EXAMEN EN DELEGATION

La délégation s'est réunie le mercredi 2 mai pour l'examen du présent rapport.

M. Hubert Haenel :

Peut-on dire qu'il y a une politique des transports digne de ce nom dans l'Union européenne ?

M. Jacques Oudin :

Je rappellerai simplement l'arrêt de 1985 de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a constaté la carence des instances communautaires dans le domaine de la politique des transports. Certes, il y a eu quelques progrès depuis. Lors de la préparation du sommet d'Edimbourg, le lancement d'un grand emprunt européen pour financer les infrastructures avait été envisagé par Jacques Delors. Mais cette idée n'a pas été retenue, et le taux de participation de la Communauté se limite à 10 % du coût des projets.

Le système de transport européen reste encore excessivement cloisonné, et la baisse du fret ferroviaire est dommageable. Mais tout espoir n'est pas perdu, si l'on se donne une bonne programmation et les financements nécessaires.

M. Daniel Hoeffel :

Je crois également que le lancement d'un grand emprunt serait un signe fort de volontarisme, en ce qui concerne les infrastructures de transport européennes.

Vous avez évoqué surtout les transports routier et ferroviaire, mais le transport fluvial est aussi cité à deux reprises dans votre rapport écrit. Lorsque vous avancez que la part de trafic de la voie d'eau est marginale, c'est vrai pour la France. Mais cette part devient plus importante à mesure que l'on va vers l'Est. En ce qui concerne la fragmentation de l'espace européen des transports, il faut penser aussi à rompre les barrières entre bassins fluviaux car je crois en l'avenir du transport fluvial, compte tenu de ses avantages environnementaux.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je me demande si le coût de la modernisation du réseau de chemin de fer ne serait pas inférieur à celui du gâchis généré par son obsolescence. A votre connaissance, existe-t-il un projet d'harmonisation de l'écartement des rails entre l'Espagne et le reste de l'Europe ?

M. Maurice Blin :

Le déclin du transport ferroviaire est-il commun à tous les Etats membres, ou est-il plus marqué dans certains d'entre eux ?

C'est un fait certain que l'explosion du transport routier va être insupportable pour l'environnement et conduire à un engorgement définitif des routes européennes. Comment se fait-il que les responsable nationaux et communautaires ne soient pas plus sensibles à ce vaste problème ? Il faut lancer un message d'alerte en direction de l'opinion.

M. Robert Badinter :

Alors que le transport est une question clef pour l'Europe, sa situation actuelle est lamentable. Nous sommes face à des évidences : les transports routier et aérien arrivent à saturation ; le transport ferroviaire est supérieur en termes d'environnement, de fiabilité et de rapidité. Mais, en dépit de ces constats, rien ne se passe.

Je me souviens du montage financier du projet Eurotunnel, dont j'ai eu à connaître à l'époque. Comme d'habitude pour ce genre de projet, le coût à l'arrivée a été sans rapport avec les estimations initiales. Dans le plan de financement, le montant des intérêts cumulés ne peut être couvert par les bénéfices à moyen terme. L'énormité de l'investissement de départ ne permet pas un financement privé.

La solution consiste à dissocier l'infrastructure de l'exploitation : on a alors une concession rentable et un financement de l'infrastructure à très long terme. C'est d'ailleurs ce qui a été fait finalement, au détriment des actionnaires initiaux d'Eurotunnel. Je suis donc favorable à des emprunts européens à long terme pour les infrastructures de transport, associés à des concessions d'exploitation. La situation actuelle des transports en Europe est désastreuse et ne pourra pas continuer.

M. Emmanuel Hamel :

Il me semble opportun d'affirmer plus clairement dans la conclusion du rapport la nécessité absolue de freiner le transport routier et de développer le transport ferroviaire.

M. Jacques Oudin :

Attention, je n'ai pas dit qu'il faut réduire le transport routier, car je crois que c'est impossible. Chaque mode a ses qualités et ses limites. Ainsi, le transport fluvial a des limites géographiques. Il est lent, mais fiable. Je regrette que la France ait renoncé à s'intégrer au réseau fluvial d'Europe centrale, en abandonnant les projets de liaison Rhin-Rhône, Seine Nord et Seine Est. Les investissements nécessaires étaient de l'ordre de 40 milliards de francs pour Rhin Rhône, et de 20 milliards de francs pour Seine Nord. Je ne les qualifierais pas de colossaux.

A l'évidence, le gâchis ferroviaire a un coût supérieur à celui de la mise à niveau de ce mode de transport. Quant à l'écartement des rails en Espagne, ce n'est qu'un exemple d'une absence d'harmonisation technique plus générale. Ainsi, je rappellerai qu'il existe cinq systèmes électriques différents sur le réseau ferroviaire européen.

La réforme du système ferroviaire est nécessaire, mais difficile. A la SNCF, de même que le plan Bergounioux a été retiré en 1995, le plan Gallois vient d'être « suspendu ». Mais cette difficulté n'est pas propre aux chemins de fer. Tous les modes de transport ont une structure corporatiste, qui leur permet, en cas de conflit social, de bloquer l'économie entière d'un pays.

La part du trafic ferroviaire va diminuant dans tous les pays au monde. On peut réagir, mais dans certaines limites. Ainsi, la Commission devrait se donner un simple objectif de stabilisation des parts modales à leur niveau actuel.

Je suis d'accord avec l'analyse de Robert Badinter. Il faut séparer l'infrastructure de l'exploitation, si l'on vise la rentabilité. Ce n'est pas nouveau, si je m'en réfère au scandale de Panama qui, au début du siècle, a ruiné toutes les compagnies ferroviaires françaises, ou à la faillite des premières concessions autoroutières privées dans les années 1960. A l'inverse, je suis très étonné que la société du tunnel sous le Mont-Blanc, qui a fait des bénéfices pendant quinze ans, n'ait pas anticipé le besoin d'une nouvelle liaison transalpine.

Avec un effort inférieur à 1 % du PIB, la France n'a jamais aussi peu investi dans les infrastructures de transport. Alors que l'on attend toujours la parution du Livre blanc, la politique européenne des transports apparaît en retard, tant en matière de financement qu'en matière d'harmonisation.

A l'issue du débat, la délégation a adopté, à l'unanimité, le rapport qui a été publié sous le numéro 300 (2000-2001) et qui est disponible sur Internet à l'adresse suivante : www.senat.fr/europe/rap.html

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