C. L'EXTENSION DE LA MAJORITÉ QUALIFIÉE

L'extension du champ du vote à la majorité qualifiée - et même sa généralisation presque complète dans le pilier communautaire - constituait un des principaux enjeux de la CIG. Un consensus existait pour que les principales questions institutionnelles ainsi que les décisions de base prises dans le cadre des deuxième et troisième piliers restent arrêtées à l'unanimité ;


en revanche, pour le pilier communautaire, qui regroupe les politiques liées au fonctionnement du marché intérieur, il paraissait indispensable, dans la perspective de l'élargissement, de limiter au maximum les cas où l'unanimité resterait nécessaire, celle-ci ayant toutes les chances d'être plus difficile à réunir à vingt-sept qu'à quinze.

En même temps, les traités successifs - l'Acte unique (1986), puis les traités de Maastricht (1992) et d'Amsterdam (1997) - avaient déjà considérablement élargi le domaine où le Conseil statue à la majorité qualifiée. Ne restaient que des matières politiquement " sensibles " pour certains au moins des Etats, la France ne faisant pas exception.

Finalement, sur les quelque 32 articles mis en discussion, 27 sont modifiés pour permettre un vote à la majorité qualifiée sur tout ou partie de leurs dispositions.

Les cinq articles non modifiés en ce sens sont l'article 42 (relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale), l'article 47, paragraphe 2 (concernant l'accès aux professions non salariées et l'exercice de celles-ci), l'article 93 (concernant la fiscalité), l'article 151 (concernant l'action culturelle) et l'article 175, paragraphe 2 (relatif aux mesures de politique de l'environnement ayant un caractère fiscal, ou concernant l'aménagement du territoire, la gestion des ressources hydrauliques, l'affectation des sols, ou affectant les choix énergétiques des Etats membres). Dans ces domaines, les décisions restent donc prises à l'unanimité.

Les nouveaux domaines relevant du traité instituant la Communauté européenne (TCE) où s'appliquera le vote à la majorité qualifiée sont les suivants :

- les mesures destinées à appuyer l'action des Etats membres pour combattre les discriminations (article 13) ;

- les mesures visant à faciliter l'exercice du droit de circulation et séjour des citoyens de l'Union (article 18), à l'exception des dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les permis de séjour, la sécurité sociale ou la protection sociale ;

- les normes et modalités des contrôles des personnes aux frontières extérieures de l'Union (sous réserve d'un accord sur le champ d'application) ; les règles relatives aux visas de moins de trois mois ; les mesures fixant les conditions dans lesquelles les ressortissants des Etats tiers peuvent circuler librement pendant une durée inférieure à trois mois (article 62) ;

- la lutte contre l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes concernées ; les mesures d'application des règles relatives à l'asile et des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire aux personnes déplacées (article 63) ;

- la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière, sauf les aspects touchant le droit de la famille (article 65) ;

- les mesures pour assurer une coopération entre les administrations des Etats membres en matière de libre circulation des personnes, d'asile et d'immigration (article 66) ;

- l'assistance financière exceptionnelle à un Etat membre (article 100) ;

- la représentation extérieure de la Communauté pour les questions relatives à l'Union économique et monétaire (article 111) ;

- les mesures nécessaires à l'introduction rapide de l'euro (article 123) ;

- la politique commerciale commune dans le domaine des services, à l'exception des accords concernant les services culturels et audiovisuels, les services d'éducation, les services sociaux et de santé humaine, qui demeurent une compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres pour ce qui est des relations économiques extérieures (article 133). Il est à noter que le vote continue à s'effectuer à l'unanimité dans les matières où celle-ci est maintenue dans l'ordre interne et dans celles où la Communauté, bien que pouvant statuer à la majorité qualifiée, n'a pas exercé ses compétences internes ;

- pour la politique sociale (article 137), dont le champ est par ailleurs étendu à la lutte contre l'exclusion, le traité introduit la possibilité , par décision unanime du Conseil, d'introduire le vote à la majorité qualifiée pour ce qui concerne la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs, y compris la cogestion, et les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de la Communauté. En revanche, la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs restent en tout état de cause régies par des décisions prises à l'unanimité. Il convient de rappeler que la politique sociale de la Communauté peut prendre la forme soit d'un encouragement à la coopération entre Etats membres, soit de prescriptions minimales communes, soit d'aides financières accordées dans le cadre des fonds structurels, soit encore de l'approbation d'accords conclus à l'échelon européen entre partenaires sociaux, mais qu'elle ne peut prendre la forme d'une harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ;

- les mesures spécifiques destinées à appuyer les efforts des Etats membres pour assurer la compétitivité industrielle de la Communauté (article 157). Ces mesures ne peuvent comporter des dispositions fiscales, ou des dispositions relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés ;

- les actions spécifiques menées, au titre de la cohésion économique et sociale, en dehors des fonds structurels (article 159) ;

- le régime des fonds structurels, à partir du 1 er janvier 2007 si à cette date les perspectives financières 2007-2013 ont été arrêtées, ou, sinon, à la date de leur adoption (article 161) ;

- le statut des parlementaires européens, sauf en ce qui concerne leur régime fiscal (article 190) ;

- le statut des partis politiques au niveau européen, y compris les règles de financement (article 191) ;

- l'approbation du règlement de procédure de la Cour de justice et du tribunal de première instance, à l'exception du régime linguistique (article 290) ;

- l'approbation du règlement intérieur de la Cour des Comptes (article 248) ;

- les modalités du règlement du budget (article 279), à partir du 1 er janvier 2007 (l'unanimité reste cependant requise pour les règles selon lesquelles les recettes budgétaires sont mises à la disposition de la Commission).

Par ailleurs, toujours dans le cadre du pilier communautaire, le traité de Nice prévoit de procéder à un ensemble de nominations par un vote à la majorité qualifiée. Outre la nomination et le remplacement, déjà évoqués, du président et des membres de la Commission européenne (articles 214 et 215), sont désormais désignés à la majorité qualifiée : le secrétaire général et le secrétaire général adjoint du Conseil (article 207) ; les membres de la Cour des comptes (article 247) ; les membres du Comité économique et social (article 257) et ceux du Comité des régions (article 263).

En outre, le traité de Nice introduit dans le TCE un article 181 bis nouveau, destiné à permettre à la Communauté de mener, en liaison avec les Etats membres, des actions de coopération économique, financière et technique avec des pays tiers. Ces actions doivent être complémentaires de celles menées par les Etats membres et cohérentes avec la politique d'aide au développement de la Communauté. Elles sont décidées à la majorité qualifiée, à l'exception des aides à la balance des paiements de pays tiers.

Enfin, deux articles relevant du traité sur l'Union européenne (TUE) sont modifiés afin de permettre des décisions à la majorité qualifiée (2 ( * )) :

- pour la nomination d'un " représentant spécial " auquel est conféré, dans le domaine de la PESC, un mandat en liaison avec des questions politiques particulières (article 18 du TUE) ;

- pour la conclusion d'accords internationaux dans des domaines relevant du deuxième ou du troisième pilier de l'Union, lorsque ces accords portent sur des questions au sujet desquelles le Conseil se prononce à la majorité qualifiée (article 24 du TUE).

* (2) Dans les deux cas, ces décisions - comme les autres décisions prises à la majorité qualifiée dans le cadre de la PESC - peuvent cependant être bloquées par tout Etat membre s'il invoque " des raisons de politique nationale importantes ". La décision en cause peut alors être renvoyée au Conseil européen en vue d'un accord unanime.

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