TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. RÉUNION DU MARDI 9 MAI 2000

Au cours de la réunion de commission du mardi 9 mai 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, au titre des questions diverses, M. Jean Delaneau, président, a fait part à la commission d'une demande de M. Claude Huriet concernant l'application de la loi du 20 décembre 1998 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

M. Claude Huriet , en tant que rapporteur de cette loi pour la commission des affaires sociales, a fait état des nombreuses questions, restées sans réponse, qu'il avait adressées au Gouvernement quant au fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (CCPPRB).

Il a estimé qu'il relevait particulièrement des missions de la commission de réaliser un bilan de ce fonctionnement et d'avancer des propositions d'amélioration ; il a souligné en effet l'importance d'un suivi attentif de l'application des lois mais il a également souhaité inscrire ce bilan et ces propositions dans la perspective d'une révision des lois dites " bioéthiques " dont le Gouvernement tarde à prendre l'initiative en dépit des dispositions votées par le Parlement.

M. Jean Delaneau, président , a proposé à la commission, qui l'a approuvé, de confier à M. Claude Huriet la mission d'établir un bilan du fonctionnement des CCPPRB et des propositions d'amélioration ; en plein accord avec M. Claude Huriet, il a demandé aux membres de la commission intéressés par cette mission de lui faire savoir dans les prochains jours afin qu'ils puissent être informés du programme de travail du rapporteur et participer à tout ou partie des auditions conduites par ce dernier.

M. Francis Giraud a évoqué son expérience de président d'un CCPPRB et a fait part, d'ores et déjà, de son vif intérêt pour le travail de Claude Huriet, dont il a pleinement approuvé l'initiative.

II. RÉUNION DU MERCREDI 4 AVRIL 2001

Réunie le mercredi 4 avril 2001, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Claude Huriet sur le fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB).

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que la mission qui lui avait été confiée en mai dernier par la commission consistant à établir le bilan du fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) répondait à un double souci : rassembler les informations disponibles concernant l'activité de ces structures créées par la loi du 20 décembre 1988 et proposer des réformes susceptibles d'être discutées à l'occasion de la révision des lois dites de " bioéthique ".

Evoquant les neuf questions écrites relatives au fonctionnement des CCPPRB qu'il avait adressées au ministre chargé de la santé depuis 1996, dont aucune n'avait reçu à ce jour de réponse, il a précisé que cette mission constituait également une réponse au défaut d'information du Parlement par le Gouvernement.

M. Claude Huriet a indiqué qu'afin de recueillir une information complète, il avait envoyé un questionnaire à l'ensemble des comités et avait conduit un important programme d'auditions associant des personnalités reconnues de la recherche biomédicale.

M. Claude Huriet a ensuite rappelé les grands principes de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales et le rôle des CCPPRB.

Il a précisé tout d'abord que cette loi avait permis d'organiser une activité jusque-là mal encadrée et néanmoins indispensable aux progrès de la médecine.

Il a rappelé que le code de la santé publique prévoyait que les recherches devaient se fonder sur le dernier état des connaissances scientifiques ainsi que sur une expérimentation préclinique suffisante et devaient également avoir pour objet d'étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition. Il a ajouté que le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche ne devait pas être hors de proportion avec le bénéfice escompté.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné également que les conditions de la réalisation des protocoles étaient également strictement réglementées, ces recherches ne pouvant être effectuées que sous la direction et sous la surveillance d'un médecin justifiant d'une expérience appropriée et dans des conditions matérielles et techniques adaptées à l'essai et compatibles avec les impératifs de rigueur scientifique et de sécurité des personnes qui se prêtent à ces recherches.

Il a remarqué que des conditions plus restrictives étaient, par ailleurs, posées pour les femmes enceintes, les personnes privées de liberté et les malades ne pouvant donner leur consentement ainsi que pour les mineurs et les majeurs protégés.

Il a insisté sur le fait que, dans tous les cas, le promoteur, c'est-à-dire " la personne physique ou morale qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale sur l'être humain ", devait assurer l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête, et devait donc souscrire une assurance.

Par ailleurs, M. Claude Huriet a rappelé que des règles strictes avaient été définies pour recueillir le consentement " libre, éclairé et exprès " de la personne qui se prête à la recherche, l'investigateur, c'est-à-dire " la ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche " ou un médecin qui le représente, devant faire connaître à la personne l'objectif de la recherche, les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles, l'avis du CCPPRB et, le cas échéant, son inscription dans un fichier national.

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé qu'un des principaux apports de la loi du 20 décembre 1988 résidait dans la distinction qu'elle opérait entre les " recherches biomédicales avec bénéfice individuel direct " qui désignent les essais " dont on attend un bénéfice direct pour la personne qui s'y prête " et a contrario " toutes les autres recherches, qu'elles portent sur des personnes malades ou non " que la loi qualifie de " sans bénéfice individuel ".

Il a expliqué que cette distinction, claire et simple dans son principe, emportait des conséquences importantes en particulier au regard du régime applicable en matière de responsabilité.

M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé que les CCPPRB constituaient les " piliers " sur lesquels reposait la bonne application de la loi.

Il a rappelé qu'ils étaient chargés de donner leur avis sur les conditions de validité de la recherche au regard de la protection des personnes et notamment sur la pertinence générale du projet, l'adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre, la qualification du ou des investigateurs, la protection des participants, les modalités de l'information des personnes se prêtant à la recherche, les modalités de recueil du consentement et les indemnités éventuellement versées par le promoteur en cas de recherche sans bénéfice individuel direct pour la personne.

Il a souligné qu'avant de réaliser une recherche sur l'être humain, tout investigateur était tenu d'en soumettre le projet à l'avis de l'un des CCPPRB compétents dans la région où il exerçait son activité.

Evoquant les enseignements de la mission, M. Claude Huriet a constaté tout d'abord le manque de précision des statistiques disponibles.

La direction générale de la santé (DGS) connaît le nombre total d'avis rendus par les comités (2.280 en 1999, en baisse de 5,5 % par rapport à 1998). Selon les réponses au questionnaire adressé aux comités, 63 % des avis ont été demandés par les industriels contre 37 % par les personnes physiques ou les organismes sans but lucratif.

S'agissant de la nature des essais, M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que 78 % des protocoles concernaient des médicaments, 10 % des dispositifs médicaux, 9 % des recherches cognitives et 3 % des recherches en psychologie. En revanche, il a indiqué que les données disponibles n'apparaissaient pas suffisamment précises puisqu'elles ne permettaient pas d'apprécier, par exemple, le nombre de recherches en cosmétique. Il a estimé que des doutes continuaient à subsister quant à l'application de la loi dans le cas de certaines recherches comme les études épidémiologiques nécessitant un prélèvement sanguin.

M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que les comités comme les promoteurs déclaraient rencontrer des difficultés pour qualifier les essais " avec " ou " sans " bénéfice individuel direct.

Il a souligné qu'un des enseignements importants de la mission résidait dans la nécessité d'établir un recueil des positions adoptées par les divers comités afin d'établir une sorte de " jurisprudence ".

Il a remarqué qu'un autre sujet de préoccupation avait trait à l'obligation faite aux fabricants de dispositifs médicaux de fournir gratuitement les moyens nécessaires à la recherche. Il a rappelé que l'ensemble des interlocuteurs questionnés à ce sujet avaient confirmé que cette situation pénalisait le développement de la recherche biomédicale en France.

M. Claude Huriet, rapporteur, a évoqué ensuite les défaillances propres à l'organisation des comités.

Il a rappelé que la qualité du fonctionnement des CCPPRB était fonction de l'effectivité du pluralisme de leur composition et dépendait donc de la présence des représentants de chacune des huit catégories de membres qui les composaient.

Il a observé que la présence de certaines catégories de membres était loin d'être assurée dans nombre de comités, ces absences concernant en particulier les médecins généralistes, les personnes qualifiées en matière d'éthique, les personnes qualifiées dans le domaine social, les psychologues, ainsi que les personnes compétentes en matière juridique.

Il a constaté que les causes de ce fort absentéisme semblaient tenir au nombre élevé des démissions, à l'absence de formation des membres ainsi qu'à l'absence de rémunération de ceux d'entre eux qui exercent une profession libérale. Il a estimé que cet absentéisme devait également beaucoup aux carences de l'administration en matière de nomination et de renouvellement des membres comme au manque de diligence de certaines autorités habilitées à proposer des candidats.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que l'hétérogénéité de l'activité et des missions des comités constituait le deuxième enseignement de la mission concernant les CCPPRB.

Il a, en particulier, constaté que les comités ne se bornaient pas à donner un avis sur les protocoles de recherche mais qu'" en amont ", certains comités avaient accepté un rôle de conseil qui contribuait à améliorer la qualité des projets.

Il a observé qu'" en aval ", les comités étaient de plus en plus fréquemment saisis d'amendements aux protocoles, le nombre d'amendements étant aujourd'hui équivalent à celui des protocoles, une telle situation n'étant pas sans inconvénient si elle devait amener les comités à consacrer moins de temps à l'examen des protocoles.

Il a remarqué que l'hétérogénéité de l'activité des comités était par ailleurs accentuée par le fait que certains grands organismes de recherche avaient mis en place des comités d'experts qui exerçaient une fonction de " filtre scientifique ".

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que la forte variation du nombre des avis rendus par certains comités, comme la polarisation de l'activité sur quelques-uns, avaient pu laisser craindre que certains avis ne soient pas rendus avec tout le soin nécessaire, d'où la référence à l'existence d'un " Gault-Millau " des CCPPRB. Il a estimé que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer ou d'infirmer une telle hypothèse qui n'avait cependant pas été contredite par la DGS lors de son audition.

Il a estimé ensuite que les relations des comités avec les pouvoirs publics constituaient l'un des points les plus préoccupants.

Il a remarqué que le suivi des comités par la DGS, malgré la réforme de ses services intervenue récemment, n'était pas satisfaisant, de même que la mobilisation des DRASS, qui exercent la tutelle de l'Etat au nom du préfet de région.

Il a souligné en outre que la procédure d'affectation des moyens budgétaires aux comités semblait particulièrement opaque.

Il a rappelé que le financement des comités reposait sur une redevance dont les promoteurs devaient s'acquitter pour chaque protocole et que les crédits ouverts en contrepartie, selon la procédure des fonds de concours, étaient redistribués aux comités en fonction de leur activité respective, cette activité étant appréciée au regard du nombre d'avis rendus.

Il a insisté sur le fait que, depuis 1998, les modalités de répartition des crédits avaient été modifiées de manière unilatérale, la DGS retenant désormais deux critères : les charges salariales et de fonctionnement et la situation des comités au vu des comptes de résultats et des bilans financiers.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré que, de fait, la direction générale de la santé était passée, pour la répartition des dotations entre les comités, d'un mode mécanique mais transparent à des modalités " souples " mais opaques.

Ayant rappelé que la DGS entendait, ce faisant, introduire davantage de rigueur dans la gestion de certains comités, il a souligné qu'elle avait elle-même reconnu que ces modifications avaient pu porter préjudice à des comités dont la gestion n'était pas discutée.

Il a indiqué que cette " réforme " du financement s'était également traduite par un écart croissant entre le montant total des redevances et les sommes globalement distribuées aux comités en précisant que contrairement à une interrogation répandue parmi les comités, les crédits non distribués n'étaient pas reversés au budget général, mais reportés d'année en année sur le fonds de concours correspondant.

Il a considéré que cette situation appelait impérativement une " remise à plat " des modalités de financement des CCPPRB.

M. Claude Huriet, rapporteur, a ensuite évoqué ses propositions en commençant par celles relatives à l'organisation même de la recherche biomédicale.

Il a insisté sur la nécessité de clarifier la distinction entre les essais " avec " ou " sans " bénéfice individuel direct.

Il a ensuite proposé de revenir sur l'obligation faite au promoteur de fournir gratuitement les dispositifs médicaux et d'associer davantage les personnes se prêtant à la recherche.

Il a aussi évoqué les moyens d'assurer une meilleure régulation du nombre des amendements aux protocoles.

M. Claude Huriet, rapporteur, a ensuite souligné la nécessité de réformer le fonctionnement même des comités.

A cet égard, il a détaillé ses propositions permettant de doter les CCPPRB d'un statut adapté et de réformer l'organisation de leur financement.

Il a estimé nécessaire de reconnaître le rôle de conseil des comités et de garantir le pluralisme de leur composition.

Compte tenu des causes multiples qui concourent à l'absentéisme, il a évoqué plusieurs pistes pour y mettre un terme comme la modification de la composition des CCPPRB, l'augmentation des moyens des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), une meilleure information des candidats, la formation des membres, ainsi qu'un mécanisme d'indemnisation de certaines catégories de membres.

M. Claude Huriet a enfin suggéré une dernière série de propositions concernant les relations des comités avec les autres acteurs de la recherche biomédicale.

Il a souligné la nécessité de préciser les compétences respectives de l'association française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS), de la direction générale de la santé (DGS) et des CCPPRB et de valoriser la conférence nationale des CCPPRB.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré, en conclusion, que certaines de ses propositions étaient d'ordre pratique, que d'autres appelaient une évolution des textes réglementaires, que d'autres enfin nécessitaient des modifications législatives. Il a estimé que la révision des lois dites de " bioéthique ", qui aurait dû intervenir dès juillet 1999, pourrait être l'occasion de débattre de ces dernières.

M. Francis Giraud, faisant état de son expérience d'ancien président de CCPPRB a souligné alors le rôle indispensable de ces structures créées à l'initiative de MM. Claude Huriet et Franck Sérusclat, en insistant sur l'apport majeur que représentait leur composition pluraliste associant des médecins et des non-médecins. Il s'est inquiété des constatations du rapporteur faisant apparaître que des menaces pesaient sur ce pluralisme.

Il a évoqué les difficultés qui pouvaient être soulevées par le fait que la loi avait prévu des procédures uniformes quelle que soit la nature des médicaments faisant l'objet d'une recherche. Il a confirmé que la question du financement des CCPPRB avait toujours posé des problèmes. Il a, enfin, insisté sur la nécessité de conserver et de conforter ces structures indispensables au développement de la recherche biomédicale.

La commission a décidé d'autoriser la publication des conclusions du rapporteur sous la forme d'un rapport d'information .

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