(3) L'exemple allemand : la politique de l'autruche

Le cas de l'Allemagne illustre parfaitement l'attitude de blocage de certains Etats au niveau européen en matière d'ESB. Le ministre français de l'Agriculture, M. Jean Glavany, a parlé, d'ailleurs, à propos de l'attitude des autorités allemandes avant la découverte du premier cas d'ESB en novembre 2000, d'une « politique de l'autruche assez incompréhensible » (entretien au Monde , 11 janvier 2001).

Estimant que le procédé de chauffage des farines animales en vigueur offrait toutes les garanties nécessaires en matière d'ESB, les autorités allemandes n'ont, en effet, pas jugé utile d'interdire l'utilisation de ces farines à tous les animaux, ni même de retirer les matériels à risques spécifiés (MRS) jusqu'à la découverte du premier cas d'ESB.

Cette politique s'est accompagnée, au niveau européen, d'une attitude d'obstruction à l'égard des mesures réclamées par la France. Le revirement de l'attitude allemande après la découverte du premier cas d'ESB a, d'ailleurs, profondément ébranlé la confiance des consommateurs et donné lieu à une crise politique majeure qui s'est traduite par la démission des ministres de la santé et de l'agriculture le 9 janvier dernier. Il semble que la mauvaise gestion de l'ESB par l'Allemagne s'explique partiellement par l'enchevêtrement des compétences en matière agricole et en matière de protection des consommateurs, tant au niveau fédéral qu'au niveau des Länder, qui a été évoquée devant la commission d'enquête par M. Axel Reich, premier conseiller de l'Ambassade d'Allemagne en France.

Ainsi, les mesures de dépistage ont-elles donné lieu à des échanges difficiles entre les Länder et l'Etat fédéral à propos du financement. De même, l'abattage systématique du troupeau en cas de découverte d'une vache atteinte de l'ESB a été très contesté en Bavière.

Ces difficultés ont d'ailleurs provoqué une certaine réorganisation des compétences en matière de santé et de protection des consommateurs. Mais la responsabilité des autorités allemandes est particulièrement lourde car, en définitive, les décisions politiques ont pesé d'un grand poids. L'Allemagne, qui apparaît souvent comme un pays donneur de leçons en matière d'intégration européenne, ne semble pas ici avoir fait preuve d'un grand esprit de solidarité européenne.

(4) La transposition de la directive sur le chauffage des farines : un retard français difficilement explicable

Si, en règle générale, les autorités françaises ont anticipé les décisions communautaires, notamment sur l'interdiction de l'utilisation des farines animales ou les MRS, elles portent néanmoins elles aussi une part de responsabilité dans « l'inertie bruxelloise ». La commission d'enquête a constaté un certain retard dans le délai de transposition de diverses directives communautaires : par exemple, il s'est écoulé trois mois entre la décision communautaire de notifier les cas d'ESB et la décision française.

Il s'est également écoulé deux ans entre la directive communautaire du 18 juillet 1996 uniformisant les différents traitements thermiques pour la fabrication des farines (température d'au moins 133° pendant 20 minutes à 3 bars) et sa transcription en droit français intervenue en février 1998, comme l'a déclaré Mme Nicoli, présidente de l'UFC, lors de son audition : « La Commission européenne a procédé à plusieurs avertissements, et il a été nécessaire qu'elle menace la France d'une procédure pour que ce soit mis en oeuvre. »

La commission d'enquête s'est interrogée sur les raisons d'un tel retard. L'explication officielle tient au tri des matières premières qui aurait assuré une sécurité suffisante.

Cependant, une autre explication a été donnée par M. Leseur, vice-président du conseil général vétérinaire, lors de son audition : « Je rappelle qu'en 1990, à Bruxelles, quand a été acceptée la directive concernant le traitement d'équarrissage, une bagarre extraordinaire a eu lieu entre les délégués français et allemands. Pourquoi ? Ce procédé était allemand et uniquement allemand. De ce fait, comme les Allemands avaient déjà utilisé un système de ce genre concernant les poules pondeuses quelques années auparavant, la délégation française s'est battue bec et ongles pour obtenir « un traitement équivalent » et non pas le traitement 133 degrés, 20 minutes, 3 bars. C'est la raison essentielle pour laquelle, dans cette directive, apparaît le procédé « au traitement équivalent ».

La commission d'enquête ne peut pas exclure que les causes du retard de la transposition de la seconde directive de 1996, qui uniformise le traitement de chauffage des farines, soient également liées à des considérations industrielles.

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