B. L'AVENIR DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES DU HAUT-RHIN

1. Un personnel dans l'expectative

Lors de ses entretiens avec les représentants de l'administration pénitentiaire sur l'avenir de ces trois établissements, votre rapporteur spécial a entendu des avis très partagés. Certains souhaitaient leur fermeture en raison de leur vétusté. D'autres défendaient au contraire leur maintien, au moins en ce qui concerne les maisons d'arrêt, du fait de leur situation géographique qui permet aux détenus de garder des liens avec l'extérieur.

Tous attendaient le passage du comité d'audit sur le classement des établissements pénitentiaires, mais ils ne disposaient d'aucune informations précises sur l'avenir de ces établissements. Ils ont également regretté que la consultation sur le projet de loi pénitentiaire ait été trop courte. Certains ont estimé qu'avant de voter une loi dans ce domaine, il fallait créer de véritables « états généraux » de l'administration pénitentiaire afin de remettre à plat le système et de proposer des solutions concrètes.

Votre rapporteur spécial a cependant perçu de la désillusion dans leurs propos. Comme a fait remarquer l'un de ses interlocuteurs : « Depuis 27 ans de carrière, tous les deux ans, le personnel est consulté sans que cela ait des conséquences concrètes ».

2. Le manque de quartier de semi-liberté autonome à Colmar

La maison d'arrêt de Colmar comprend un quartier de semi-liberté de 12 places. L'hébergement des détenus placés en semi-liberté est assuré dans un bâtiment séparé de la détention mais attenant au bâtiment administratif.

Lorsque votre rapporteur spécial a visité ce quartier, il a été frappé par sa vétusté et l'état piteux des cellules et des sanitaires.

En outre, les « semi-libres » ne peuvent pas quitter l'établissement avant 7 heures et doivent impérativement le réintégrer avant 19 heures. Or, ces horaires ne sont pas toujours compatibles avec les activités professionnelles des condamnés. L'aménagement de leur peine peut être alors refusé.

Par ailleurs, le nombre de places en semi-liberté est notoirement insuffisant. Comme faisait remarquer un juge d'application des peines, sur 100 aménagements de peine inférieure ou égale à un an, 40 transferts au quartier de semi-liberté sont prononcés. Faute d'un nombre de places suffisant, les condamnés doivent attendre entre 2 et 3 mois pour bénéficier de l'aménagement de leur peine. Or, ce délai d'attente peut parfois remettre en cause leur réinsertion car certains perdent leur emploi tandis que d'autres ne peuvent exercer tel emploi temporaire qui leur avait été proposé.

Cette situation est d'autant plus regrettable que le marché du travail dans la région de Colmar est en mesure d'offrir aux condamnés des opportunités de réinsertion.

La création d'un centre de semi-liberté : une revendication récurrente

Depuis plusieurs années, le juge d'application des peines réclame la création d'un centre de semi-liberté. En témoigne cette lettre adressée au directeur régional de l'administration pénitentiaire en 1995. Depuis la situation n'a pas évolué.

« Devant les difficultés rencontrées dans le cadre de l'aménagement des peines de moins de un an, je désire réitérer, auprès de vous, mon souhait de voir s'implanter à Colmar un centre de semi-liberté.

En effet, les possibilités offertes dans le contexte économique du ressort : faible taux de chômage, 7,8 % en Alsace pour une moyenne nationale de 12,2 %, chômage alsacien qui a même entamé une lente décrue : - 2,4 %, soit 61.500 chômeurs dont 24.600 dans le Haut-Rhin ; plusieurs entreprises d'insertion (Associations Espoir, L'AIN contre la faim, Copo-Chauff, La Manne...) ont actuellement des capacités d'accueil supérieures au nombre des semi-libres à la maison d'arrêt de Colmar.

Alors que le nombre de semi-libres est en constante augmentation depuis plusieurs années (en 1989 : 47 mesures ; en 1990 : 63 ; en 1991 : 77 ; en 1992 : 47 (effectif en augmentation par rapport à l'inversion des proportions des condamnés/prévenus) ; en 1993 : 44 ; même observation ; en 1994 : 55, idem), cette mesure d'individualisation de la peine se heurte à deux difficultés majeures :

- l'encombrement endémique du quartier de semi-liberté de la maison d'arrêt dont l'effectif théorique est plafonné à 12 pour un effectif qui était au 1 er juin de 18 ;

- les horaires d'ouverture du quartier de semi-liberté (7 heures à 19 heures).

En raison de ces obstacles, le traitement de 30 procédures art. « D 49-1 » du code de procédure pénale transmises par le procureur de la République entre le 10 mai et le 10 juin 1994 a dû être différé jusqu'à l'automne 1994 dans l'attente du désencombrement escompté par l'effet du décret de grâces collectives alors que l'article précité impose célérité au J.A.P. puisqu'à défaut de réponse de celui-ci dans le mois suivant la communication, le ministère public peut ramener la peine à exécution en la forme ordinaire.

Si depuis l'automne 1994, la situation du quartier s'est améliorée par l'effet artificiel des grâces, la gestion des courtes peines nécessite actuellement un traitement vigilant et mesuré aux capacités d'accueil de la maison d'arrêt afin de prévenir tout nouvel engorgement, ce au mépris des délais exigés par les dispositions du code de procédure pénale.

En outre, l'aménagement en semi-liberté doit être refusé aux condamnés qui bien que justifiant d'un emploi ne peuvent se plier aux horaires fixés par l'administration pénitentiaire (ex. : travail posté, lieu de travail éloigné nécessitant des délais de route importants).

Ces contraintes d'effectifs et d'horaires (les dépassements n'étant pas admis) rendent le traitement des courtes peines acrobatique et génèrent des situations discriminatoires par rapport aux détenus des établissements alsaciens voisins pourvus de centre autonome.

Les difficultés rencontrées n'iront qu'en s'aggravant en raison des orientations pénales définies (multiplication des procédures rapides, comparution immédiate, convocation par officiers de police judiciaire ; corrélativement diminution des ouvertures d'information ; augmentation des courtes peines qui en 1992 étaient de 105, en 1993 : 100, en 1994 : 160 !).

L'acquisition rapide d'un centre autonome de semi-liberté implanté au sein de la cité, proche des lieux d'activité et des moyens de transport, d'une capacité d'accueil de 30 places dont 5 réservées aux femmes contraintes à de longs déplacements sur le centre de semi-liberté de Mulhouse ou Strasbourg, s'impose afin de ne pas mettre en péril l'efficacité de la sanction et les orientations définies tendant à la généralisation du traitement en temps réel des procédures et au développement des peines non privatives de liberté. »

Il convient donc de revoir l'organisation du quartier de semi-liberté en augmentant le nombre de places (qui devrait passer de 12 à 30).

Par ailleurs, il doit non seulement être rénové, mais devenir un centre de semi-liberté autonome. Deux solutions sont envisageables.

A court terme, l'actuel quartier pourrait être réaménagé dans ce sens.

A partir du sas des véhicules, il peut être envisagé la création de deux portillons dotés de serrures électriques asservies l'une à l'autre. Il serait alors nécessaire d'installer un système d'interphone et deux caméras (une à l'extérieure et une dans le sas).

Enfin, il faut prévoir un local (bureau pour le surveillant) à partir duquel l'observation du sas des véhicules pourrait être assurée à l'aide de moniteurs reliés aux caméras.

La création d'un quartier de semi-liberté autonome exigerait par ailleurs un renforcement en personnel. En effet, l'objectif recherché est de rendre plus souples les horaires de travail des détenus. Cela implique une présence permanente de personnel pour ce secteur. Cinq agents seraient nécessaires, encadrés par un responsable.

Cette solution a l'avantage de pouvoir être mise en oeuvre rapidement, à condition de disposer des crédits nécessaires à l'aménagement des locaux et du personnel de surveillance supplémentaire. Toutefois, elle ne permet pas d'augmenter le nombre de places offertes.

A moyen terme, un centre pour peine aménagée devrait être créé à Colmar.

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