B. PAR CONTRASTE, CETTE ÉTUDE SOULIGNE LES CARENCES DE L'INFORMATION ÉCONOMIQUE EN FRANCE

Par contraste la situation de la France en matière d'information économique semble moins satisfaisante .

En effet, les administrations dépendant de l'exécutif concentrent en France l'essentiel de l'expertise économique appliquée à la décision publique et monopolisent certaines données statistiques nécessaires à l'évaluation des politiques publiques, comme les fichiers de données fiscales.

Les administrations économiques françaises sont moins transparentes . Leurs experts sont peu accessibles et une part significative de leurs travaux n'est ni publiée, ni transmise au Parlement. L'exercice du droit d'accès aux documents administratifs de portée générale apparaît de facto beaucoup plus limité qu'aux États-Unis.

L'image et la crédibilité de certains services d'études et de statistiques ministériels français est parfois brouillée par les modalités de publication de leurs travaux. Certaines statistiques sont ainsi commentées par des responsables politiques avant même d'avoir été publiées. D'autres sont présentées à la presse par le ministre et immédiatement accompagnées de commentaires politiques.

L'information disponible sur les administrations publiques présente des lacunes importantes, ce qui entrave la volonté de réforme de l'Etat.

Enfin, la mobilité des économistes entre institutions est beaucoup plus réduite qu'aux États-Unis, ce qui conduit à un cloisonnement de l'expertise.

Au premier abord la combinaison de certaines de ces caractéristiques semble d'ailleurs paradoxale : dans un monde idéal, si les administrations d'État concentraient l'expertise économique, elles devraient à tout le moins la mettre à disposition du Parlement, des collectivités locales et du grand public.

Or tel n'est pas le cas.

En fait, l'exemple des États-Unis suggère a contrario que ces caractéristiques sont étroitement liées : l'ampleur et la qualité de l'offre d'expertise émanant des administrations d'État, le monopole de certaines données et la faiblesse des transferts de technologie entravent ainsi le développement des capacités d'expertise économique indépendante.

Ce contraste entre la France et les États-Unis reflète pour partie des différences constitutionnelles et culturelles, notamment des visions différentes du rôle de État.

Ce contraste s'explique aussi par des différences de moyens : la dimension et la richesse des États-Unis favorisent, toutes choses égales par ailleurs, le pluralisme de l'information.

Pour autant, l'étude de l'information économique aux États-Unis suggère que la France dispose certainement de marges de progrès en matière d'information économique.

Cette conclusion est d'ailleurs confortée par l'étude rétrospective des préconisations et des espoirs formulés en 1979 par MM. René Lenoir et Baudoin Prot dans un rapport commandé par le Président de la République.

En effet, vingt ans après, les ambitions du rapport Lenoir-Prot de 1979 sont largement inabouties

Certes, la France jouit aujourd'hui d'un plus grand pluralisme en matière de prévisions et d'analyses macro-économiques, mais elle connaît aussi un manque évident de contre-expertise indépendante des administrations dans des domaines aussi essentiels que l'éducation, la fiscalité, l'analyse micro-économique, les politiques sociales, l'évaluation des politiques publiques.

Ce manque de contre-expertise indépendante nuit à la qualité des débats politiques et sociaux et restreint l'éventail des préoccupations prises en compte. Il freine les progrès de l'analyse économique : le pluralisme et la concurrence des experts sont en effet source de progrès.

Ce manque de pluralisme est également préjudiciable aux administrations d'État elles-mêmes . D'un côté, leurs analyses portent souvent un « poids » politique trop élevé. De l'autre, elles sont parfois sujettes à une certaine suspicion.

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