c) La santé publique oubliée

Si une approche dogmatique du marché unique a pu si aisément s'imposer, c'est principalement en raison de l'absence d'une véritable prise en compte des impératifs de santé publique au niveau européen.

La commission d'enquête a constaté que, jusqu'à une date récente, le dossier de l'ESB avait été entièrement géré par les responsables européens chargés de l'agriculture, tant au niveau du Conseil qu'au niveau de la Commission, et non par ceux chargés de la santé.

Ainsi, il a fallu attendre 1994 pour que, sur l'insistance de la France, les ministres de la santé se réunissent à Bruxelles pour s'entretenir d'une possible transmission à l'homme de l'ESB.

Au sein de la Commission européenne, c'est la direction générale de l'Agriculture qui a accaparé le dossier.

Il est vrai que jusqu'à Maastricht, la santé publique n'occupait qu'une place marginale dans la construction européenne, car la compétence de la communauté était limitée aux maladies professionnelles.

(1) L'Europe de la santé, parent pauvre de la construction communautaire

Ce n'est que par le traité de Maastricht, soit quarante ans après le début de l'unification communautaire, qu'un nouvel article 129 a reconnu formellement la santé publique comme une compétence de l'Union européenne, cette reconnaissance n'ayant d'ailleurs été formulée qu'avec de fortes réserves.

Tels que définis par l'article 129 du traité, les objectifs de cette action européenne présentent des aspects déconcertants. Il ressort, en effet, selon cet article, que l'action de la Communauté en matière de santé publique est limitée à la seule prévention des maladies en favorisant la recherche sur leurs causes et leur transmission, ainsi que l'information et l'éducation en matière de santé. Or, la notion de « prévention des maladies » paraît quelque peu réductrice, dans la mesure où elle semble exclure le traitement des maladies.

En fait, la rédaction de l'article 129 traduit bel et bien une méfiance vis-à-vis des excès possibles de l'intervention communautaire.

Ainsi, le même article énonce plus loin que « l'action de la Communauté vise à encourager la coopération entre les Etats membres » , et toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est expressément exclue.

En outre, les seuls instruments disponibles sont des actions d'encouragement ou des recommandations.

Enfin, toute action d'encouragement ne peut être prise que selon la procédure de codécision, qui nécessite un accord complet entre le Conseil et le Parlement européen.

Au total, tout se passe comme si la santé avait été introduite à contrecoeur dans les traités et qu'à partir du moment où elle y figurait, la principale préoccupation était de se prémunir contre un possible centralisme bruxellois. Certes, la rédaction embarrassée de l'article 129 manifeste sans doute la crainte de la plupart des Etats membres de voir la Communauté intervenir dans les politiques de santé publique nationales et de menacer l'organisation des systèmes de santé.

La commission d'enquête estime qu'une somme de négations ne fait pas une politique.

Elle tient toutefois à noter que des progrès ont été réalisés, avec notamment la création d'une direction générale « santé et protection des consommateurs », en septembre 1999, qui résulte directement de la crise de la vache folle.

Le traité d'Amsterdam a également modifié l'article 129 (devenu article 152) en reconnaissant une plus grande compétence à la Communauté en matière de santé publique.

Mais la santé reste le parent pauvre de la construction européenne, comme l'illustre la faible prise en compte de la santé comme composante des autres politiques communautaires.

Les réalisations pratiques restent limitées à l'élaboration de résolutions ou de programmes de prévention et le budget consacré à la santé demeure dérisoire.

Dans ce contexte, il n'est pas si surprenant d'entendre le commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, M. David Byrne, déclarer devant la commission d'enquête à propos de l'ESB : « il y a eu un glissement en matière de compétences de l'agriculture à la santé. Actuellement, les ministres de la santé des Quinze sont de plus en plus impliqués. Il serait souhaitable qu'ils siègent aux réunions du Conseil « Agriculture ».

Cette déclaration a laissé la commission perplexe : naïveté du propos ou sens de l'humour du Commissaire ?

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