, le coût d'un docker français est sans doute plus élevé, en raison des charges sociales.

Faut-il un schéma portuaire européen ? M. Jean-Marcel Pietri a indiqué que cela ne lui paraissait pas souhaitable, essentiellement pour des raisons de subsidiarité. Les réseaux transeuropéens de transports comportent un volet portuaire, actuellement essentiellement pour l'accès aux réseaux terrestres. Cependant, l'ESPO ne souhaite pas une présélection des ports, une liste limitative des ports au niveau européen, car cela reviendrait à figer une situation. La commission européenne souhaitait prendre comme critère pour les " grands ports " un trafic minimal de 1,5 million de tonnes et 200.000 passagers. Cependant, cela n'a pas de sens, parce que le trafic évolue sans cesse et qu'une carte des principaux ports n'aurait en conséquence pas d'utilité : contrairement aux liaisons terrestres, ferroviaires ou routières, les routes maritimes ne cessent de se déplacer. Ce qui importe, c'est la qualité du service : le port de Marseille pourrait se développer davantage si les conflits sociaux n'étaient pas si fréquents. En matière d'investissements futurs, les projets port 2000, Euroméditérannée sont en cours et beaucoup de petits projets à la Rochelle, aux sables d'Olonne...contribuent à la vitalité du secteur portuaire. Les petits ports participent de la politique d'aménagement du territoire : par exemple, en Seine-Maritime, le port de Dieppe pour le trafic fruitier et le port de Fécamp pour le bois.

S'agissant du rapport de la Cour des comptes, et de l'idée que la classification des ports serait obsolète, M. Jean-Marcel Pietri a déclaré que le classement des ports était dès l'origine obsolète. Il a cité l'exemple du port de Bordeaux, qui avait déjà en 1965 un intérêt régional, mais avait le statut depuis 1921 de port autonome.

Le deuxième reproche de la Cour des comptes tient au fait qu'il n'y aurait pas de stratégie de l'Etat en matière portuaire. Cependant, la Cour des comptes a regardé les investissements de l'Etat sur une période trop courte, dix ans, alors que les investissements portuaires sont réalisés pour trente ans. Seule cette échelle permet de mesurer la pertinence d'une politique portuaire. Si l'on prend un échelle de temps trop courte, cela donne forcément l'impression d'un saupoudrage.

Les professionnels du secteur portuaire ont élaboré une doctrine avec la fédération européenne des opérateurs privés dans les ports : l'action publique est légitime et ne relève pas de la doctrine des aides d'Etat quand il s'agit de financer des infrastructures d'accès aux ports (à l'exception d'infrastructures dédiées à un opérateur).

En principe, les équipements liés aux opérations portuaires doivent être payés par l'usager sauf pour des motifs exprimés : il pourrait s'agir par exemple des équipements portuaires inscrits aux contrats de plan, de la liste des investissements souhaités par les autorités portuaires et figurant dans les chartes portuaires et de l'insertion des ports dans les schémas de service. La France compte une vingtaine de ports relevant de l'Etat, ce qui ne semble pas disproportionné au regard de son territoire et de la population desservie : la France a une densité portuaire plus faible que celles de ses voisins, notamment la Grande-Bretagne et l'Espagne. S'il existait un nombre limité de plates-formes portuaires, on risquerait de concentrer les opérations industrielles.

Le régime de la concession est un système qui vise à faire payer l'usager plutôt que le contribuable. La France fait largement appel au système de la concession publique, notamment avec les chambres de commerce et d'industrie pour les ports, ou encore la Caisse des dépôts et consignations dans le domaine routier. Mais il s'agit d'une fausse concession, une forme de délégation organique au sein de la sphère publique. Un récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes vient d'ailleurs de préciser que, dans la mesure où la concession restait dans le domaine publique, il n'y avait pas d'obligation de mise en concurrence.

Audition de M. Georges CONSTANTIN ,
directeur des fonds d'épargne à la Caisse
des dépôts et consignations

jeudi 27 avril 2000

M. Georges Constantin a répondu aux questions de M. Jacques Oudin

M. Georges Constantin a précisé que les fonds d'épargne, qui représentent 1.400 milliards de francs, sont utilisés de la manière suivante :

- un peu moins de la moitié des sommes sont utilisées sous forme de prêt à long terme, en faveur du logement social ou de la politique de la ville. Les prêts de long terme ont une durée maximale de 32 ans, mais des prêts sur 50 ans peuvent être accordés pour des actions spécifiques, et notamment des acquisitions foncières. Au total, 500 milliards de francs sont prêtés, pour une durée moyenne de 26-27 ans.

- 75 milliards de francs sont accordés sous forme de prêts à l'équipement des collectivités locales ;

- quelques milliards de francs servent à des opérations demandées par l'Etat, comme le refinancement du Crédit foncier de France et du Comptoir des entrepreneurs ;

- 700 milliards de francs sont placés sur les marchés financiers, dont 94 % en obligations et 6 % en actions. La Caisse des dépôts et consignations détient ainsi 12,5 % de la dette de l'Etat.

Concernant le financement des infrastructures de transports, la Caisse des dépôts et consignations se contentait jusqu'à présent de financer des transports en commun en site propre, dans le cadre des préprojets urbains : la caisse n'apportait pas plus de 50 % du financement de l'opération, mais avec des prêt au taux de 3,55 % sur une durée de 15 à 20 ans.

Désormais, des décisions sont en cours d'arbitrage afin de permettre à la Caisse de financer sur 35-40 ans des projets d'infrastructures, concernant notamment les transports en commun en site propre et les équipements intermodaux pour le fret. Cette possibilité n'avait jamais été envisagée auparavant en raison de la nécessité d'assurer la liquidité des fonds d'épargne. Mais, depuis 1990, la Caisse ne finance plus les collectivités locales et les fonds d'épargne sont ainsi en situation de surliquidité.

A titre d'exemple, M. Georges Constantin a indiqué que la Caisse des dépôts avait participé au financement du tramway de Strasbourg et d'Orléans, et elle pourrait bientôt financer la seconde ligne de métro de Toulouse. Ces interventions ne sont pas subordonnées, à l'heure actuelle, à des calculs de rentabilité économique, mais si la Caisse devait s'engager davantage dans le financement des infrastructures, elle devrait tenir compte de ratios de rentabilité, comme le fait d'ailleurs Réseau ferré de France (RFF).

Les nouvelles interventions de la Caisse pourraient concerner le renforcement de la ligne Dijon-Modane pour le fret ferroviaire, et les plates-formes d'intermodalité. RFF a calculé qu'il faudrait 3,5 à 4 milliards de francs d'investissement par an pour moderniser le réseau de fret. La Caisse s'intéresse également aux sites propres infrarégionaux comme la ligne Aix-Marseille, le barreau sud de Paris.

M. Georges Constantin a pris l'exemple du transport de voyageurs dans les Vosges. La Caisse fait des calculs économiques qui intègrent l'amélioration de la sécurité routière et de l'environnement.

Contrairement aux Etats-Unis, où le secteur privé accorde des financements sur une durée allant jusqu'à 40 ans, au Japon jusqu'à 70 ans, les prêts en France ont des durées beaucoup plus faibles, ce qui handicape les grands investissements. Historiquement, le livret A a servi à financer les infrastructures de transports, mais ce rôle a disparu avec l'extension des financements de marché et l'inflation.

S'agissant du projet " Port 2000 " au Havre, M. Georges Constantin a indiqué que la Caisse ne participait pas au financement de l'investissement. D'une manière générale, des études sont réalisées sur les projets d'investissement pour savoir si les projets peuvent être financés à des conditions de marché ou non. La Caisse des dépôts se réfère aux critères retenus par la commission européenne, qui exige que plusieurs conditions soient remplies pour pouvoir financer hors marché :

- que l'investissement à financer soit un investissement d'intérêt économique général (il appartient à l'Etat dans la plupart des cas de qualifier la nature de l'investissement) ;

- que le bénéficiaire final soit l'usager, c'est-à-dire que la réalisation de l'investissement abaisse son coût d'accès au service ;

- que le marché ne puisse satisfaire dans des conditions normales le projet d'investissement.

Ainsi, en toute logique, les transports de voyageurs grandes lignes devraient s'équilibrer, en revanche, les transports de voyageurs de proximité (sites propres urbains) et les transports de fret ne s'équilibrent pas.

S'agissant de la position de la direction du Trésor à l'égard de l'utilisation des fonds d'épargne, M. Georges Constantin a déclaré que sa principale préoccupation était de savoir si les fonds d'épargne pourront supporter le financement des investissements pendant une longue période. De plus, elle s'inquiète de la position de la commission européenne qui accepte le financement privilégié du logement social, mais n'a pas encore donné sa position sur la question des infrastructures. Enfin, elle craint que le financement par des prêts de long terme n'ait pour conséquence une baisse des crédits budgétaires et donc une débudgétisation. La Caisse des dépôts pense, au contraire, que ses propositions sont modérées, y compris dans leur volume.

M. Georges Constantin a conclu en indiquant qu'une difficulté dans l'utilisation des fonds d'épargne résidait dans le fait que l'action de la Caisse des dépôts est contenue dans les limites du territoire français, en raison de la spécificité de l'épargne réglementée. Ceci pourrait créer des contraintes s'agissant des investissements dans les infrastructures de fret ferroviaire, qui impliquent souvent plusieurs pays.

Audition de M. Jean-Yves PERROT ,
directeur des affaires économiques et internationales
au ministère de l'équipement, des transports et du logement

de M. Yves ROBIN , chef du service économique et statistique

et de M. Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE

mercredi 3 mai 2000

Participaient à la réunion : MM. Jacques Oudin, Auguste Cazalet, Gérard Miquel.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Olivier Paul-Dubois-Taine a déclaré que le comité interministériel sur l'aménagement du territoire devrait se réunir le 18 mai prochain et statuer sur la question des schémas de service. Aujourd'hui, l'état de préparation de ces schémas n'est pas le même suivant la nature des services concernés.

M. Jean-Yves Perrot a indiqué que les schémas de service constituaient un exercice intéressant, dans le sens où ils imposaient un travail en commun de toutes les administrations concernées. Il a déclaré que la réalisation de ces schémas n'impliquerait pas un ralentissement de l'investissement en infrastructures de transport, mais que celui-ci devrait, au contraire, se redresser.

M. Yves Robin a ajouté que les comptes des transports permettaient de disposer d'une vision précise de la demande de transport et des perpectives d'investissement. Il a confirmé que la construction et l'élargissement de l'Union européenne conduisaient à accroître la demande de transports, et qu'une politique de l'offre induisait une hausse de la circulation des transports. M. Jean-Yves Perrot a toutefois indiqué que la corrélation entre la construction de l'Union européenne et la hausse de la demande de transports n'avait pas fait, à sa connaissance, l'objet d'études précises.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a ajouté que la demande de transport de fret était tirée par la demande internationale, ce qui n'était pas le cas de la demande de transports de voyageurs.

M. Yves Robin a déclaré que l'élasticité de la demande de transports à la croissance économique était sensiblement supérieure à 1. Quand la croissance est forte, la demande de transports croît encore plus vite, à l'inverse quand elle ralentit, la demande de transports diminue encore davantage. Cette élasticité supérieure à 1 peut s'expliquer en partie par des phénomènes de polarisation de l'activité économique autour des axes de transports. Une autre explication est, s'agissant du transport de marchandises, le phénomène d'externalisation du transport routier depuis la seconde moitié des années 80. M. Olivier Paul-Dubois-Taine a ajouté le phénomène de motorisation de la société, qui devrait conduire à un développement des trafics, comme on a pu le constater pour le secteur aérien.

En réponse à M. Jacques Oudin qui l'interrogeait sur les données économiques disponibles, M. Jean-Yves Perrot a indiqué que les documents les plus complets étaient ceux réalisés par le secrétariat des études statistiques (SES) du ministère de l'équipement, des transports et du logement, mais qu'il était bien évidemment très difficile de prévoir la demande de transports à l'horizon 2020. Il a ajouté qu'il convenait d'avoir une analyse des coûts socio-économiques des transports et notamment des externalités négatives.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a précisé que les comptes annexes des transports traitaient des externalités. Les études réalisées sur chaque projet d'investissement intègrent un calcul des externalités, suivant des méthodes codifiées. M. Jean-Yves Perrot a précisé que ces éléments figuraient dans le compte satellite des transports et dans les documents sur les schémas de service.

M. Yves Robin a indiqué que la codification des externalités était en cours de révision. M. Marcel Boîteux devrait rendre ses conclusions prochainement. Il a rappelé qu'il existait deux étapes dans la prise en compte des coûts externes : tout d'abord, l'identification de l'ensemble des coûts, ensuite la mise en oeuvre des règles admises en matière de valorisation de ces coûts externes. Enfin, la comparaison entre les différents modes est encore plus difficile.

En réponse à MM. Gérard Miquel et Auguste Cazalet , M. Jean-Yves Perrot a expliqué que l'on devait distinguer deux choses : l'information dont l'on disposait sur les évolutions climatiques, qui montrait des éléments préoccupants sur la pollution atmosphérique mais sans que l'on ait suffisamment de recul pour les apprécier, et l'incidence des différents modes de transports sur l'environnement, qui devait être prise en compte, notamment dans les schémas de service.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a indiqué que les pollutions locales au soufre ou à l'azote pouvaient être combattues par des mesures réglementaires. En revanche, une question ne peut actuellement être résolue : l'effet de serre dû à la pollution au dioxyde de carbone. Des mesures techniques ont été prises, notamment pour le développement des véhicules non polluants ou la restriction de la circulation automobile, sans toutefois d'effets probants. Il a cependant indiqué que les progrès techniques réalisés sur les véhicules seraient plus importants que les effets de l'augmentation du parc.

M. Yves Robin a précisé que pour tous les polluants atmosphériques, qu'il s'agisse du soufre ou du dioxyde d'azote, les progrès techniques étaient considérables, alors que l'on ne pouvait mettre un terme à la production de dioxyde de carbone, qui intervient naturellement.

M. Olivier Paul-Dubois-Taine a indiqué qu'à l'exception de la circulation urbaine, l'automobiliste paye ses coûts. S'agissant des transferts entre modes, les transferts sont connus pour les transports de voyageurs mais ils sont beaucoup plus complexes à évaluer pour les transports de marchandises, car ils ne dépendent pas seulement de la distance et du prix mais d'abord de la qualité de service, avant l'infrastructure elle-même.

Tout en rappelant l'importance de l'infrastructure, M. Jean-Yves Perrot a évoqué l'effet des grèves à la SNCF, qui conduisait à faire diminuer l'activité fret par palier. M. Yves Robin a confirmé que l'on avait eu tendance à sous-estimer l'impact des mesures d'exploitation sur l'évolution du trafic ferroviaire.

En conclusion, M. Jean-Yves Perrot a rappelé les trois notions qui président à l'intermodalité :

- cerner ce qui est transférable d'un mode à un autre ;

- regarder physiquement la situation et faire sauter les goulets d'étranglement (ex : desserte des ports) ;

- prendre de mesures d'exploitation et viser à l'amélioration de la qualité de service.

Audition de M. Jean-Claude ALBOUY,
président de l'association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA)

et de M. Jean MESQUI , président de la société d'autoroutes
Paris-Normandie (SAPN)

lundi 15 mai 2000

MM. Jean-Claude Albouy et Jean Mesqui ont répondu aux questions de M. Jacques Oudin

M. Jean-Claude Albouy a indiqué que la situation financière des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes deviendrait saine à l'avenir, si tout se passait bien, mais que, pour le moment, elles n'étaient pas dans une situation florissante. Seule l'existence de procédures comptables dérogatoires explique que les sociétés d'autoroutes ne déposent pas le bilan. Même Autoroute du Sud de la France (ASF), qui est une des sociétés les plus rentables, supporte 1,5 milliard de francs de remboursements différés pour un capital de 150 millions de francs.

Répondant à une demande formulée par écrit par M. Jacques Oudin, il a rappelé que les comptes des sociétés d'autoroutes devaient être approuvés par leurs assemblées générales au mois de juin, et qu'elles ne pourraient les fournir au groupe de travail avant cette date. De surcroît, l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) n'est pas en mesure de procéder à une consolidation des chiffres des sociétés d'autoroutes

S'agissant des négociations en cours sur l'allongement des durées des concessions, M. Jean-Claude Albouy a indiqué qu'il ne disposait d'aucun renseignement sur les négociations en cours, celles-ci se déroulant entre le ministère de l'équipement, des transports et du logement et les services de la commission européenne à Bruxelles, sans l'intervention de l'ASFA. L'ASFA n'a pas eu à se prononcer sur les modalités de la réforme des sociétés d'autoroutes, dont elle a seulement été informée de manière informelle, sans que ne lui soit transmis aucun document écrit détaillant la réforme. D'après les informations dont dispose l'ASFA, la réforme entraînera une modification de nature comptable, qui ne devrait pas entraîner de difficulté notable dans sa mise en oeuvre.

M. Jean-Claude Albouy a ajouté que la question de l'assujettissement à la TVA des péages autoroutiers n'était en rien liée à la négociation sur l'allongement des concessions autoroutières.

Le président de l'ASFA a indiqué que son association n'était absolument pas partie prenante dans la réflexion sur les schémas de service. Une telle participation lui serait d'ailleurs paru anormale, puisque les sociétés d'autoroutes devraient être candidates sur certaines liaisons. Il a simplement indiqué que l'ASFA avait contribué à la réflexion sur l'internalisation des coûts externes dans la lignée du livre vert de la Commission européenne. Il a ajouté que les sociétés d'autoroutes européennes étaient associées à la réflexion menée en ce domaine par la commission européenne.

M. Jean-Claude Albouy a expliqué que les sociétés d'autoroutes s'intéressaient à la rentabilité financière, alors que l'Etat s'intéressait à la rentabilité socio-économique, l'écart entre ces deux rentabilités fondant la légitimité de l'intervention publique. Il a indiqué que l'économie en nombre de tués, la valeur du temps, relevaient de valeurs tutélaires que l'Etat devait fixer.

M. Jean Mesqui a ajouté que les instruments méthodologiques en matière d'internalisation des coûts externes étaient définis par l'Etat, notamment le SETRA, les sociétés d'autoroutes se contentant d'alimenter les bases de données.

M. Jean-Claude Albouy a souhaité que les méthodes retenues soient les mêmes pour tous les modes de transports, notant que la valeur du temps ou la valeur d'une vie sauvée n'était pas la même suivant le mode de transport étudié.

M. Jean Mesqui a indiqué que la loi d'orientation LOTI avait prévu des bilans pour les liaisons autoroutières mises en service, 2 ans puis 5 ans après leur mise en oeuvre. Chaque société d'autoroute établit donc un bilan pour la section d'autoroute dont elle a la charge.

M. Jean-Claude Albouy a indiqué qu'en matière de tarification des infrastructures, on pouvait noter des écarts très importants entre les pays. La difficulté en France vient de la concomitance d'un réseau gratuit avec un réseau payant, qui crée une distorsion économique qui n'est pas bien comprise par la population. Le péage est globalement bien supporté dès lors qu'il correspond à une certaine qualité de service. Les usagers comprennent mal pourquoi la liaison nord-sud du Massif central est gratuite mais pas la liaison est-ouest, de même pour l'autoroute A 20. Le problème se pose surtout pour les poids lourds lorsque sont réalisés des itinéraires parallèles aux autoroutes à péage qui sont gratuits.

Il faut savoir que 30 % des recettes des autoroutes viennent des ressortissants étrangers : la France est un pays de transit. En Allemagne, depuis la chute du Mur, les liaisons avec l'Est se sont développées et le pays a lancé des appels d'offres pour passer au péage. L'Autriche est passée au système de péage pour les poids lourds. L'ASFA souhaite une généralisation du péage.

M. Jean Mesqui a indiqué que les sociétés d'autoroutes françaises étaient en train de mettre au point le péage électronique, qui devrait être opérationnel à l'automne. Le système fonctionnera dès le 1er juillet pour les véhicules légers. Concernant les poids lourds, des études sont en cours pour résoudre les problèmes de sécurité au passage des barrières de péage.

M. Jean-Claude Albouy a ajouté que le champ des réflexions est très ouvert en ce domaine. Ainsi, dans certains pays où il n'existe pas de barrières de péage, il est possible que l'on s'oriente vers d'autres technologies, comme le GSM/GPS.

S'agissant du rapport de la Cour des comptes sur le système autoroutier français, l'ASFA n'a pas fait de réponse officielle, mais à titre personnel M. Jean-Claude Albouy s'est déclaré plutôt en accord avec les grandes lignes du rapport. Il a regretté que la présentation qui en avait été faite se soit très éloignée du rapport lui-même, en vue d'une médiatisation schématique et déformée.

Il a ajouté que, d'une manière générale, il convenait d'éviter que les tarifs de péages augmentent plus rapidement que l'inflation. Même s'il n'existe pas d'élasticité de la demande à l'offre, le risque est grand de constater des révoltes ponctuelles. Déjà, un certain nombre de manifestation, à Toulouse, en région parisienne ou à Nice témoignent de l'existence de points de fixation.

De plus, il a plaidé pour un impôt intelligent. Il a expliqué que la taxe d'aménagement du territoire, perçue au taux de 4,5 cts/km parcouru frappait davantage les sociétés pratiquant des prix bas et davantage les véhicules légers que les poids lourds. Or, ce sont les poids lourds qui devraient financer les autres modes de transport. De surcroît, la taxe frappe les sociétés quelle que soit leur santé financière. Il a souhaité une imposition qui corresponde plus à l'objectif de justice fiscale et il a estimé que le passage des sociétés d'autoroutes au droit commun fiscal, à savoir leur soumission à l'impôt sur les bénéfices, serait une bonne chose dans ce cadre.

Audition de M. Daniel TARDY ,
président de la fédération nationale des travaux publics (FNTP)

et de M. Daniel PARIS , spécialiste des transports au MEDEF

accompagnés de Mme Florence DEPRET

mardi 23 mai 2000

MM. Daniel TARDY et Daniel PARIS ont répondu aux questions de M. Jacques OUDIN.

M. Daniel TARDY a indiqué que le principe de l'annualité budgétaire ne convenait pas au financement des infrastructures, et que, d'une manière générale, il n'existait aucun suivi de l'évolution du patrimoine public, alors que l'administration l'exige pour les entreprises (comptabilité en actif/passif) et que les simples particuliers le voient imposer dès que leur patrimoine les rend imposables à l'ISF.

Il a ajouté que les études réalisées par M. Rémy PRUD'HOMME montraient que les investissements en infrastructures avaient une meilleure rentabilité que la plupart des investissements industriels. Cependant, il a regretté que les infrastructures aient fait l'objet d'une moindre attention de la part des pouvoirs publics ces dernières années.

En prenant comme critère le chiffre d'affaires des travaux publics, dont on sait qui provient pour environ 35 % des travaux routiers, et en le comparant à l'évolution du PIB depuis 10 ans, il apparaît une forte divergence. Sur 10 ans, le PIB aura augmenté de 20 % mais le chiffre d'affaires des travaux publics aura diminué en volume. Cette analyse est vraie aussi bien pour les travaux publics liés aux commandes de l'Etat que pour les investissements des collectivités locales. Il a ajouté que malgré la hausse en valeur des nouveaux contrats de plan, les investissements seront globalement moins importants, en raison de l'érosion monétaire et du rythme d'exécution des contrats de plan.

M. Daniel TARDY a ensuite expliqué que la diminution en volume des travaux publics était due à l'écart entre les moyens de fonctionnement et d'investissement du budget civil de l'Etat. Les collectivités locales (régions, départements, communes) consacrent 30 à 60 % de leur budget annuel à l'investissement, contre seulement 4 à 5 % pour le budget civil de l'Etat. L'Etat a perdu son rôle d'investisseur et les collectivités locales ne parviennent pas à le compenser.

Concernant la remise en cause du système d'adossement pour le financement des autoroutes, il a indiqué que l'interdiction de l'adossement était une interprétation française de la réglementation européenne.

Puis, il a évoqué les nouveaux besoins en infrastructures créés par la croissance économique et notamment le développement de la " nouvelle économie " qui, contrairement aux apparences, suscite de nombreux échanges physiques. Il a cité le cas du télétravail qui, dans certaines régions, conduisait à un accroissement de la circulation et notamment le développement de plates-formes aéroportuaires. Il a indiqué qu'il ne fallait pas attendre que la demande soit présente pour réaliser les infrastructures, sauf à être en retard sur l'évolution économique.

Audition de M. Bernard MEYNASSERE ,
président de la 7ème chambre de la Cour des Comptes

Mercredi 31 mai 2000

M. Bernard MEYNASSERE a répondu aux questions de M. Jacques OUDIN.

M. Bernard MEYNASSERE a rappelé les compétences de la 7ème chambre de la Cour des comptes.

Celle-ci suit l'ensemble du secteur des transports, en calquant son organisation interne sur les différents modes de transports. Elle s'occupe également de l'équipement du territoire, et à ce titre contrôle les secteurs de l'équipement, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme. Enfin, elle a dans son champ de compétence l'agriculture et l'environnement.

Il existe des convergences indiscutables entre ces différentes compétences. Ainsi, pour la préparation du rapport public particulier sur la politique autoroutière de la France, la Cour a entendu des responsables du ministère de l'équipement, des transports et du logement, en l'occurrence la direction des routes, mais également des représentants du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la prévision, direction du trésor, direction du budget) et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, notamment la Délégation à l'aménagement du territoire (DATAR). Les services du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement sont devenus des interlocuteurs obligés pour tous les projets d'infrastructures.

L'évaluation des politiques d'infrastructures ne doit pas négliger la dimension environnementale. En effet, le coût environnemental des grandes infrastructures va croissant et il est souvent un facteur de dérive des coûts prévus initialement. Ces coûts sont désormais mieux pris en considération dans le secteur autoroutier, mais ils devraient l'être de manière aussi sérieuse pour les autres types d'investissement, par exemple portuaires.

M. Bernard MEYNASSERE a ensuite indiqué qu'il ne pouvait faire état que des travaux de la Cour déjà rendus publics. Les publications récentes de la Cour concernant le secteur ferroviaire ont porté en 1996 sur le TGV Nord, avec des observations utiles sur la manière dont la SNCF et l'Etat ont calculé le coût de l'investissement. Les méthodes n'auraient pas fondamentalement évolué depuis. De même, dans son rapport public général de 1999, la Cour a fait des observations sur les chantiers Eole et Meteor (période 89-99) : les obstacles, les difficultés ont été quasiment identiques à celles du TGV Nord.

M. Bernard MEYNASSERE a expliqué que les entreprises comme l'Etat peinent à calculer les investissements et leur rentabilité et à soutenir un grand projet d'infrastructure en maîtrisant sa conception et sa réalisation. Or, la maîtrise des coûts, les modalités de passation des marchés, la surveillance des opérations sont essentielles. Concernant l'évaluation des trafics, les remarques formulées par la Cour sur le TGV Nord sont éclairantes. S'agissant des chantiers Eole et Méteor, les entreprises ont eu de grandes difficultés à maîtriser les dossiers. Lorsque les pouvoirs publics décident, ils ne disposent pas toujours, voire jamais, des éléments qui leur permettraient de percevoir les coûts. On investit donc dans l'aléa.

M. Bernard MEYNASSERE s'est réjoui de constater que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait récemment modifié les procédures devant le comité des investissements économiques et sociaux (CIES). Il s'est déclaré frappé de constater que lors de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale, les députés s'interrogeaient sur les missions de la direction du Trésor.

Concernant la politique routière et autoroutière, la Cour a réalisé de nombreux travaux. Elle a fait un rapport public particulier en 1992 sur la politique routière et autoroutière : évaluation de la gestion du réseau national et un rapport public en juin 1999 sur la politique autoroutière de la France. Enfin, il y a une référence à l'A 14 dans son dernier rapport public général de 1997.

S'agissant de la politique portuaire, la Cour vient de réaliser un rapport public particulier, qui ne concerne pas uniquement les infrastructures mais tous les aspects de la filière : le choix entre les ports autonomes et les ports d'intérêt national, le problème de la manutention, de la gestion des ports et de la tarification portuaire. On retrouve les mêmes défauts que pour les autres modes de transports : la difficulté des pouvoirs publics à apprécier le coût d'un investissement. L'exemple de Marseille est caractéristique à cet égard.

Dans le domaine aérien, la Cour s'est intéressée au financement de l'aviation civile, qui ne touche qu'incidemment les infrastructures. Le budget annexe de l'aviation civile concerne essentiellement le contrôle de la navigation aérienne. La Cour a observé le caractère aléatoire du financement de l'aviation civile, dans ses rapports publics de 1991 et 1994. Le système de taxes et redevances fait l'objet d'un long contentieux devant le Conseil d'Etat, et le Conseil constitutionnel.

S'agissant des travaux en cours, la Cour réalise actuellement une étude sur l'entretien du réseau routier national. La présomption de la Cour est que 'Etat ne s'est pas comporté en bon père de famille car l'on a pu constater un déclin des sommes consacrées à l'entretien des routes. La Cour des comptes cherche à savoir si la France a une politique globale en matière routière et autoroutière.

Concernant le transport ferroviaire, la Cour engagera un contrôle sur la SNCF et RFF en septembre 2000. S'agissant d'établissements très importants, il ne lui est en effet pas possible de faire un rapport sur un seul exercice budgétaire. La Cour réalise actuellement deux travaux sur la SNCF : une étude avec les chambres régionales des comptes sur les conditions de l'expérimentation des transports régionaux de voyageurs pour laquelle la Cour espère aboutir en 2001, et une étude sur la politique de transport de fret à la SNCF.

Concernant la politique fluviale, le Premier président de la Cour des comptes a récemment adressé un référé au ministre de l'équipement, des transports et du logement. La Cour s'intéresse particulièrement au problème de l'entretien des voies navigables.

La Cour fait également des observations dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances, sur les fascicules budgétaires concernant le secteur des transports, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), et le fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF).

Elle relève l'incapacité mécanique des comptes d'affectation spéciale à consommer leurs crédits. La mobilisation des crédits publics et leur utilisation est parfois perdue de vue. Une étude sur longue période des crédits du budget et du FITTVN montre que les crédits globaux en faveur des transports n'ont pas augmenté, alors même que l'octroi de crédits complémentaires était une justification à la création du compte d'affectation spéciale. Les administrations ne semblent pas maîtriser l'usage des moyens qu'on leur donne.

Audition de M. François BORDRY ,
président de voies navigables de France

de M. Christian JAMET , directeur général adjoint

et de M. David MÉNAGER , chef de cabinet

mardi 20 juin 2000

M. François Bordry a répondu aux questions de M. Jacques Oudin en présence de M. Christian Jamet, directeur général adjoint et de M. David Ménager, chef de cabinet.

M. François Bordry a indiqué que le trafic fluvial avait augmenté de 20 % en deux ans, témoignant d'un renouveau du transport fluvial, amorcé depuis 1994, après de très nombreuses années de déclin ou de stagnation.

A partir des années 60, l'Etat, constatant le déclin du transport fluvial, a diminué régulièrement les crédits qui lui étaient consacrés.

Cette politique s'est poursuivie jusqu'en 1991, date à laquelle la création de Voies navigables de France (VNF) a permis d'unifier la gestion du réseau et la réglementation du transport fluvial. Des ressources propres ont été attribuées au mode fluvial, avec notamment la création de la taxe hydraulique, créée par la loi de finances pour 1991. Le financement des voies d'eau a donc été débudgétisé et est financé aujourd'hui par les différents utilisateurs du réseau fluvial.

Puis, la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire de 1995 a créé le FITTVN. Initialement, le fonds devait comporter trois sections : transport routier, transport ferroviaire et transport fluvial. Mais à la suite des débats parlementaires, la fongibilité des crédits a été décidée. Aujourd'hui, les sommes collectées sur les ouvrages hydroélectriques s'élèvent à 1,8 milliard de francs. 517 millions de francs reviennent aux voies navigables.

M. Christian Jamet a ajouté qu'une forte diminution du trafic avait eu lieu dans les années 80, conduisant l'Etat à mettre en place des plans de déchirage de la cale destinés à adapter le volume de ladite cale à la demande de transport. Il précise que peu de personnes à l'époque croyait en l'avenir de ce mode de transport.

M. François Bordry a rappelé qu'en 1991, le financement du transport fluvial par la taxe hydraulique est apparu insuffisant. Ce n'est que grâce aux contrats de plan que la perspective d'un arrêt du déclin de la voie fluviale est apparue, essentiellement pour les canaux à grand gabarit et les canaux à forte vocation touristique. Les contrats de plan et les programmes cofinancés avec les collectivités territoriales ont représenté 800 millions de francs pour la période du 11 ème plan et devraient s'élever à 4,2 milliards de francs pour la période 2000-2006, soit 600 millions de francs par an. On dispose désormais d'une visibilité financière pour répondre aux besoins de restauration et de développement du réseau.

Les nouveaux engagements financiers comprennent notamment le relèvement des ponts sur la liaison Dunkerque-Escaut. En plus des contrats de plan, l'Etat assure seul les financements d'une partie des investissements sur le réseau et VNF dégage une capacité d'autofinancement, si bien que l'on peut considérer que le " trend " d'investissement pour les voies navigables pourrait être de 900 millions de francs pour les six ans à venir. Il faut noter que l'Allemagne investit beaucoup plus, notamment pour l'extension de son réseau fluvial vers l'Europe de l'Est. La Belgique réalise aussi de gros investissements, comme celui de la construction de l'ascenseur de Strepy-Thieu d'une hauteur de plus de 70 mètres de haut capable d'accueillir les bateaux de plus de 1.500 tonnes. Les Pays-Bas ont toujours et traditionnellement eu une politique fluviale active depuis longtemps. La loi française de 1994 et la directive de 1996 sur la libéralisation du transport fluvial ont été, pour le moment, les principales impulsions en matière de politique fluviale, tant au niveau national qu'européen, à l'exception de la création de VNF en 1991 et du FITTVN en 1995.

M. Christian Jamet a indiqué que le trafic fluvial avait augmenté jusqu'en 1970 puis connu une période de déclin jusqu'à un point bas en 1994. Les canaux à grand gabarit ont maintenu leur activité mais le petit réseau (réseau Freycinet) a vu la sienne diminuée. Les plans français et européens ont donc eu pour objet de diminuer la cale, accompagnant ainsi le déclin du trafic.

M. François Bordry a expliqué que la relance du projet Rhin-Rhône avait été impulsée par la compagnie nationale du Rhône. Cependant, la déclaration d'utilité publique avait une vingtaine d'années et les conditions de réalisation du projet ne correspondaient plus aux critères modernes de réalisation des équipements publics, en particulier en matière écologique.

Il a ajouté qu'il existe une approche transnationale en matière de politique fluviale, à travers les travaux de l'AIPCN (Association des congrès de la navigation) qui regroupe 35 pays et qui constitue un lieu d'échanges pour traiter des questions relatives au transport fluvial et aux ports maritimes. Des rencontres européennes sont également organisées à l'initiative de la direction DG VII de la Commission européenne. Il faut mentionner également la création d'un office de promotion du transport fluvial au niveau européen qui regroupe la France, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Belgique (Flandres et Wallonie).

S'agissant de la rentabilité des investissements, il a précisé que VNF avait réalisé les études sur la rentabilité socio-économique de Seine-Nord. La rentabilité serait de 3 à 4 % selon les méthodes actuelles de calcul.

M. Christian Jamet a fait part de plusieurs interrogations à l'égard des méthodes actuelles d'évaluation de la rentabilité des investissements. La valorisation des coûts externes n'est pas la même selon les pays européens. A titre d'exemple, lorsque la SNCF fait des calculs de rentabilité, elle adopte deux approches : la première correspond à la valorisation des coûts externes selon les normes en vigueur ; la seconde repose sur sa propre méthode de valorisation des coûts externes. En ce qui concerne la liaison Seine-Nord, s'agissant d'un investissement à dimension européenne, il pourrait être intéressant de faire un calcul de rentabilité qui prendrait en compte, non plus l'espace national, mais l'espace européen.

M. François Bordry a indiqué que le réseau Seine-Est serait d'une longueur double par rapport à la liaison Seine-Nord pour un trafic équivalent, entraînant donc un taux de rentabilité nettement plus faible. La liaison Saône-Moselle n'a pas fait l'objet d'étude précise, mais une étude de trafic est prévue dans le cadre du prochain contrat de plan. La priorité est donc la réalisation du projet Seine-Nord. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a d'ailleurs confirmé que cette liaison serait inscrite au prochain schéma de service.

Le trafic fluvial a augmenté depuis 1994, avec une accélération depuis deux ans : pour moitié, cette accélération est conjoncturelle et liée notamment à la reprise des chantiers du bâtiment et des travaux publics, activités qui génèrent 35 % du transport fluvial, mais aussi aux difficultés de fonctionnement des centrales nucléaires (augmentation du trafic du charbon). L'accroissement du trafic fluvial s'explique aussi par une diversification de l'offre (augmentation du trafic de conteneurs mais aussi des nouveaux marchés liés au transport des déchets et des matières dangereuses) et à une meilleure fiabilité du réseau.

Une récente étude réalisée par VNF sur les perspectives du développement du transport de marchandises par voie fluviale et fluvio-maritime à horizon 2020 retient trois scénarios possibles : dans le premier scénario, l'effort actuel est poursuivi et le trafic progresse de 1,9 % par an. Dans le second scénario, une action plus volontariste est menée, les crédits augmentent et le trafic progresse de 4 % par an (hypothèse réaliste en raison de l'augmentation des crédits prévus dans les contrats de plan). Enfin le dernier scénario ajoute au second la réalisation de la liaison Seine-Nord et, dans ce cas, le trafic progresse de 4,7 % par an. Ces scénarios ont été réalisés en concertation avec les chargeurs.

M. François Bordry a indiqué que VNF ne disposait pas actuellement des moyens financiers pour réaliser Seine-Nord. Il faudrait pour cela 1,5 milliard de francs par an sur dix ans. Cependant, le projet est consensuel, notamment du point de vue de son impact écologique, à l'inverse du canal Rhin-Rhône, et il s'inscrit également dans une logique européenne. Il est évident que si les voies navigables récupéraient l'ensemble des recettes du FITTVN provenant des ouvrages hydroélectriques, le financement ce Seine-Nord pourrait être assuré.

Audition de M. Bruno DEPRESLE
sous-directeur de l'évaluation environnementale
et de l'aménagement durable au ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement

mercredi 28 juin 2000

M. Bruno Depresle a répondu aux questions de MM. Jacques Oudin et Gérard Miquel.

M. Bruno Depresle a précisé qu'une nouvelle direction, intitulée direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, dirigée par M. Dominique Bureau, avait été créée au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La direction comprend quatre sous-directions :

- une sous-direction chargée de la recherche. Elle a pour mission de développer les travaux d'expertise dans le domaine de l'environnement ;

- une sous-direction des politiques environnementales, chargée de procéder à une analyse économique des politiques sectorielles (politique de l'eau, traitement des déchets) et, en appui à la 3 ème sous-direction, des autres politiques publiques ;

- une sous-direction à vocation interministérielle, qui doit assurer la prise en compte de l'environnement dans les politiques et les projets de la compétence des autres ministères, notamment en matière de transports, d'agriculture, d'énergie et d'urbanisme ;

- une sous-direction chargée de la régulation économique, amenée à intervenir sur des dossiers discutés dans des enceintes internationales, comme les organismes génétiquement modifiés ou le changement climatique.

Au sein de la troisième sous-direction, un bureau des infrastructures et de l'énergie suit les actions menées par le ministère de l'équipement, des transports et du logement et par le secrétariat d'Etat à l'industrie. Ainsi, est-il amené à participer à l'élaboration des schémas de services collectifs des transports et de l'énergie mais aussi à apprécier l'impact environnemental de projets autoroutiers. Deux autres bureaux constituent la sous-direction : un bureau ayant pour champ de compétence l'évaluation environnementale et les études d'impact (cadre juridique et méthodologie), et l'autre se consacrant à l'aménagement du territoire et à la politique de la ville, donc à ce titre aux contrats de plan.

M. Bruno Depresle a reconnu que jusqu'à récemment le ministère de l'environnement réagissait à un stade avancé des procédures. Cependant, il cherche aujourd'hui à être associé à l'élaboration des politiques et développer son analyse prospective. Dans le cadre des schémas de service collectifs, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a participé à l'élaboration de quatre scénarios d'évolution des transports, en évaluant leur impact sur l'environnement (notamment effet de serre). Ces scénarios sont multimodaux. Toutefois, les capacités d'expertise du ministère de l'équipement, des transports et du logement étant encore essentiellement concentrées sur le mode routier, il est difficile au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement d'obtenir des informations sur la capacité du transport ferroviaire à conquérir des parts de marché.

M. Bruno Depresle a confirmé que la part de marché du transport ferroviaire avait diminué, mais il a cité les projets en cours, à savoir le creusement du tunnel du Pertus pour la liaison Perpignan-Figueras et du tunnel de Modane pour la liaison Lyon-Turin. Il a estimé que la variante la plus souterraine serait choisie pour le tunnel du Lyon-Turin. Il a fait observé que la rentabilité d'un tel investissement serait très faible si l'on ne prenait pas en compte les effets environnementaux, sous réserve de la construction des tunnels suisses. L'intégration des surplus environnementaux a, pour le moment, donné peu de résultats.

M. Bruno Depresle a ensuite contesté que la croissance du trafic prévue sur le sillon rhodanien puisse être déportée très à l'ouest. Il a précisé que l'autoroute A 20 ne lui paraissait pas une voie d'allégement possible. Le débat ne porte que sur l'autoroute A 75 vers Béziers et le projet d'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron. Il a ajouté que l'essentiel du trafic nord-sud devrait continuer de s'écouler à l'est de la France. Il a rappelé que le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement privilégiait les transferts de charge entre modes de transports, de la route sur le train ou sur la voie d'eau, plutôt que les transferts au sein d'un même mode.

Puis, il a fait observer que le transport routier de marchandises ne supportait pas les coûts qu'il occasionne, même en prenant en compte la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). En prenant en compte l'ensemble des taxes, le transport par véhicule individuel paye en revanche ses coûts (en dehors des zones urbaines). Il s'est déclaré favorable à toutes les techniques permettant un meilleure imputation des coûts, et notamment le péage à distance. Puis, il a indiqué que les études sur les coûts externes des transports et notamment le rapport Boiteux de 1994, traduit par la circulaire Idrac de 1996, reposaient sur des analyses qu'il fallait actualiser. Ainsi, alors que la pollution locale et régionale est globalement évaluée à 0,8 % du PIB, soit environ 70 milliards de francs, des études récentes, tenant compte notamment d'analyses de l'Organisation mondiale de la santé, montrent qu'elle serait plus proche de 1,5 à 1,8 % du PIB. Il faut donc que ces nouveaux éléments soient intégrés dans les révisions en cours du rapport Boiteux.

L'idée que les infrastructures jouent un rôle positif en termes d'aménagement du territoire et de développement économique est avancée par certains, mais les études sont actuellement insuffisantes pour évaluer précisément cet impact. Si les transports sont facturés à un coût inférieur à leur prix de revient, les distances sont insuffisamment prises en compte dans le coût des produits et la concurrence est artificiellement étendue. Dans les villes, le transport collectif accroîtra sa part si l'on ne développe pas en parallèle les infrastructures routières.

* 8 L'Italie vient d'ouvrir un nouvel aéroport, Milan-Malpensa.

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