Audition de M. Eugène SCHAEFFER, Premier vice-président de
la Fédération nationale des Syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)
et président du comité de coordination des associations spécialisées

(14 février 2001)

M. Gérard Dériot, Président - Messieurs, merci d'avoir répondu à notre convocation.

Je rappelle que vous êtes M. Eugène Schaeffer, Premier Vice-Président de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles et Président du Comité de Coordination des Associations Spécialisées et M. Garnotel, Directeur-adjoint de la F.N.S.E.A. chargé des questions économiques et internationales.

Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Schaeffer et Garnotel.

M. le Président - Merci. Dans un premier temps, vous pourriez brièvement nous donner votre opinion sur le problème de l'ESB, de l'utilisation des farines animales et des conséquences qui s'en sont suivies pour le développement de l'ESB dans le troupeau français et européen.

M. Eugène Schaeffer - Merci au nom de la F.N.S.E.A. de nous auditionner, car c'est avec plaisir que nous avons répondu à votre invitation.

Rapidement, je reclasserai les affaires dans le temps et dans l'histoire. La fabrication des farines animales pour la nutrition animale par la suite n'est pas nouvelle. Elle date du siècle dernier. Elle a évolué au fur et à mesure avec une certaine législation et une certaine réglementation.

Cette fabrication que l'on peut dire de protéines animales a surtout évolué de façon importante -il faut le souligner- quand nous avons pris les décisions de fermer tous ces petits abattoirs et de concentrer tout ce qui était abattage sur des grands abattoirs.

Les Etats-Unis avaient connu cette situation dans les années 20, avec les grands abattoirs de Chigago. Les Américains nous ont transmis toutes ces méthodes de fabrication et s'est posé, dans ces grands abattoirs où les abattages avaient été concentrés suite à la fermeture des tueries particulières, le problème des déchets et de leur « valorisation ».

Il est vrai également -il faut le souligner- que les bovins et les ovins sont ceux qui laissent le plus de déchets. Dans un porc, pratiquement tout est consommé. Dans une volaille, à part les viscères et les plumes, tout est consommé également.

Aujourd'hui, avec une vache de 600 kg, 400 kg doivent être détruits parce que déjà la rentabilité du poids vif au poids mort est de 53 %. Vous vous retrouvez avec 330 kilos en carcasse, les 4 quartiers, et quand vous commencez à désosser et à enlever ce que prescrit maintenant la réglementation avec la suppression de tout ce qui est viscères, on arrive à 400 kg. A l'époque, les volumes à détruire dans les abattoirs étaient déjà importants.

A la F.N.S.E.A., nous nous étions toujours basés sur la réglementation existante concernant le système des farines carnées animales et leur emploi dans l'alimentation animale.

Une parenthèse concernant l'alimentation animale : nous avons toujours dit qu'il fallait faire attention. Dans le domaine des protéines animales ou d'origine carnée (comme on les appelait alors) nous avons clairement fait la distinction dans nos instituts de recherche, notamment pour les porcs et les volailles -et nous l'avons encore constaté ces derniers temps-, concernant l'emploi de protéines carnées ou des graisses.

Par exemple, dans l'alimentation des dindes, cela nous a posé de nombreux problèmes de qualité. Le muscle n'était pas le même. Il existe une différence entre une protéine végétale et une protéine animale et une forte différence entre une graisse animale et une graisse végétale.

La suppression que nous avons connue du jour au lendemain a posé des problèmes de qualité, au niveau des volailles notamment. Une grande variété d'oiseaux de la famille des rapaces ne se nourrissent que de viande. Leur appareil digestif fonctionne très bien pour les farines animales. Nous avons toujours fait attention et demandé de veiller à l'emploi de ces farines animales dans les porcs et les volailles. Il y a 2 ou 3 ans nous avons encore attiré l'attention du Gouvernement concernant la suppression totale des farines animales, notamment pour les volailles.

Pour le moment, nous ne nous en sortons pas mal, car nous avons réussi à trouver un certain nombre de produits en remplacement de tout ce qui est farines animales. Cela n'a pas été sans peine, il faut le dire. Nous avons connu, dans un certain nombre d'élevages, des piquages et des problèmes en raison de la disparition des farines animales.

Je me souviens des années 90 où la France a pris les premières mesures d'interdiction totale des farines animales concernant l'alimentation des bovins.

Il faut dire qu'avant 1990, j'ignore si beaucoup d'agriculteurs savaient que l'aliment qu'ils donnaient contenait des protéines ou des farines animales. Après 1990, la législation a évolué, ainsi que l'étiquetage car, d'après nous, l'étiquetage du produit par rapport à l'agriculteur et au producteur est important.

A un certain moment, il précisait « protéines animales » et a été renforcé dans les derniers temps pour indiquer : « Attention, cet aliment n'est pas fait pour des ruminants mais pour des porcs et des volailles ». Nous n'avons cessé de dire aux agriculteurs de faire attention dans l'emploi des produits.

Ensuite se sont posés les problèmes de la maladie transmise par les produits qui n'ont pas été traités convenablement par les Britanniques et de l'importation de ces produits. Je me souviens à l'époque quand nous en parlions, la Commission de Bruxelles préconisait la libre circulation : « Pas d'entrave à la libre circulation ». Plusieurs fois nous avons attiré l'attention des Pouvoirs Publics sur ce sujet.

En 1996, le débat que nous avons eu avec le ministre de l'Agriculture de l'époque était de dire : « Que fait-on ? Il faut changer la réglementation française » et, à l'époque, la réglementation de Bruxelles prescrivait le chauffage à 133°/20 minutes/3 bars.

Nous avons alors décidé, avec les Services du ministère de l'Agriculture, de prendre les devants. La France a été le premier pays à décider de n'introduire dans les fabrications de farines animales que des produits propres et notamment contrôlés par les vétérinaires à la sortie des abattoirs. Nous avons mis en place une gamme de produits à risques qui étaient à éliminer sous l'autorité des vétérinaires. Ne devaient entrer dans la fabrication que des produits propres notamment concernant les bovins. Pour les porcs et volailles, c'était différent. La législation était bien faite.

La France avait un système à double tour, tout d'abord l'élimination totale des produits à risques (les cadavres et les produits à risques sur les carcasses) et conjointement, un contrôle par les vétérinaires à la sortie des abattoirs ; ce devait être bon. Les autres pays de l'Union n'avaient adopté que le système du chauffage prescrit par l'Union Européenne et continuaient à mettre les cadavres dans les fabrications de farines de viande. J'étais assez confiant, car je pensais que la France avait un système à double tour qui devrait fonctionner.

A-t-il fonctionné ? Deux éléments sont à prendre en considération : un système d'investissements relativement importants a été mis en place dans les usines d'équarrissage et, d'après moi, comme habituellement, les investisseurs attendant les subventions publiques (qui tardent à arriver), les travaux ont été effectués en retard d'où sans doute certaines défaillances, mais encore faut-il le contrôler car je ne parle que d'éléments assez généraux. C'est le premier point. La mise en place du système et les investissements à réaliser.

Deuxième point : quand une réglementation est en place, les gouvernants, notamment le ministère de l'Agriculture et les services de l'Administration ont-ils pris tous les moyens pour l'appliquer ? Une fois édictée, il faut prendre ensuite les moyens de l'appliquer. C'est la D.G.C.C.R.F. et sous la direction des Services vétérinaires que les responsables appliquent.

J'ai été surpris quand sont sortis dans les journaux des articles concernant la fabrication des farines animales, sachant ce qui avait été mis en place en 1996 au niveau français, avec tout ce système à double tour : plus de produits à risques, plus de cadavres et, de l'autre côté, le système édicté par l'Union Européenne.

M. le Rapporteur - Estimez-vous que les Pouvoirs Publics n'ont pas exercé un certain nombre de leurs missions, à savoir n'y a-t-il pas eu des manquements de la part des Pouvoirs Publics et à quelle époque ?

M. Eugène Schaeffer - Je ne peux pas être affirmatif. Nous n'avons que quelques soupçons. Quand 2 ou 3 ans après 1996 des journaux ont évoqué l'introduction de déjections humaines dans les usines d'équarrissage, j'ai pensé que ce n'était pas possible, connaissant la réglementation.

M. le Rapporteur - La F.N.S.E.A. a déposé plusieurs plaintes contre X.

M. Eugène Schaeffer - Oui.

M. le Rapporteur - Sur quels arguments vous êtes-vous positionnés et quels étaient vos soupçons ?

M. Eugène Schaeffer - Il s'agissait de l'application de la réglementation. Dans les équarrissages, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais il fallait regarder de très près, car les journaux reprennent des scandales.

Au niveau de la fabrication des aliments tout a-t-il été respecté ? Depuis 1990, l'introduction de produits carnés était interdite dans les aliments. Cela relève des contrôles qui doivent être faits. Nous savons uniquement que des contaminations ont eu lieu.

Quant à s'interroger sur les contaminations notamment après 1996, je crois que trois points sont à soulever. A l'époque, il avait été décidé de supprimer totalement les farines animales dans les aliments pour bovins. Des contaminations croisées se sont-elles produites ? C'est possible. Souvenez-vous du tollé lors de la découverte d'une tolérance de 0,3 % du point de vue de la fabrication d'aliments ne devant absolument pas contenir de farines animales.

En 1996, nous en avions longuement parlé et le débat était le suivant : sur le terrain (c'est une explication que je peux vous donner), notamment dans les régions d'élevage bovine avec très peu de production porcine et volaille, il existait énormément de petites usines d'aliments, des privés, des personnes qui faisaient 20 000, 30 000 ou 40 000 tonnes d'aliments, toute une gamme pour porcs, volailles, bovins, ovins, à partir des aliments de démarrage.

Nous nous étions longuement interrogés afin d'obtenir une propreté absolue. Soit ces personnes enlevaient totalement les farines animales, car il n'existait qu'un seul circuit de fabrication et dans ce cas vous mélangez de nouveau les farines animales pour porcs et volailles éventuellement, et ensuite vous refaites un aliment pour bovins ; de ce fait, dans les trémies de mélange, les moulins et les camions servant au transport, il peut rester des résidus. Nous avions attiré l'attention sur ce point.

A notre avis, nous aurions dû nous sortir rapidement du 0,3 %, le temps de permettre aux usines de se repositionner, car les grandes usines autour de 100 000 tonnes auraient pu avoir deux circuits d'aliments (un circuit farines animales et un autre) et les petits, sur le terrain, aurait pu obtenir un délai de 3 ou 4 ans pour la suppression totale, de leur fabrication, des farines de viande.

Effectivement, dans ce cas, il existait un risque de contamination croisée. De plus, il faut le souligner, 50 % de l'aliment porcin est fabriqué à la ferme. Les farines de viande étant autorisées dans la fabrication du porc, si conjointement, le producteur avait à côté un atelier de vaches laitières avec les mêmes outils de fabrication à la ferme, il fabriquait l'aliment pour le porc et ensuite pour les vaches laitières ; il peut également exister un risque.

Le dernier risque est qu'en toute connaissance de cause -et dans ce cas, il s'agit plutôt de fraude- des producteurs aient pu donner de l'aliment pour porcs et volailles à leurs bovins, voire même pour d'autres, accidentellement.

Voilà les trois causes que l'on peut trouver concernant les contaminations croisées.

M. Garnotel - La F.N.S.E.A. a porté plainte dès 1996 au moment de l'apogée de la première crise de l'ESB avec ses associations spécialisées producteurs de lait et de viande bovine, en raison de soupçons, notamment sur la manière dont étaient traités les échanges d'animaux, de farines et d'aliments du bétail avec la Grande-Bretagne et parce qu'à l'époque l'étiquetage des aliments du bétail utilisés par les éleveurs étaient insuffisant ; de notre côté, nous avons demandé une transparence absolue sur l'étiquetage.

Je vous rappelle -pour nous être renseignés sur ce sujet- que c'est seulement en 1998 qu'a été apposée sur les sacs d'aliments du bétail, ou sur les bordereaux de livraison vrac, la mention « Cet aliment contient des produits protéiques interdits dans l'alimentation des ruminants ». C'était des aliments destinés aux porcs et aux volailles. Pendant un certain laps de temps, la puissance publique n'a pas réagi suffisamment tôt avant de mentionner ce que je viens de rappeler.

M. le Rapporteur - C'était l'argumentaire qui vous a permis de déposer des plaintes contre X. Où en sont-elles ?

M. Garnotel - Malheureusement, la justice française manquant de moyens, ces dossiers ont été classés pendant un certain temps. Ils ont resurgi avec la deuxième crise de l'ESB et, depuis lors, nous avons confirmé notre plainte et avons été reçus par le juge Boizette. Il faut également signaler que des fédérations départementales ont porté plainte et se sont portées partie civile dans les Vosges notamment et, aujourd'hui, nous percevons du côté de la justice, l'ambition et les moyens de traiter ce sujet.

De 1996 à pratiquement 1999, il s'est produit une sorte de léthargie que nous ne pouvons expliquer à notre niveau.

M. Eugène Schaeffer - Depuis 2 ans ou 3 ans, concernant la transparence et ensuite une séparation totale de tout ce qui est filière alimentation animale avec farines de viande et sans farines de viande, des problèmes se posaient sur le sujet, malgré tout ce qui était mis en place et la réglementation.

Nous avons estimé que la traçabilité et la séparation n'étaient pas totales et difficiles à respecter. Nous avons alors commencé à penser à l'éventualité d'interdire totalement tout ce qui est farines de viande aujourd'hui dans l'alimentation animale.

Voyant que la traçabilité ne fonctionnait pas et que des problèmes se posaient partout, que l'application de la réglementation et les contrôles étaient difficiles, nous avons estimé que, pour être clairs, notamment vis-à-vis des consommateurs, il fallait arrêter l'ensemble du système parce que nous ne parvenions pas, devant le consommateur, à nous justifier concernant la réglementation mise en place .

M. le Rapporteur - Concernant votre position en matière de substitution (le fameux plan protéines), avez-vous des informations récentes ? Nous avons eu l'occasion de voir M. Franz Fischler la semaine dernière, qui nous a annoncé qu'il n'était pas question, au niveau communautaire, de subventionner même momentanément ce type de production. Je me suis laissé dire il y a 24 heures que cela semblerait s'orienter plus positivement.

M. Eugène Schaeffer - Sur ce sujet, il est vrai que la commission est prise aujourd'hui dans sa politique de renégociation de localisation mondiale du commerce par rapport aux Américains. Franz Fischler et le commissaire Lamy ont dit plusieurs fois qu'il ne fallait pas trop bouger sur ce sujet, car cela risquait de compliquer les négociations.

M. le Rapporteur - Oléagineux, oui, mais pas protéagineux. Ils sont libres de l'accord de Blair House.

M. Eugène Schaeffer - Il faut séparer les oléoprotéagineux .Si nous voulons faire du soja, aujourd'hui le financement est largement au-dessous de l'aide qui est donnée et les primes aux oléoprotéagineux, dans 1 an, seront ramenées aux primes céréales dans les départements, ce qui est largement insuffisant. La commission l'a proposé pour tenter sortir de l'accord de Blair House pour demander que des aides supplémentaires ne soient pas accordées.

Pour faire des protéines, pour la plupart, la base est composée de tourteaux relevant de la fabrication de l'huile. Nous faisions du soja en Alsace et ma coopérative plantait du soja il y a une dizaine d'années. Nous le faisions triturer par des usines allemandes sur le Rhin, ce qui nous convenait parfaitement.

Le soja a été délaissé. Il faut le dire et être clair : il est possible de produire le soja, mais il faut déjà que le producteur s'y retrouve quelque part et que cela lui amène autant du point de vue revenu qu'un hectare de céréales. Si demain il produit du soja, une coopérative, un collecteur, achètera son produit et le même le vendra à une grande usine qui retirera l'huile, et les tourteaux et autres seront redonnés ou revendus au prix du marché mondial au producteur.

Tout ce qui est tourteaux à base d'huile passe tout d'abord dans la politique de fabrication des huiles et redevient protéines, que les grandes usines allemandes ou françaises revendront au même prix que le marché européen.

Ensuite, vient ce que l'on appelle la production de poids, qui sont des protéines pures. Il faut réfléchir sur ce qu'il est possible de faire. On a parlé de luzerne. La luzerne ou les trèfles seront pour les ruminants. Je n'ai jamais vu des porcs ou des volailles manger des farines de luzerne. Il ne peut s'agir que de produits à base d'oléagineux ; tous les tourteaux redeviennent des protéines ou des protéines pures mais, dans ce cas , il y a du travail à faire.

M. le Rapporteur - La F.N.S.E.A. exerce-t-elle un lobbying en direction de l'INRA pour mettre en place très rapidement des protéines de substitution, car la problématique se pose sur ce point également ?

M. Eugène Schaeffer - Les recherches ne datent pas d'aujourd'hui. Dans les instituts animaux, élevage du porc ou des volailles et à l'INRA, depuis 15 ans, (le fameux le boycott du soja américain), nous tentons de trouver des produits de substitution en protéines, au soja.

Nous procédons tous les ans à des essais de substitution d'autres produits par rapport au soja dans les aliments. Ce n'est pas facile, car le tourteau de soja est de loin le meilleur produit et détient à peu près la richesse en protéines des farines animales, car cela dépend de la richesse. Un colza, en protéines, a la moitié de la richesse du tourteau de soja. Ces aspects doivent être pris en considération.

Ensuite, dans une alimentation animale, vient l'appétence. Aujourd'hui, les tourteaux de colza posent problème, car l'aliment n'est pas appétissant. Tout un travail est à faire en y mettant le double du volume. Ce sont des travaux que nous menons et qui fonctionnent. Nous continuons à travailler sur le sujet. Pour produire des protéines ou des oléagineux pour en faire des tourteaux de protéines, les primes et toute la politique devront être complètement révisées, sinon nous n'y parviendrons pas. Une révision de la politique communautaire sur ce sujet est indispensable.

M. le Rapporteur - Quelle est votre analyse ? Nous sommes à l'aube d'un virage important de la réorientation de la politique agricole commune. N'êtes-vous pas inquiet de constater ou de voir que le balancier -c'est souvent ainsi que cela se passe en France et en Europe- risque d'aller vers le tout environnemental déjà amorcé avec les fameux C.T.E. ? Quelle est votre position sur ce point ?

M. Eugène Schaeffer - Notre position est très claire. Je vois partout aujourd'hui cette politique contre l'agriculture productiviste. Nous l'avons vu dans un journal, hier ou avant-hier.

La France n'est pas le dernier pays de l'Union -nous sommes même les premiers- à continuer à développer tous ses produits en politique de filières sous signe de qualité, que ce soit les labels rouges fermiers et les produits certifiés ou tracés mais à chaque fois avec un contrôle tiers, car aujourd'hui l'opinion, ou le consommateur, ne croit rien si ce n'est pas attesté par un contrôle. Il faut continuer. Les autres filières ou les filières bovines le font.

Ensuite, il faut être transparent. La non-transparence dans une filière, notamment les filières animales, est le problème de l'alimentation animale.

En passant devant un élevage, tout le monde voit le silo : « Que contient-il ? N'est-ce pas de la poudre de perlimpinpin ? » Il faut être transparent. Je l'ai déjà dit et je l'ai fait faire chez moi. Il convient de faire visiter des usines d'aliments, car ce n'est pas demain, en affichant un antiproductivisme, que l'on reviendra à une fabrication de tous les aliments à la ferme. Ce n'est pas possible. De nombreuses personnes estiment qu'il faut arrêter les usines d'aliments et produire les aliments à la ferme comme il y a 50ans. C'est impossible.

M. le Rapporteur - Qu'en est-il du Livre blanc ?

M. Eugène Schaeffer - La F.N.S.E.A. a sorti son Livre blanc sur lequel nous avons bien détaillé nos positions.

Même s'il est largement question de l'agriculture raisonnée que nous ne cessons d'initier, notamment avec tout le travail effectué sur le terrain pour changer de méthodes de production, y compris végétale, concernant l'emploi des nitrates et des fertilisants, des produits phytosanitaires dans l'agriculture, il faut faire évoluer -c'est déjà le cas dans de nombreux départements- les méthodes de production. C'est en cours et cela se fait.

Les produits sous signe de qualité : globalement, il faut être intransigeant sur la qualité sanitaire des produits. Sur ce point je réponds à un certain nombre de personnes, concernant l'agriculture productiviste : dans notre pays, au niveau de l'Union Européenne, il faut garder une agriculture compétitive.

75 % des produits alimentaires sont commercialisés par les grandes surfaces et, au vu de la façon dont elles mettent en compétition nos entreprises agro-alimentaires, que ce soit les productions végétales ou animales, celui qui n'est pas compétitif a des problèmes. La qualité est demandée, mais ensuite cela devient une question de prix. Si nous ne gardons pas une agriculture compétitive par rapport aux autres pays de l'Union Européenne, attention, le marché est libre. Regardez déjà tout le mal qui est fait au niveau de la compétitivité des fruits et légumes et des produits espagnols par rapport au Midi de la France. Nous nous sommes toujours battus sur une démarche qualité. Sur ce point, les Français sont les meilleurs.

Dans la production de volailles, environ 20 % de nos produits avec des poulets label sont sous signe de qualité reconnue et contrôlée. Aucun pays n'a cela. Il faut continuer dans ce domaine et ces démarches. Je suis producteur de mes poulets label, mais si à certains moments par rapport aux grandes surfaces les abattoirs de chez nous ont un prix supérieur aux autres, nous ne vendrons pas le produit, même sur les produits de qualité.

Nous débattons avec des personnes sur la compétitivité : si pour les produits alimentaires, le législateur change totalement le marché, les règles du marché ne sont plus les mêmes que pour les autres produits et il est alors possible d'agir. Tant que la compétitivité des produits existera... Il faut faire la part des choses. Ensuite ne parlons pas de l'organisation mondiale du commerce avec l'ouverture des frontières.

M. Gérard César - Concernant la politique de la F.N.S.E.A., nous avons parlé des protéagineux d'origine végétale. Que pensez-vous de la politique de jachère ? Continuerons-nous à la maintenir au niveau de l'Europe alors que nous allons manquer de protéines végétales ?

Une question d'actualité : que pense la F.N.S.E.A. de la proposition de la Commission Européenne d'augmenter le tonnage par rapport au retrait du marché, de façon à avoir pour objectif d'équilibrer le marché de la viande ?

Concernant la plainte que la F.N.S.E.A. a déposé (aussi bien les Fédérations), sur quels faits précis avez-vous pu déposer plainte au titre des parties civiles au niveau de ces problèmes ?

M. Eugène Schaeffer - Concernant les protéines, je pense que la situation est claire : dès la suppression totale des farines animales, nous avons demandé que les terres gelées puissent être mises en production pour la production de protéines végétales. Pour nous, c'était clair au niveau du Gouvernement et de Bruxelles. Nous avons bien insisté auprès du Gouvernement pour qu'il relaye ses demandes à Bruxelles, car c'est dans les mains de Bruxelles. Le gel des terres est acté par Bruxelles qui en définit le pourcentage. C'est une politique communautaire qui a dû être mise en place.

Concernant le plan de régionalisation, nous savons très bien qu'avec l'agenda 2000, les aides aux oléoprotéagineux doivent être ramenées aux aides des céréales.

Ce plan de régionalisation doit s'appliquer en 2002. Tentons de revoir immédiatement le système à Bruxelles, afin qu'il ne soit pas appliqué dans 1 an à cette politique d'oléoprotéagineux, au risque de faire disparaître la production. Disons au ministre aujourd'hui : « Plus de débat sur le plan de régionalisation, mettons d'abord en place avec vous et avec Bruxelles un véritable plan de développement et de production d'oléoprotéagineux, notamment pour nos productions animales en France et en Europe, sinon c'est à contresens ».

Nous en avons parlé ce matin. La situation est très négative, car la consommation ne reprend pas. Nous nous situons entre moins 30 % et moins 35 %. Nous ne voyons aucun signe de reprise ni le bout du tunnel et c'est en France que la crise dure le plus longtemps car c'est nous qui avons commencé et ensuite les pays de l'Union. Les producteurs sont mal et les aliments s'entassent dans les fermes.

J'ai rencontré précédemment dans une réunion un agriculteur qui devait commercialiser une centaine de jeunes bovins. Cela fait un mois qu'il doit les sortir. Il ne le peut pas et ils prennent du poids. Ils feront des carcasses de 460 kilos. De plus, il faut les nourrir tous les jours à tel point que, dans quelque temps, ils seront invendables et plus personne n'en voudra. Nous en sommes là.

De plus, au national, le système de retrait pour la destruction a été mis en place. Il fonctionne. Une grande partie des vaches laitières de réforme passe dans le système de destruction des farines pour être brûlée dans les cimenteries. Reste l'autre problème des animaux au-dessus de 30 mois, notamment parce qu'en France on ne mange à environ 80 % que des viandes femelles et très peu de viandes mâles. Les vieilles vaches pratiquement vont à la destruction en grande partie parce que le steak haché est complètement arrêté, et la valorisation des vaches d'un certain âge était le steak haché.

Tous les animaux femelles au-dessus de 30 mois vont dans la consommation avec des prix au rabais de 2, 3 ou 4 F au kg. Cela pose un énorme problème et ensuite même dans ce que l'on appelle les femelles charolaises de type viande, aujourd'hui un problème de valorisation des quartiers avant se pose, parce que l'on ne mange que des quartiers arrière, les produits nobles, et que personne ne veut des quartiers avant.

Compte tenu que ces produits allaient dans le steak haché et ce dernier étant pour le moment pratiquement condamné, il n'existe pas de valorisation, à tel point que l'on se demande si les quartiers avant de vaches charolaises ne vont pas passer à la casse car, à force de les entasser dans les frigos, nous ne savons plus quoi faire.

Il existe une politique pour tenter de relancer le steak haché, mais il faut reconquérir la confiance du consommateur dans une traçabilité totale.

Le troisième point est beaucoup plus difficile : le problème des jeunes bovins. La France a un troupeau allaitant très important (le plus grand d'Europe). Nous avons de loin 70 % en subventions et en primes communautaires pour les vaches allaitantes. Il existe encore des vaches allaitantes en Irlande et éparses dans d'autres pays de l'Union où la production de viande vient de la production laitière, avec des races mixtes comme, en Bavière, des Pieds Rouges et autres.

Les jeunes bovins qui sont les mâles de nos races à viande étaient exportés pratiquement sur les pays de l'Union à 80 %. Compte tenu que les frontières sont totalement fermées et que les Français n'en mangent pratiquement pas car ils consomment à 80 % des viandes femelles, ces animaux s'entassent dans les étables et posent un sérieux problème.

Les éleveurs me disent qu'ils ont des animaux qui devaient être vendus depuis 1 mois ou 6 semaines et dont ils ne savent que faire. Se pose le retrait de ces animaux. J'ignore ce que la commission en pense.

Le problème final : je ne sais pas comment nous nous en sortirons concernant le cheptel français : par exemple si nous recalons la consommation dans 1 an, moins 15 ou moins 10 font 10 à 15 % du volume en moins. Il faut une politique de réadaptation de la production au marché.

Que va-t-on arrêter éventuellement comme producteurs et comme éleveurs avec ensuite la fermeture des entreprises, des abattoirs et de tout ce qui tourne autour, à savoir des personnes se trouvant en sérieuses difficultés ? C'est la sortie du tunnel. Quand la consommation reprendra, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une politique d'intervention permanente dans les frigos.

Tout le monde hésite.

Concernant cette situation, Bruxelles n'a pas de politique. Le Commissaire Fischler l'a déclaré (je l'ai vu au Parlement Européen) : « J'avais de l'argent disponible et maintenant je n'en ai plus. Je l'ai dit au Conseil des ministres qui m'a dit de me débrouiller. Je n'ai plus de fonds de tiroirs à ratisser ».

Il a également déclaré : « Ce n'est pas moi qui proposerai de prendre de l'argent, par exemple sur les primes céréales, pour la viande bovine. Cela relève d'une décision du Conseil des ministres de l'Agriculture et avec un aval du ministre des Finances ; j'attends les décisions politiques ».

A Bruxelles, nous ne sommes plus d'accord sur une certaine politique agricole et compte tenu du fait qu'avec les Allemands et d'autres pays de l'Union, cela pose problème, nous sommes dans une impasse budgétaire.

M. Fischler a déclaré : « Je ne suis pas contre les aides nationales, les gouvernements n'ont qu'à faire les demandes à la commission et nous veillerons qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrences communautaires ».

M. le Rapporteur - La F.N.S.E.A. a-t-elle fait du lobbying vis-à-vis du Gouvernement pour dégager certaines lignes budgétaires ?

M. Eugène Schaeffer - Hier a eu lieu une réunion avec nos responsables et le ministre de l'Agriculture où ces propositions ont été faites. Le grand problème : pas un centime d'indemnisation n'est arrivé aux producteurs.

M. Garnotel - M. Glavany doit faire des propositions demain au niveau national suite à la réunion d'hier. Il n'a pas dévoilé ses idées. Ce seront des aides limitées puisque l'essentiel de l'organisation des marchés est de compétence européenne.

Je reviendrai très brièvement sur le plan protéines : la solution de mettre en culture les jachères en production oléoprotéagineuses est une excellente solution. M. Fischler a déclaré devant le Parlement Européen que l'on pourrait ouvrir ces jachères en plus des cultures industrielles qui fabriquent des bio-carburants à des fourrages pourvu qu'ils soient conduits en mode bio. C'est sans doute trop réducteur, car l'agriculture biologique en France est peu développée, le marché en face l'étant peu lui-même. Il faudra pousser un peu pour aller plus loin.

Concernant la nature de la plainte déposée par la F.N.S.E.A. je lirai deux paragraphes de la lettre que nous avons envoyée le 23 juillet 1996 au Procureur de la République : « Au nom des organisations que nous présidons, nous avons l'honneur de présenter la présente plainte pour tromperie, falsification, propagation d'une épizootie et introduction sur le territoire de denrées d'origine animale ne répondant pas aux conditions sanitaires etc.... ».

Notamment, les Pouvoirs Publics français n'ont pas pris les mesures suffisamment rapidement pour interdire l'importation en France de certaines farines fabriquées au Royaume-Uni.

On peut reprocher au Royaume-Uni d'avoir continué à vendre des farines alors qu'elles étaient interdites dans les élevages du Royaume-Uni. C'est une grande responsabilité des Pouvoirs Publics.

M. le Président - C'est une plainte contre qui ? Contre X ?

M. Garnotel - Une plainte contre X. Nous nous sommes portés partie civile. Nous n'avions pas d'institution à désigner.

M. le Rapporteur - Vous avez parlé de vente de farines à partir du Royaume-Uni. Avez-vous des preuves de ce que vous avancez, des tonnages ou des destinations ?

M. Eugène Schaeffer - Non. Nos services ne donneront pas de preuves.

M. Garnotel - La Confédération Paysanne a commis des actions qui ont permis d'accéder à certaines informations ; cela n'a pas été notre politique. Nous avons des soupçons.

M. Eugène Schaeffer - Des soupçons ne sont pas des preuves.

M. Georges Gruillot - J'avais lu hier ou ce matin, dans la presse, la position que l'Europe paraît vouloir prendre en matière agricole concernant l'agriculture biologique. C'est l'un des problèmes qui nous soucient. Vous-même F.N.S.E.A. avez clairement exprimé votre position en direction de la qualité sanitaire. Quelle est votre position vis-à-vis de l'agriculture biologique quand, conjointement, vous défendez la qualité sanitaire ? Pensez-vous que ces deux éléments sont conciliables ?

M. Eugène Schaeffer - Nous sommes totalement pour l'agriculture biologique. Il est vrai que la qualité sanitaire concernant les produits doit être totalement respectée ; il n'en est pas d'autres et, dans un débat qu'il faut poursuivre pour l'agriculture biologique, le consommateur ne doit pas être déçu au niveau des produits.

Le consommateur cherche à retrouver un produit plus naturel et plus sain mais également au goût différent. Aujourd'hui, l'agriculture biologique est une production sous signe de qualité, un cahier des charges doit être respecté et contrôlé pour ensuite permettre d'apposer le signe de qualité « agriculture bio » sur le produit.

Sur les labels rouges fermiers, viandes ou d'autres produits, il existe un cahier des charges avec toutes les démarches de production, d'élevage et autres, mais derrière le label rouge, il existe une politique de qualité gustative. Ce sont des produits qui obligatoirement, comme les vins, sont soumis à qualité gustative (les volailles labels ou les viandes labels rouges) dans des endroits tout à fait neutres et nous avons les résultats régulièrement.

J'ai proposé ceci aux agriculteurs : « Vous avez une agriculture bio qui repose sur des méthodes de production, mais pourquoi ne voulez-vous pas entrer, comme pour les labels rouges fermiers, dans des systèmes de dégustation des produits pour travailler les deux ? » Les méthodes de production, les qualités sanitaires mais également travailler la qualité gustative, car cela se travaille. Regardez sur les viandes, notamment les poulets, il existe une très grande différence de goût entre un poulet de type standard et un poulet label rouge.

Il serait possible d'entrer, pour les bio, dans une politique de dégustation des produits afin d'améliorer la qualité gustative. C'était une démarche et, pour le moment, nous n'y sommes pas.

Nous y sommes favorables, mais ce qui est mentionné dans les cahiers des charges doit faire l'objet de contrôles, car je crois beaucoup aux contrôles mais des contrôles de type scientifique réalistes.

M. Georges Gruillot - Considérez-vous qu'ils existe des produits ayant suffisamment de qualités sanitaires dans l'agriculture biologique pour les communiquer aux consommateurs ? A leur niveau, aujourd'hui en France, il existe une sorte de tromperie, car les consommateurs considèrent que, quand c'est bio, la qualité sanitaire est forcément satisfaisante. Aujourd'hui nous n'en sommes pas là.

Il ne faudrait pas que la Fédération des exploitants prenne ce créneau sans mettre en garde les personnes qui se lancent dans le bio. Le bio ne signifie pas qualité si l'on n'améliore pas le sanitaire.

M. Eugène Schaeffer - Vous avez raison. Il faut améliorer le sanitaire sur le bio. Il faut que les bio acceptent -nous le faisons maintenant- un travail de recherche scientifique, l'amélioration des méthodes de production, tout ce qui est derrière et que l'on s'engage dans ce système.

Je suis persuadé qu'il existe un marché mais il doit être sérieux, sans accidents -car ils peuvent arriver- et que l'on écoute les scientifiques dont un certain nombre nous ont dit que les produits et les animaux étaient malades. Il faut les traiter, car ils sont soumis aux grandes maladies, et continuer à effectuer les vaccinations sur un certain nombre d'animaux.

Il faut également faire en sorte que, dans le bio, les animaux et les plantes restent saines jusqu'au consommateur, car une maladie sur un animal ou sur un produit peut lui être néfaste. Il faut continuer à travailler ce point. Il y a beaucoup de travail à faire du point de vue recherche. La qualité sanitaire des produits doit être irréprochable.

M. Gérard César - Dans votre propos, vous avez évoqué les irrégularités que vous avez pu constater dans la fabrication des farines. Pouvez-vous être plus précis ?

M. Eugène Schaeffer - Il est difficile d'être précis. Nous n'avons pas de preuves à l'appui. Nous constatons le résultat : par rapport aux interdictions et réglementations édictées, les contaminations ont continué. Je ne peux pas en dire plus.

Il n'est pas possible d'accuser des personnes, ou tel ou tel, d'avoir importé. Je sais que les noms de grands fabricants ont été cités. Nous n'avons aucune preuve formelle. Il faut faire attention sur ce sujet. Encore faut-il pouvoir prouver. C'est à la justice de le faire.

M. le Président - A part les grands Groupes, des éleveurs et peut-être vous-même également, avez fabriqué des aliments à partir de vos produits, mais vous avez acheté des condiments que vous avez ajoutés. Aviez-vous des renseignements suffisants sur leur composition ?

M. Eugène Schaeffer - Pour la plupart, qu'achetons-nous ? Quand nous fabriquons les aliments à la ferme, nous disposons des céréales. Nous achetons les protéines, il peut s'agir de soja ou d'un autre tourteau, un tourteau d'arachide, et vous pouvez acheter des farines animales.

Compte tenu qu'une personne pouvait fabriquer à la ferme pour deux productions, l'une de porcs où elle mettait des farines animales et une autre laitière, où elle ne pouvait pas en mettre, cela pouvait produire des contaminations croisées. Ensuite le complexe vitamines et minéraux était ajouté (ces complexes sont achetés par des fabricants de complexes de vitamines et de minéraux) et je ne prétends pas que, sur les fermes, des accidents n'aient pas pu se produire quelque part.

Le fait de préconiser la fabrication des aliments à la ferme n'est pas sans danger. Une usine d'aliments peut être contrôlée alors que, pour chaque fabricant à la ferme, cela reste une question de confiance.

M. le Président - Nous vous remercions d'avoir accepté de venir témoigner et nous espérons que la situation s'arrangera du point de vue de la reprise de la consommation.

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