B. LA PONDÉRATION DES VOTES AU CONSEIL

Les nouvelles règles retenues pour la composition de la Commission européenne appelaient une révision de la pondération des votes au Conseil, dans la logique du lien établi entre ces deux points par le protocole annexé au traité d'Amsterdam. Dès lors que les Etats les plus peuplés perdaient leur droit de désigner un second commissaire, l'équilibre entre les Etats selon leur taille se trouvait modifié et il était admis, depuis Amsterdam, que la compensation prendrait la forme d'une révision de la pondération des votes au Conseil.

En outre, l'équilibre entre les Etats plus peuplés et moins peuplés au sein du Conseil se trouvait de toute manière compromis dans la perspective de l'élargissement.

Les règles en vigueur pour la pondération des votes avaient en effet été adoptées dans une situation où les " grands " Etats étaient aussi nombreux que les " petits ", et où il s'agissait donc d'éviter une domination des Etats les plus peuplés.

L'Europe des six comptait trois " grands " Etats, l'Europe des neuf en comptait quatre, l'Europe des douze en comptait cinq : ainsi, le nombre des " grands " et celui des " petits " Etats membres ont longtemps augmenté parallèlement, l'équilibre se trouvant approximativement préservé.

Le passage de douze à quinze membres a déjà modifié cette situation, aucun " grand " Etat ne figurant dans les nouveaux adhérents ; mais, sans modification des règles, l'élargissement allait nécessairement conduire à un déséquilibre, puisque parmi les douze pays candidats, un seul, la Pologne, est un " grand " Etat.

Cependant, si chacun reconnaissait la nécessité de procéder, sous une forme ou sous une autre, à une révision des règles en vigueur, en revanche le rapprochement des points de vue autour d'une solution a été très difficile à obtenir.

En effet, dans le système antérieur, les Etats étaient répartis en fonction de leur population en plusieurs groupes ; tous les Etats appartenant à un même groupe avaient le même nombre de voix. Toutefois, il existait au sein des groupes des écarts démographiques non négligeables. Ainsi, les Pays-Bas, la Grèce, la Belgique et le Portugal appartenaient-ils à un même groupe, alors que les Pays-Bas, avec plus de 15 millions d'habitants, étaient de moitié plus peuplés que les autres pays de ce groupe. De même, les quatre Etats les plus peuplés formaient un seul groupe, alors que l'Allemagne compte quelque 20 millions d'habitants de plus que les autres.

Or, à partir du moment où l'on entreprenait de faire en sorte que le nombre de voix attribué à chaque Etat reflète mieux les réalités démographiques, il devenait inévitable que le débat porte non seulement sur les écarts de voix entre groupes, mais aussi sur la composition des groupes, point sur lequel les susceptibilités étaient les plus vives.

Le compromis final, sur ce sujet particulièrement sensible, comporte une nouvelle pondération des votes , plus favorable aux Etats les plus peuplés, et des règles complémentaires pour la définition de la majorité qualifiée .

1. La nouvelle pondération

Le nombre actuel de voix est augmenté pour tous les Etats, mais le coefficient multiplicateur est plus important pour certains pays que pour d'autres. Le coefficient va de 2 (pour le Luxembourg) à 3,37 (pour l'Espagne) ; il est de 2,9 pour les quatre Etats les plus peuplés.

Les groupes sont, pour l'essentiel, maintenus et les pays candidats y sont intégrés. Toutefois, les Pays-Bas sont dissociés du groupe des pays comptant approximativement 10 millions d'habitants, et un traitement particulier est prévu pour la Roumanie (qui, avec 22,5 millions d'habitants, n'était assimilable à aucun groupe) et pour Malte (qui, avec moins de 400 000 habitants, sera le plus petit Etat membre de l'Union élargie).

Le nouveau système est présenté dans le tableau ci-après :

Etat

Population
(en millions d'habitants)

Part de la population dans l'Union élargie

Nombre actuel de voix

Coefficient multipli-cateur

Nombre de voix
révisé

Allemagne

82,04

17,05 %

10

2,9

29

Royaume-Uni

59,25

12,31 %

10

2,9

29

France

58,97

12,25 %

10

2,9

29

Italie

57,61

11,97 %

10

2,9

29

Espagne

39,39

8,19 %

8

3,375

27

Pologne

38,67

8,04 %

-

-

27

Roumanie

22,49

4,67 %

-

-

14

Pays-Bas

15,76

3,28 %

5

2,6

13

Grèce

10,53

2,19 %

5

2,4

12

République tchèque

10,29

2,14 %

-

-

12

Belgique

10,21

2,12 %

5

2,4

12

Hongrie

10,09

2,10 %

-

-

12

Portugal

9,98

2,07 %

5

2,4

12

Suède

8,85

1,84 %

4

2,5

10

Bulgarie

8,23

1,71 %

-

-

10

Autriche

8,08

1,68 %

4

2,5

10

Slovaquie

5,39

1,12 %

-

-

7

Danemark

5,31

1,10 %

3

2,33

7

Finlande

5,16

1,07 %

3

2,33

7

Irlande

3,74

0,78 %

3

2,33

7

Lituanie

3,70

0,77 %

-

-

7

Lettonie

2,44

0,51 %

-

-

4

Slovénie

1,98

0,41 %

-

-

4

Estonie

1,45

0,30 %

-

-

4

Chypre

0,75

0,16 %

-

-

4

Luxembourg

0,43

0,09 %

2

2

4

Malte

0,38

0,08 %

-

-

3

TOTAL

481,18

100 %

87

345

Pour situer l'ampleur de la repondération ainsi effectuée, on peut observer que la France, avec 12,25 % de la population d'une Union de 27 Etats membres, aura 8,4 % des droits de vote, alors qu'avec les règles antérieures, elle en aurait eu 7,6 %.

Dans l'Union à quinze, la France, avec 15,7 % de la population, aurait désormais 12,2 % des droits de vote, contre 11,5 % avec les règles actuelles. Toutefois, les nouvelles règles de pondération des votes n'entreront en vigueur qu'au 1 er janvier 2005. Il est probable que cette entrée en vigueur coïncidera avec celle des premiers traités d'adhésion. La nouvelle pondération n'aura donc vraisemblablement pas d'effet sur le fonctionnement de l'Union à quinze.

2. Les règles complémentaires

Dans le système issu du traité de Nice, la majorité qualifiée ne sera plus uniquement définie, comme aujourd'hui, par un nombre de voix (le " seuil " de la majorité qualifiée). L'acte soumis au vote devra, en outre, avoir le soutien de la majorité des Etats membres. Enfin, si un Etat membre en fait la demande, il sera nécessaire de s'assurer que la majorité en voix représente au moins 62 % de la population de l'Union.

a) Le seuil de la majorité qualifiée

Dans l'Union à quinze, la majorité qualifiée sera, à partir du 1 er janvier 2005, formée par 169 voix sur 237, soit 71,3 % des voix . Il faut actuellement 62 voix sur 87, soit 71,27 %. Le pourcentage de voix nécessaire pour obtenir la majorité qualifiée est donc, dans un premier temps, conservé.

Dans l'Union à vingt-sept , la majorité qualifiée sera formée par 255 voix sur 345, soit 73,9 % des voix . Au terme du processus d'élargissement, le seuil de la majorité qualifiée sera donc plus élevé qu'actuellement.

Durant le processus d'élargissement, le seuil de la majorité qualifiée sera actualisé, à chaque fois, par les traités d'adhésion. Mais certaines règles sont fixées pour cette actualisation :

- lors des premières adhésions, le pourcentage retenu devra être inférieur au pourcentage actuel de 71,3 % ;

- ce pourcentage devra augmenter à mesure des adhésions, jusqu'à un maximum de 73,4 % ;

- ce n'est qu'au terme du processus que le pourcentage de 73,9 % pourra s'appliquer ; il ne concernera donc que l'Union à vingt-sept.

b) L'exigence d'une majorité d'Etats membres

Toujours à partir du 1 er janvier 2005, la majorité qualifiée ne sera obtenue que si l'acte soumis au vote est, en tout état de cause, approuvé par la majorité des Etats membres. Il s'agissait là d'une demande extrêmement forte des Etats les moins peuplés, qui formaient la majorité de la CIG. Certes, avec les règles actuelles, il faut de facto une majorité d'Etats membres pour réunir le nombre de voix nécessaire à l'obtention de la majorité qualifiée (1 ( * )) . Mais cet état de fait aurait disparu, dans l'Union élargie, avec les nouvelles règles de pondération.

Cette nouvelle clause aura pour effet que, dans une Union à vingt-sept, les quatorze plus petits Etats pourront s'opposer à l'adoption d'un acte alors qu'ils ne représenteront que 11,6 % de la population de l'Union.

c) La clause de vérification démographique

Tout Etat membre pourra demander, lors de la prise d'une décision par le Conseil à la majorité qualifiée, qu'il soit vérifié que la majorité qualifiée représente au moins 62 % de la population de l'Union. Si cette condition n'est pas remplie, la décision en cause ne sera pas adoptée.

Cette clause, qui entrera également en vigueur au 1 er janvier 2005, est donc une faculté donnée aux Etats membres : elle ne jouera pas automatiquement.

Il a été observé que la vérification démographique entraînera, dans certains cas, une rupture d'égalité entre l'Allemagne et les trois autres plus grands Etats, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. En effet, une coalition entre l'Allemagne et deux autres de ces Etats suffira à empêcher une décision, si la clause est invoquée ; en revanche, une coalition de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni ne suffira pas pour bloquer une décision.

On peut noter, par ailleurs :

- qu'une coalition comportant deux des quatre plus grands Etats, quels qu'ils soient, ainsi que l'Espagne et la Pologne, suffira pour bloquer une décision ;

- que toute coalition d'Etats constituant une majorité qualifiée en voix et comprenant soit trois des quatre plus grands Etats, soit deux d'entre eux et l'Espagne ou la Pologne, répond nécessairement à la condition démographique.

* (1) Dans le cas particulier de la PESC, l'approbation de dix Etats sur quinze est nécessaire pour constituer la majorité qualifiée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page