DEUXIÈME PARTIE

CONSTATATIONS EFFECTUÉES

CHAPITRE 1

MÉTHODOLOGIE EMPLOYÉE

L'objet de ce rapport est de viser l'ensemble des acteurs contribuant à la taxe sur les salaires afin d'analyser de manière générale les problématiques soulevées par cette taxe.

A cet effet, une liste d'acteurs représentatifs a été établie en accord avec les administrateurs de la commission des finances du Sénat 36 ( * ) .

Les organismes de cette liste ont par la suite été contactés : au cours d'entretiens libres, ils ont pu émettre des avis ne reflétant pas la position des organismes officiels sur le sujet.

Afin de préparer au mieux ces entretiens, un questionnaire spécifique a été élaboré 37 ( * ) permettant d'obtenir par secteurs un panorama des problématiques soulevées par la taxe sur les salaires.

CHAPITRE 2

CONSTATATIONS GÉNÉRALES

La cohérence économique du dispositif de 1968 n'est sans doute plus justifiée à l'aube du 21 ème siècle, c'est à dire dans un contexte où la crise du chômage préoccupe d'avantage que les performances des entreprises à l'exportation ou aux livraisons intra-communautaires.

De même, l'efficacité toute relative sur le marché de l'emploi des bonnes performances de l'économie française par rapport aux marchés extérieurs peut faire douter de la pertinence d'une taxe qui consiste à renchérir le coût du travail.

Cet élément d'opportunité, étayé par les constatations exposées ci-dessous, ne prévaut certes pas sur l'intention du législateur mais doit être sérieusement pris en compte dans le cadre d'une réforme sur la taxe sur les salaires.

I. UNE TAXE UNIQUE EN EUROPE

Selon un rapport de l'OCDE paru en 2000 38 ( * ) , quatorze pays de l'OCDE déclarent des recettes des taxes sur les salaires (sous la rubrique 3000, c'est-à-dire des taxes qui ne servent pas à financer les programmes de sécurité sociale 39 ( * ) ) : Australie, Autriche, Canada, République tchèque, Danemark, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Corée, Nouvelle-Zélande, Pologne et Suède.

Cependant, la taxe sur les salaires française (c'est-à-dire un impôt d'Etat ayant un caractère progressif et frappant les traitements et salaires versés par certains employeurs) parait sans équivalent dans les autres Etats membres de l'Union Européenne 40 ( * ) .

A cet égard, elle constituerait un handicap fiscal sérieux face à la concurrence européenne, notamment pour le secteur bancaire et le secteur de l'assurance.

II. UNE TAXE CONTRAIRE AUX PRINCIPES DE LA SIXIÈME DIRECTIVE TVA ?

Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes 41 ( * ) interprétant les dispositions de l'article 33 de la 6 ème directive du Conseil du 17 mai 1977 (qui ont une force supérieure à celle de la loi nationale), l'article 33 de la 6 ème directive "a pour but d'empêcher que le fonctionnement du système commun de TVA soit compromis par des mesures fiscales d'un Etat membre grevant la circulation des biens et services d'une manière comparable à celle qui caractérise la TVA". Il ressort en effet du libellé de l'article 33 que les Etats membres ne peuvent maintenir ou introduire des taxes qui présentent le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.

Sur ce fondement, un certain nombre de recours ont eu lieu devant la CJCE 42 ( * ) , donnant lieu notamment à la précision de ce qu'il faut entendre par "droits ou taxes ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires". Il s'agit en effet d'une taxe qui n'est pas nécessairement semblable à la TVA mais qui en présente les caractéristiques essentielles 43 ( * ) .

Ainsi la Cour a précisé 44 ( * ) , les caractéristiques "d'une taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffres d'affaires" :

- ce type de taxe s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services ;

- elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services ;

- elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution ;

- enfin, elle s'applique sur la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente.

Il pourrait dès lors être pertinent de s'interroger sur la conformité de la taxe sur les salaires au regard de l'article 33 de la sixième directive.

Conformément à l'article 231-1 du code général des impôts, l'assiette de la taxe sur les salaires est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total.

Il en résulte que, concernant les assujettis partiels (particulièrement les banques et les sociétés d'assurance), au regard des salaires ayant contribué à la fourniture d'opérations exonérées de TVA, la taxe est perçue en remplacement de la TVA, les salaires constituant, en effet, un élément de la valeur ajoutée incluse dans leur montant.

Cette taxe pénalise par voie de conséquence, la circulation des services correspondant aux opérations exonérées en remettant en cause leur exonération qui résulte notamment du a) 45 ( * ) et du d) 46 ( * ) du B de l'article 13 de la 6 ème directive précitée. La taxe sur les salaires fausse ainsi le mécanisme de l'option pour l'assujettissement à la TVA tel qu'il est prévu au b) du C du même article.

En outre, la taxe sur les salaires est d'une part perçue sur les opérations intra-communautaires, en infraction aux règles de territorialité de la TVA telles qu'elles résultent de l'article 9 (2) e de la 6 ème directive précitée. D'autre part, elle n'est pas perçue pour les opérations extra-communautaires dès lors que ces opérations, bien qu'exonérées de TVA, ouvrent droit à déduction de la TVA du c) du 3 de l'article 17 de la sixième directive. Cette particularité démontre bien que la taxe sur les salaires a été conçue pour exercer un effet économique de substitution à celui de la TVA.

Ce contentieux est novateur dans son principe. La solution donnée par le juge sera intéressante à examiner, compte tenu des principes déjà retenus en la matière par la CJCE.

* 36 Cf. liste en annexe II. A)

* 37 Cf. guide de questions en annexe II. B)

* 38 Taxing wages, les impôts sur les salaires en 1998-1999, OCDE, Paris, 2000.

* 39 Les taxes sur les salaires servant à financer les programmes de sécurité sociale sont classifiés sous la rubrique 2000 alors que toutes les autres taxes sur les salaires sont classifiés sous la rubrique 3000 (tel est le cas de la France).

* 40 Selon le rapport du Sénat n°52, rapp. Alain Lambert, 1996-97, "Banques : votre santé nous intéresse", p. 93.

* 41 Arrêt CJCE, 13 juillet 1989, aff. 93 et 94/88, Wisselink du 13 juillet 1989, point n° 17; recueil 1989-7, p. 2671 ; RJF 11/89, n° 1298.

* 42 CJCE 17 septembre 1997, aff. 347/95, 5e ch., UCAL : RJF 12/98 n° 1519 ; CJCE 17 septembre 1997, aff. 28/96, 5è ch., Fricarnes : RJF 12/98 n° 1519 ; CJCE 16 décembre 1992, aff. 208/91, 6 e ch., Beaulande : RJF 03/93, n° 471 ; CJCE 31 mars 1992, aff. 200/90, Plén., Dansk Denkavit et P. Poulsen Trading : RJF 06/92, n° 925. ; CJCE 7 mai 1992, aff. 347/90, 6e ch., Aldo Bozzi : RJF 11/92, n° 1594; CJCE19 mars 1991, aff. 109/90, 4e ch., Sté NVP. Giant c/Commune d'overijse : RJF 07/91, n° 1030.

* 43 Aff. Plén., Dansk Denkavit et P. Poulsen Trading.

* 44 Aff. Fricarnes.

* 45 Activités d'assurance.

* 46 Activités bancaires et financières.

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