N° 202

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur le traité de Nice,

Par M. Hubert HAENEL,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, Xavier de Villepin, Serge Vinçon, Henri Weber.

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Conférence intergouvernementale (CIG) qui s'est conclue en octobre 1997 à Amsterdam avait déjà, parmi ses objectifs, celui d'adapter les institutions européennes à la perspective de l'élargissement. Cependant, un accord n'avait pu être obtenu dans ce domaine ; le seul témoignage de l'ambition initiale était le " protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement " qui comportait deux principales dispositions :

- à partir du premier élargissement suivant le traité, la Commission européenne devait être composée d'un national de chacun des États membres, à la condition qu'à cette date la pondération des voix au Conseil ait été modifiée " d'une manière acceptable par tous les États membres, compte tenu de tous les éléments pertinents, notamment d'une compensation pour les États membres renonçant à la possibilité de désigner un deuxième membre de la Commission " ;

- un an au moins avant que l'Union ne compte plus de vingt États membres, une nouvelle CIG devait être convoquée pour " procéder à un réexamen complet des dispositions des traités relatives à la composition et au fonctionnement des institutions ".

Ainsi, le protocole ne prévoyait, lors du premier élargissement, qu'une réforme limitée et conditionnelle (puisque la réforme de la Commission était subordonnée à un accord sur une nouvelle pondération des votes au Conseil) et reportait une réforme profonde au moment où l'Union compterait vingt membres.

Face à ce résultat décevant, la Belgique, la France et l'Italie avaient tenu à annexer au traité d'Amsterdam la déclaration suivante :

" La Belgique, la France et l'Italie constatent que, sur la base des résultats de la Conférence intergouvernementale, le traité d'Amsterdam ne répond pas à la nécessité, réaffirmée au Conseil européen de Madrid, de progrès substantiels dans la voie du renforcement des institutions.

Ces pays considèrent qu'un tel renforcement est une condition indispensable de la conclusion des premières négociations d'adhésion. Ils sont déterminés à donner toutes les suites appropriées au protocole sur la composition de la Commission et la pondération des voix et considèrent qu'une extension significative du recours au vote à la majorité qualifiée fait partie des éléments pertinents dont il conviendra de tenir compte . "

Cette position avait reçu l'approbation du Parlement français sous une forme exceptionnelle : la loi du 23 mars 1999 autorisant la ratification du traité d'Amsterdam contient en effet un article deux disposant que " la République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne, afin de rendre le fonctionnement de l'Union plus efficace et plus démocratique, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion ".

La nécessité d'une réforme institutionnelle en préalable à l'élargissement a finalement été admise par l'ensemble des États membres, et le Conseil européen de Cologne (juin 1999) a décidé la convocation en l'an 2000 d'une Conférence intergouvernementale en précisant que son mandat porterait sur les trois points suivants :

" - taille et composition de la Commission européenne ;

" - pondération des voix au sein du Conseil (...) ;

" - extension éventuelle du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil " .

Le Conseil européen de Cologne a également décidé que la CIG pourrait aborder des questions connexes à ces trois points.

Le Conseil européen d'Helsinki (décembre 1999) a confirmé ce mandat et précisé que la présidence portugaise, appelée à lancer la CIG durant le premier semestre de l'année 2000, pourrait au vu de l'avancement des travaux " proposer l'inscription d'autres points à l'ordre du jour ". C'est ainsi que le thème des " coopérations renforcées " - c'est-à-dire la possibilité pour certains États membres de réaliser ensemble un approfondissement de la construction européenne dans un domaine déterminé, sans attendre que tous les États membres aient la volonté et la capacité d'y participer - a été ajouté à l'ordre du jour de la CIG lors du Conseil européen de Feira (juin 2000).

Lorsque la Conférence est entrée dans sa phase finale, sous présidence française, son ordre du jour était donc clairement délimité. Il s'agissait, dans l'optique de l'élargissement, de revoir les institutions sur un certain nombre de points préalablement définis.

Ainsi, le traité de Nice est une réponse à une question relativement précise. Il serait vain de l'examiner dans l'absolu, indépendamment des conditions dans lesquelles il a été élaboré.

La question principale est donc de savoir dans quelle mesure, sur les points qu'il avait à traiter, le traité de Nice est parvenu à rendre l'Union capable de faire face à son élargissement.

Sans prétendre trancher, le présent rapport a pour objet de présenter les modifications apportées par le traité de Nice, et de fournir ainsi les éléments permettant de porter une appréciation.

I. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU TRAITÉ DE NICE

On examinera successivement les différents points qui constituaient le mandat assigné à la CIG.

A. LA COMMISSION EUROPÉENNE

La nécessité d'une réforme de la Commission européenne avait déjà été admise lors de la précédente CIG puisque le protocole sur les institutions annexé au traité d'Amsterdam introduisait, sous une forme conditionnelle, de nouvelles règles pour la composition de la Commission.

Plusieurs États membres - notamment les " grands " États et en particulier la France - ont continué à souligner, lors de la négociation du traité de Nice, les risques que comportait à leurs yeux le maintien des règles actuelles dans le contexte de l'élargissement : ils estimaient qu'elles conduiraient à une Commission trop nombreuse, où les responsabilités seraient éparpillées et où la collégialité disparaîtrait.

Les autres États demandaient au contraire que chaque État membre conserve le droit de désigner un membre de la Commission, ce droit constituant à leurs yeux un aspect essentiel d'une pleine participation aux institutions de l'Union.

Le compromis final consiste, d'une part, à plafonner en plusieurs étapes le nombre des membres de la Commission, et, d'autre part, à accroître fortement les pouvoirs de son président.

1. Les règles de composition

La Commission européenne est à l'heure actuelle composée de vingt membres : deux nationaux pour les cinq plus grands États membres, et un national de chacun des dix autres États membres.

Le traité de Nice modifie cette règle en deux étapes.

A partir du 1 er janvier 2005 , la Commission sera composée d' un seul national de chaque État membre . Cette règle sera applicable jusqu'à ce que l'Union compte vingt-sept membres.

Dès lors que ce chiffre sera atteint , de nouvelles règles s'appliqueront :

- le nombre des membres de la Commission devra être inférieur à celui des États membres (donc au plus égal à vingt-six) ;

- les États membres exerceront par rotation leur droit de désigner un commissaire européen.

Les modalités d'application de ces nouvelles règles seront fixées par le Conseil statuant à l'unanimité, après la signature du traité d'adhésion du vingt-septième membre. Elles s'appliqueront au premier renouvellement de la Commission suivant cette adhésion.

Le traité précise que la rotation entre les États membres devra être strictement égalitaire. Elle ne s'effectuera cependant pas selon un ordre arbitraire, mais sera organisée de manière à " refléter d'une manière satisfaisante l'éventail démographique et géographique de l'ensemble des États membres de l'Union ". Autrement dit, l'ordre sera fixé de telle sorte qu'il y ait, au sein du collège, des commissaires issus du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, des pays plus peuplés et moins peuplés.

En résumé, on doit distinguer trois périodes :

- jusqu'au 1 er janvier 2005, les règles actuelles s'appliquent ;

- du 1 er janvier 2005 jusqu'au premier renouvellement de la Commission suivant la fin du processus d'élargissement actuellement engagé avec douze pays, il y a un commissaire européen par État membre ;

- ultérieurement, il y a moins de commissaires que d'Etats membres, le Conseil décidant à l'unanimité les modalités du plafonnement du nombre des membres de la Commission et de la rotation entre les États membres pour la désignation des membres de la Commission.

2. La nomination du président et des membres

Le président de la Commission est désormais désigné à la majorité qualifiée par le Conseil réuni au niveau des chefs d'État ou de gouvernement. Lorsque cette désignation a été approuvée par le Parlement européen, le Conseil statue également à la majorité qualifiée pour désigner, en accord avec le président, les autres membres de la Commission . Après le vote d'approbation du Parlement européen sur la Commission en tant que collège, le Conseil nomme officiellement le président et les membres de la Commission à la majorité qualifiée.

La décision à la majorité qualifiée est également applicable pour le remplacement des membres de la Commission démissionnaires ou décédés. L'unanimité n'est maintenue que pour la décision de ne pas remplacer un commissaire démissionnaire ou décédé.

Il est à noter que le nouveau traité précise que la liste des personnalités désignées par le Conseil pour être membres de la Commission est " établie conformément aux propositions faites par chaque État membre ".

Ainsi, bien que cette liste soit désormais adoptée à la majorité qualifiée et qu'elle reste soumise à l'accord du président de la Commission, le pouvoir de proposition des États membres conserve toute sa portée . Il ne sera pas possible de nommer un commissaire contre la volonté de l'Etat dont il est ressortissant.

3. Les pouvoirs du président

Le traité d'Amsterdam avait déjà rehaussé le statut du président de la Commission, en prévoyant qu'il serait investi personnellement, préalablement à la formation du collège, et en précisant que la liste des membres de la Commission serait arrêtée avec son accord. Le traité stipulait également que la Commission devrait remplir sa mission " dans le respect des orientations politiques définies par son président ".

Le traité de Nice poursuit cette évolution, en accordant de larges pouvoirs au président sur l'organisation de la Commission. Le président répartit les responsabilités entre les commissaires et peut remanier en cours de mandat cette répartition ; il choisit les vice-présidents et en définit le nombre.

Alors que Jacques Delors soulignait volontiers qu'il n'était que le " primus inter pares ", le nouveau traité institue un pouvoir hiérarchique au sein de la Commission. Désormais, " les membres de la Commission exercent les fonctions qui leur sont dévolues par le président sous l'autorité de celui-ci " ; dans la même logique, le président peut mettre fin aux fonctions d'un membre de la Commission sous réserve d'avoir obtenu l'autorisation du collège statuant à la majorité simple.

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