C. UN ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE À PARFAIRE DANS TOUS LES TRIBUNAUX D'INSTANCE

Comme l'ensemble des juridictions, les tribunaux d'instance ont été progressivement informatisés. Ainsi, depuis la fin de l'année 2000, toutes les juridictions disposent d'un ordinateur ayant accès à Internet. Cependant, l'informatisation des tribunaux d'instance est loin d'être achevée.

D'abord, certains ordinateurs sont très vétustes. Ensuite, il est surprenant de constater que tous les postes de travail des tribunaux d'instance ne disposent pas du logiciel de calcul Excel alors que tous les agents sont amenés à effectuer des tableaux, à comptabiliser les procédures et à classer un nombre important de données.

De même, il est urgent que tous les ordinateurs soient équipés du logiciel de traitement de texte Word, beaucoup plus maniable que « Word perfect », pourtant imposé par la Chancellerie, qui pose en outre des problèmes de compatibilité en cas d'échange de documents, tous les interlocuteurs des juridictions travaillant sous Word.

Par ailleurs, certaines opérations ne sont toujours pas informatisées comme la procédure de succession ou les partages judiciaires, ce qui ralentit considérablement les phases de traitement.

Ensuite, certains logiciels ne donnent pas entière satisfaction. Ainsi, le logiciel « tuti » relatif aux tutelles ne permet pas de vérifier si le compte de gestion a été déposé. De même, le logiciel du registre du commerce ne peut pas être lié à Excel alors qu'il est censé permettre de tenir la comptabilité.

D'une manière plus générale, les logiciels destinés aux tribunaux d'instance pêchent par l'impossibilité qui existe de les faire évoluer. Ainsi, il n'est pas possible d'intervenir dans les paramètres pour les adapter aux pratiques de chaque juridiction ou encore les adapter à une modification de la législation en vigueur.

Les logiciels des autres juridictions que les tribunaux d'instance sont beaucoup plus souples. En effet, ils ont été conçus par des sociétés privées puis rachetés par la Chancellerie. Toutefois, les concepteurs restent chargés des évolutions des logiciels. Celles-ci interviennent donc rapidement.

Au contraire, les logiciels des tribunaux d'instance sont directement conçus par les informaticiens de la Chancellerie. Les délais de réaction pour effectuer les évolutions sont donc plus longs dans la mesure où il n'y a aucun intéressement financier : ils sont réalisés lorsqu'un arbitrage intervient en leur faveur.

D. LA GESTION DES TUTELLES : UNE BOMBE À RETARDEMENT

Les tribunaux d'instance sont chargés de la gestion des tutelles sur les majeurs incapables et sur les mineurs. En raison du vieillissement de la population, ce type de procédure tend à prendre une place croissante dans l'activité des juridictions.

Activité des tribunaux d'instance en matière de tutelles (majeurs et mineurs)

Tribunal d'instance

Nombre de dossiers ouverts

Nombre de dossiers en cours d'année

Nombre d'agents

Nombre moyen de dossiers en cours *

COLMAR

359

2.080

2,55

2.036

MUNSTER

18

124

0,25

120

GUEBWILLER

134

935

1,80

919

RIBEAUVILLE

47

225

0,40

223

KAYSERSBERG

56

225

0,60

243

STE MARIE AUX MINES

40

216

0,55

217

MULHOUSE

604

2.056

3,13

2.146

ALTKIRCH

88

809

1,00

803

HUNINGUE

52

369

0,40

347

THANN

139

1.021

0,88

1.032

TOTAL

1.537

8.060

11,56

8.086

Source : Cour d'appel de Colmar

* total dossiers encours en fin de chaque trimestre/4.

Il s'agit d'affaires délicates qui requièrent beaucoup de temps afin d'évaluer correctement chaque situation et de trouver la solution la plus humaine possible. Le juge doit également s'assurer de la qualité et de l'honnêteté des associations et des chargés de tutelle, même s'il revient désormais au greffier en chef de vérifier les comptes de gestion.

Votre rapporteur spécial a constaté une grande inquiétude de la part des juges et des greffiers en chef concernant la gestion des tutelles. Plusieurs reproches ont ainsi été faits au dispositif actuel.

D'abord, les greffiers en chef ont rappelé que le rapport Favard 15 ( * ) préconisait de consacrer 50 minutes par dossier ou par compte en moyenne à la vérification des comptes et de transférer cette tâche du magistrat au greffier en chef. Pourtant, non seulement cette nouvelle activité n'a pas été prise en compte par la Chancellerie dans la charge de travail des greffiers en chef, mais en plus cette dernière n'a mis à leur disposition aucune procédure leur permettant de s'acquitter convenablement de leurs fonctions. Or, les comptes à vérifier sont de plus en plus complexes en raison de la diversification des patrimoines et les greffiers en chef sont parfois dans l'incapacité d'évaluer la pertinence des choix de gestion des gérants de tutelle et de découvrir d'éventuelles malversations.

En outre, lorsque les comptes sont vérifiés, les greffiers en chef ne peuvent prendre aucune décision et doivent se contenter de transmettre le dossier au juge. Paradoxalement, la loi leur fait porter une responsabilité financière alors que leur marge de manoeuvre est limitée.

Globalement, magistrats et greffiers en chef ont regretté que la Chancellerie ne tienne pas compte de l'évolution de la gestion des tutelles. A l'origine, les gérants de tutelle étaient majoritairement des membres de la famille. Aujourd'hui, il s'agit d'un métier à part entière, mais il n'est pas réglementé et il n'existe aucune formation professionnelle adéquate.

Ils ont donc plaidé pour une remise à plat du dispositif. D'abord, il convient de redéfinir le rôle du juge. Ainsi, avant l'ouverture du dossier, il faut entendre les familles, faire des recherches pour estimer les revenus. On peut légitimement se demander si ce travail préparatoire ne pourrait pas être effectué par les services sociaux à la place du juge.

Ensuite, il est indispensable de former des professionnels pour gérer les patrimoines des personnes mises sous tutelle. Il convient de remarquer qu'à l'heure actuelle, il existe déjà des entreprises spécialisées dans le conseil auprès des gérants de tutelles. Ces pratiques devraient donc être réglementées afin de s'assurer du professionnalisme et de l'honnêteté des intervenants (associations ou gérants).

* 15 En 1997, le ministère de la justice, celui de l'emploi et de la solidarité et celui de l'économie, des finances et de l'industrie ont missionné leurs inspections générales afin d'évaluer le dispositif tutélaire. Dans leur rapport rendu public au mois de novembre 1998, les trois inspections ont suggéré des modifications profondes dans la nature, la mise en oeuvre, le financement et le contrôle des mesures civiles et sociales de protection des majeurs. Le groupe de travail interministériel qui a succédé, en juin 1999, aux trois inspections générales, s'est appuyé sur ces acquis pour émettre des propositions et des recommandations afin de redonner à la protection judiciaire des majeurs toute sa souplesse et son efficacité. La présidence en a été confiée à M. Jean Favard, conseiller honoraire à la cour de cassation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page