2. Une maladie animale appelée à disparaître ?

La commission d'enquête tient à souligner le paradoxe de la crise de l'automne 2000 : alors que le nombre de cas d'ESB diagnostiqués n'a jamais été aussi important, la maladie animale est en voie de forte régression.

a) L'absence d'une nouvelle génération de cas d'ESB

La plupart des spécialistes entendus par la commission ont estimé que la mesure la plus efficace, tant contre la maladie animale que la maladie humaine, a consisté à retirer les MRS. Au terme de ses travaux, la commission s'autorisera à avancer les hypothèses suivantes.

Le premier indice d'une forte régression de la maladie en France est que l'épidémie a diminué considérablement en Grande-Bretagne, ce qui tend à prouver que les mesures de sécurité, une fois appliquées, commencent à porter leurs effets.

Le second indice est qu'il n'y a pas eu, en France, au cours du dernier trimestre de l'année 2000, d'apparition de cas d'ESB « nouvelle génération », c'est-à-dire d'animaux âgés de 4 ans nés au troisième et au quatrième trimestre 1996.

Comme le note M. Etienne Gavart, directeur du GDS Calvados et Manche, entre le 15 juillet 1996 et le 1 er mai 2001, il s'est écoulé 1.751 jours ; il ressort des statistiques que 23 cas ont déjà été déclarés moins de 1.751 jours après la naissance de l'animal. Or, un seul cas d'animal né après le 15 juillet 1996 a été diagnostiqué.

Cette « lecture » est peut-être optimiste, car il est possible que les animaux nés après 1996 aient été contaminés plus tard que leurs grands frères, ou plus exactement leurs grandes soeurs...

En utilisant les données épidémiologiques anglaises, à savoir un âge moyen à la contamination de 1,3 an (écart type de 1,8 an) et une durée d'incubation moyenne de 5 ans (écart type de 1,6 an), M. Pascal Mainsant, ingénieur de recherche à l'INRA, s'est interrogé sur leur non concordance avec deux phénomènes :

- le constat d'une « saisonnalité » de la mortalité, induite par une « saisonnalité » de la contamination, aussi bien en France qu'au Royaume-Uni : les contaminations sont rares en été et plus fréquentes en hiver ;

- l'augmentation significative de la mortalité en France, d'octobre à décembre 2000.

Dans une étude particulièrement intéressante, il conclut que l'écart-type de la durée d'incubation de la vague de contamination de 1995 ne peut être que très inférieur à 18 mois, et pourrait être de 3 ou 4 mois seulement .

Pour M. Mainsant, les contaminations françaises se seraient déroulées en trois vagues successives :

- la première vague débute à l'hiver 1985-86 : provoquée par les farines de viande et d'os importées du Royaume-Uni, elle aurait contaminé une petite cohorte de bovins d'âge divers, dont le décès a pu être observé, par quelques cas cliniques repérés par le réseau d'épidémio-surveillance en 1991 ;

- la seconde vague débute à l'hiver 1990-91 : les bovins atteints par l'ESB, mais non diagnostiqués par le réseau d'épidémio-surveillance, auraient contaminé une nouvelle cohorte plus nombreuse de bovins d'âge divers, qui serait décédée en 1995-96. La majeure partie des cas repérés l'aurait été du fait de l'amélioration du réseau d'épidémio-surveillance, provoquée par la crise de mars 1996. Mais là aussi, des bovins porteurs de l'agent de l'ESB seraient entrés dans la chaîne alimentaire ;

- la troisième vague débute à l'hiver 1995-96 , et résulterait de la contamination des bovins de la cohorte née en 1990-91 : elle constituerait une cohorte plus importante encore, toujours d'âge varié, repérée fin 2000, et provoquant le pic des cas observés novembre 2000.

Comme le note M. Mainsant, « cet enchaînement repose sur la translation des cas cliniques observés, c'est à dire les 4 cas d'ESB de début 1991, les 12 cas d'ESB de 1996, et les 80 de fin 2000. Certes les effectifs des deux premières vagues sont très faibles, et donc fragiles, mais la périodicité de cinq ans constitue un élément de cohérence puissant » .

La chute du nombre de cas diagnostiqués à partir de décembre 2000 peut-elle correspondre à l'arrêt attendu des contaminations ?

M. Mainsant observe que cette chute ne correspond ni à l'échéance du retrait des MRS (cinq ans après les mesures de l'été 1996, soit l'été 2001), ni à celle de la rareté du printemps, puisqu'elle est en avance de plusieurs mois sur le printemps. La situation de décembre 2000 constitue ainsi une énigme, mais qui pourrait signifier que la durée d'incubation théorique est moins longue que prévue.

La thèse avancée d'un effondrement du nombre de cas d'ESB à partir de la fin 2001 ne signifie évidemment pas qu'il n'y aura plus de cas d'ESB.

La commission d'enquête craint en effet de voir apparaître des cas « super-NAIF », c'est-à-dire des bovins nés après les mesures de sécurité de 1996, parce que les risques de contamination croisée, jusqu'au 14 novembre 2000, ne peuvent pas être totalement écartés. Comme l'a indiqué à la commission M. Dominique Dormont, chef du service de neurovirologie du CEA, tout dépendra du nombre de cas super NAIF : « Je ne serais pas surpris que nous trouvions quelques animaux développant une ESB, tout en étant nés après la mise en place effective des mesures sur les farines de viande. Le problème réside dans le nombre d'animaux détectés. S'ils sont plusieurs dizaines, alors ce sera clairement inquiétant. Si au contraire, ils ne sont que deux ou trois, alors le problème restera anecdotique et correspondra à l'extinction d'un phénomène. Cette notion quantitative me paraît en effet importante » .

Pour le moment, le nombre de « super NAIF » reste anecdotique : un cas sûr, né en juillet 1997, et un cas douteux, né en août 1998.

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