C. DES « BOMBES À RETARDEMENT » BUDGÉTAIRES

1. Les retraites de la fonction publique

Les fortes évolutions démographiques affectant la fonction publique - la moitié des fonctionnaires actuellement en poste va partir à la retraite d'ici 2012 - et l'immobilisme dangereux du gouvernement sur ce dossier sont à l'origine de l'explosion programmée du coût des pensions.

Cette année, 50.500 fonctionnaires civils devraient partir à la retraite, puis 55.100 en 2002, soit une progression de plus de 9 % en un an, cette tendance allant s'accentuer par la suite puis se stabiliser pendant plusieurs années. La charge budgétaire correspondante va donc très fortement augmenter.

Cette évolution explique déjà en partie la forte dynamique propre des dépenses de fonction publique. Ainsi, en supposant inchangé le rythme moyen des créations d'emplois depuis 1997, la charge supplémentaire d'ici 2005 par rapport à 2001, serait proche de 46,2 milliards de francs, dont 21,6 milliards de francs au titre de la progression de la masse salariale, et 24,7 milliards de francs au titre de la progression des pensions. D'ici 2010, la charge supplémentaire serait de 111 milliards de francs, soit 44,8 milliards de francs au titre de la progression de la masse salariale, et 66,2 milliards de francs au titre des pensions. Pour chacune de ces projections, les pensions expliquent, et dans une proportion croissante dans le temps, la progression des dépenses de fonction publique. Une stabilisation des effectifs civils à leur niveau de 2001 ne changerait rien à la hausse prévue des dépenses de pension : elle est donc d'ores et déjà programmée.

2. Les emplois-jeunes : que deviendront-ils ?

Les emplois-jeunes représentent un coût budgétaire considérable, passé de 8 milliards de francs en 1998 à plus de 22 milliards de francs en 2001.

Comme le note le gouvernement dans son rapport pour le présent débat d'orientation, « les économies [sur les crédits de l'emploi] ont contribué au financement des emplois-jeunes [...] pour un stock moyen de 238.000 contrats prévu en LFI 2001 », qui est en-dessous de l'objectif initial de 350.000, soit des dépenses potentielles supplémentaires de plus de 10 milliards de francs.

Ce phénomène est illustré par le tableau ci-dessous :

Évolution des interventions en faveur de l'emploi
à structure constante 2001

(en milliards de francs)

1998

1999

2000

2001

Variation
1998-2001

Insertion des publics en difficulté
(CES, CEC, CIE)

38,4

35,1

31,4

29,4

-23,4%

Emplois jeunes

8,1

13,9

21,3

22,0

171,6%

Formation professionnelle

21,1

22,9

22,6

23,1

9,5%

Fonds national de l'emploi
(ASS, Al)

8,9

9,1

9,2

8,3

-6,7%

ANPE

5,2

5,8

6,4

6,9

32,7%

Préretraites

15,6

10,7

8,6

6,3

-59,6%

Exonérations de cotisations sociales

2,9

2,9

2,9

4,0

37,9%

Investissements

0,4

0,5

0,5

0,4

0,0%

Interventions en faveur de l'emploi

100,6

100,9

102,9

100,4

-0,2%

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Ce que le gouvernement appelle les « redéploiements » au sein du budget de l'emploi se traduit par le fait que, comme l'indique l'OFCE dans l'étude réalisée à la demande de votre commission des finances, « depuis le retour au pouvoir de la gauche, les dispositions d'aide à l'emploi dans le secteur privé ont été fortement réduites, au profit d'emplois dans le secteur non marchand ».

Combien y a-t-il d'emplois-jeunes selon l'OFCE ?

Dans l'étude susmentionnée, l'OFCE tente de comptabiliser le nombre d'emplois-jeunes effectivement en poste, ce qui n'est guère aisé, comme le Sénat l'avait du reste relevé à l'occasion de l'examen du dernier projet de loi de finances.

« Fin avril 2001, 277.000 emplois-jeunes avaient été créés : 35 % des postes étaient des emplois de l'Etat, 30 % dans les associations et 35 % dans les collectivités locales et les entreprises publiques. Au total, 312.000 jeunes étaient passés par le dispositif, plusieurs personnes pouvant s'être succédées sur un même poste. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 350.000 fin 2001. Au milieu de l'année 2000, les emplois effectivement occupés (« présents en fin de mois ») comptabilisés par le bulletin mensuel des statistiques du travail représentaient seulement 75 % des emplois créés. Si l'objectif de 350.000 embauches était atteint fin 2001, on peut donc penser que cela correspondrait à 240 à 250.000 postes occupés. Un chiffre de 215 à 220.000 paraît plus réaliste : fin avril 2001, les postes effectivement créés peuvent être estimés à 208.000 et les créations d'emplois ont fortement ralenti au début de l'année (augmentation de 2,6 % sur les trois derniers mois). Compte tenu des statistiques disponibles, il est impossible de connaître la répartition des postes effectivement occupés. On a supposé que la répartition était la même que celle des emplois créés. Fin 2001, on peut donc faire l'hypothèse qu'il y aura environ 75.000 postes occupés dans la fonction publique d'Etat et 140.000 dans les associations, collectivités locales et entreprises publiques ».

Votre commission éprouve de légitimes inquiétudes quant au devenir des emplois-jeunes. Le gouvernement a très récemment présenté son plan de pérennisation des emplois-jeunes - ou de « consolidation » selon la dénomination qu'il a retenue - pour lequel il a subi de fortes pressions de sa majorité mais aussi des syndicats afin d'en intégrer le plus grand nombre possible dans la fonction publique. Il apparaît que les craintes de votre commission sont avérées, puisque le dispositif va coûter plus longtemps que prévu au budget de l'Etat.

Des emplois-jeunes « consolidés », des dépenses pérennisées

Le 6 juin 2001, la ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Élisabeth Guigou, a annoncé le plan de consolidation des emplois-jeunes. « Ce programme doit continuer sur sa lancée » a-t-elle affirmé, estimant qu'il avait rempli les deux objectifs qui lui avaient été assignés : la réduction du chômage des jeunes et la création d'activités nouvelles d'utilité sociale. La ministre a également annoncé la création de 10.000 nouveaux postes d'emplois-jeunes en 2002 dans les collectivités territoriales et les associations.

Par ailleurs, le gouvernement affirme vouloir assurer une perspective professionnelle aux jeunes sortant du dispositif, et consolider les emplois créés. Les mesures permettant de réaliser ces objectifs -prolongation des contrats, formation plus importante, préparation à des concours administratifs dits « de troisième voie », aide à certaines associations et collectivités territoriales- se traduiront par un coût de 105 milliards de francs sur les 5 prochaines années (2002-2006) , alors que la reconduction du dispositif actuel coûterait 65 milliards de francs sur cette même période, soit des dépenses supplémentaires à hauteur de 40 milliards de francs .

Enfin, si, selon le gouvernement, les intégrations d'emplois-jeunes « n'engendreront pas de créations d'emplois budgétaires supplémentaires », l'OFCE indique dans son étude précitée que « la titularisation de 75.000 emplois-jeunes de la fonction publique d'Etat correspondrait à 4,4 % d'augmentation des effectifs et coûterait 9 milliards de francs ».

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