B. UNE PRÉOCCUPATION DE SÉCURITÉ INÉGALEMENT SATISFAITE

Les opérateurs des transports ferroviaire et aérien gèrent eux-mêmes de manière satisfaisante la question de la sécurité. L'intervention communautaire n'est apparue nécessaire que dans le domaine des transports routier et maritime, où elle demeure très subsidiaire par rapport aux compétences des Etats membres et de l'Organisation maritime internationale.

1. Les insuffisances de la politique de sécurité routière

Chaque année, sur le territoire de l'Union européenne, les accidents de la route tuent plus de 40.000 personnes, dont de très nombreux jeunes, et en blessent 1,7 million. Qu'ils soient touchés directement ou indirectement, presque tous les citoyens de l'Union connaîtront un jour de leur vie un drame provoqué par le niveau d'insécurité élevé du transport routier.

Les coûts directs, sanitaires et matériels, des accidents sont estimés à 15 milliards d'euros par an, auquel il convient d'ajouter 30 milliards d'euros de pertes de production. Eviter un accident mortel revient donc à économiser plus d'un million d'euros.

Bien que des progrès significatifs aient été enregistrés depuis les années 1970, le rythme de diminution des accidents mortels s'est ralenti au cours de la période récente, autour de 3 % par an. L'ambition de l'Union européenne est de réduire le nombre annuel de victimes à 18.000 en 2010, contre 27.000 si l'on se contente de maintenir la politique actuelle.

Même si tous les Etats membres sont touchés par l'insécurité routière, des différences importantes existent entre eux. Si le taux de mortalité routière sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne pouvait être réduit au taux national le plus bas, celui de la Suède, le nombre des tués s'en trouverait réduit de 20.000 par an.

Le rôle de la Commission est tout à fait subsidiaire par rapport à celui des Etats membres, puisqu'elle se contente de : surveiller globalement l'évolution de la sécurité routière dans l'Union ; collecter, interpréter et diffuser des informations relatives à l'ensemble des aspects de sécurité routière ; assurer le transfert des pratiques les plus efficaces dans l'ensemble de l'Union ; soutenir la recherche.

Dans son rapport d'avancement et de hiérarchisation des actions en matière de sécurité routière du 17 mars 2000, la Commission a défini les priorités suivantes :

- la poursuite et l'approfondissement des travaux dans le cadre du programme européen d'évaluation des nouveaux modèles de voitures ;

- des campagnes et une législation concernant le port de la ceinture de sécurité et l'utilisation des dispositifs de retenue pour les enfants ;

- une recommandation aux Etats membres concernant les taux maximum d'alcoolémie autorisés au volant ;

- une législation concernant les limiteurs de vitesse sur les véhicules commerciaux légers ;

- la définition d'orientations pour la gestion des « points noirs » (lieux où se concentrent les accidents) et conception d'infrastructures routières « clémentes » (sur lesquelles les risques de dommages corporels en cas d'accident seraient moins grands) ;

- une législation concernant les faces avant de voitures moins dangereuses pour les piétons et les cyclistes.

2. L'échec de la politique communautaire de sécurité maritime

Bien que le cadre international de la sécurité maritime relève au premier chef de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), l'Union européenne a développé une compétence propre dans ce domaine.

La communication de la Commission du 24 février 1993 sur la politique commune de sécurité maritime a marqué le début de la mise en place d'un cadre législatif communautaire, qui comporte à ce jour une quinzaine de directives et de règlements. L'objectif de cette législation est de parvenir à une mise en oeuvre plus efficace et plus uniforme par les Etats membres des règles issues des conventions internationales élaborées dans le cadre de l'OMI.

Cependant, la marée noire consécutive au naufrage de l'Erika, au mois de décembre 1999, a mis en lumière d'importantes lacunes dans l'application des règles de sécurité internationales et communautaires. En raison de l'étendue de sa façade sur la Manche et l'Atlantique, la France est l'Etat membre principalement concerné. Mais les pays dépourvus de façade maritime, ou simplement à l'écart des grandes lignes océaniques, n'éprouvent pas la même urgence à agir. Enfin, d'autres Etats membres, comme la Grèce ou le Danemark, privilégient explicitement la rentabilité à court terme du transport maritime sur la sécurité.

Ainsi, la question de la sécurité du transport maritime est caractéristique de la problématique plus générale de la politique européenne des transports. Dans ce domaine, les égoïsmes nationaux restent puissants, et l'harmonisation européenne progresse moins rapidement que les trafics.

La catastrophe de l'Erika a placé la sécurité maritime en haut de l'agenda communautaire, et a conduit la Commission à présenter au printemps 2000 trois propositions :

- un renforcement de la directive 95/21/CE relative au contrôle des navires par l'Etat du port, tendant à rendre obligatoires des inspections ciblées sur les navires « à risque » et à bannir des eaux communautaires les navires sous normes ;

- une modification de la directive 94/57/CE relative aux sociétés de classification, tendant à instaurer une procédure de suspension et de retrait d'agrément des sociétés de classification et à encadrer les changements de classe des navires ;

- une proposition de règlement prévoyant un calendrier accéléré pour le retrait des pétroliers à simple coque des eaux communautaires, plus bref que le calendrier mondial fixé par la convention Marpol négociée dans le cadre de l'OMI.

Les deux propositions de directives ont fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil Transports du 20 décembre 2000, puis d'une position commune lors du Conseil Transports du 26 février 2001. En revanche, il n'y a pas eu d'accord sur la proposition de règlement accélérant la suppression des pétroliers à simple coque, une majorité des Etats membres privilégiant l'approche internationale sur l'approche communautaire. La position définitive de l'Union européenne dépendra donc du résultat de la négociation d'un calendrier accéléré, en cours à l'OMI, qui devrait aboutir au printemps 2001.

Un deuxième train de mesures a été présenté par la Commission le 6 décembre 2000, consistant dans les trois propositions suivantes :

- une proposition de directive relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime qui prévoit, en particulier, le suivi de tous les navires transitant dans les zones à forte densité de trafic grâce à l'installation de systèmes transpondeurs permettant leur identification automatique, l'installation obligatoire de boîtes noires pour les navires faisant escale dans les ports de la Communauté, le développement de bases de données communes, le renforcement des pouvoirs d'intervention des Etats membres en cas de risque de pollution devant leurs côtes, la possibilité pour les Etats membres d'interdire aux navires de quitter les ports en cas de conditions météorologiques exceptionnelles ;

- une proposition de règlement tendant à créer un fonds européen d'indemnisation des dommages de pollution supplémentaire, venant s'ajouter au Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), doté d'un milliard d'euros et financé par les entreprises importatrices d'hydrocarbures ;

- une proposition de règlement tendant à créer une Agence européenne de la sécurité maritime, composée d'une cinquantaine de personnes, chargée notamment de l'assistance technique pour l'adaptation des textes législatifs communautaires, de l'inspection sur place des conditions dans lesquelles les Etats du port exercent leur contrôle, de la gestion d'une « liste noire » des navires sous norme, de l'évaluation et de l'audit des sociétés de classification.

Lors du Conseil Transports du 5 avril 2001, un accord de principe s'est dégagé sur la proposition de créer une Agence européenne de la sécurité maritime. En revanche, une majorité des Etats membres s'est prononcée en faveur du relèvement du plafond d'indemnisation et de l'amélioration du fonctionnement du Fipol, de préférence à la création d'un fonds européen supplémentaire. De même, seuls la France, l'Espagne et le Portugal ont estimé nécessaire de renforcer la surveillance des navires au niveau communautaire, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède plaidant pour une solution internationale. En fait, ces derniers Etats membres ont une approche économique de la sécurité en mer et rechignent à toute mesure qui aurait pour effet de renchérir le coût du transport maritime.

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