B. LA DÉFINITION D'UNE NOUVELLE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE : NOUVELLES ORIENTATIONS, NOUVEAUX OUTILS

Suite à la parution de ce rapport, le Premier ministre a demandé à la nouvelle présidente de la MILDT, nommée en juin 1998, de lui adresser un ensemble de propositions visant à renforcer la coordination interministérielle à l'échelon national et local, à évaluer régulièrement l'efficacité des projets financés, à définir les besoins et planifier le développement de nouvelles actions dans le cadre d'un nouveau plan gouvernemental de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances.

La note d'étape remise le 15 octobre 1998 au Premier ministre a servi de base à l'élaboration interministérielle du plan triennal adopté par le gouvernement le 16 juin 1999. Le constat dressé par la présidente de la MILDT dans le rapport d'étape faisait preuve de réalisme et de sévérité rappelant les principales critiques pouvant être adressées au fonctionnement de la MILDT, au-delà même de ce qu'avait pu constater la Cour des comptes, à savoir notamment, parmi une vingtaine d'observations :

- une connaissance insuffisante du phénomène, par exemple en l'absence notamment d'enquêtes épidémiologiques régulières sur la population générale et de programmes coordonnés de recherche ;

- une politique lacunaire de communication et d'information à destination du grand public ;

- des actions de prévention et de formation dispersées et parfois incohérentes ;

- un système sanitaire et social de droit commun relativement fermé aux usagers de drogue ;

- un dispositif spécialisé important mais peu diversifié ; des réponses sociales peu développées ;

- une attention insuffisante à l'égard des usagers de drogue très marginalisés ;

- des déficiences dans la prise en charge des usagers de drogue incarcérés ;

- une grande difficulté à concilier l'application de la loi avec les impératifs de santé publique ;

- un dispositif de coordination départementale peu visible ;

- une articulation mal définie avec d'autres dispositifs tels que celui de la politique de la ville, et notamment avec les actions conduites par les collectivités locales ;

- une évaluation faible ou inexistante de l'utilisation des crédits et de la pertinence des actions menées ;

- un dispositif de coordination nationale fragile et insuffisamment inscrit dans la durée.

Ce rapport d'étape a posé les fondements du nouveau plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances (1999-2001) adopté par le gouvernement le 16 juin 1999 .

Plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances

Ce plan tient compte de l'évolution extrêmement rapide des comportements de consommation en particulier chez les jeunes, du développement des polyconsommations associant produits licites et illicites ainsi que de la multiplication des produits qui circulent et dont la teneur n'est pas toujours connue avec précision.

Ce plan s'attache également à coordonner les actions des différents ministères impliqués dans la lutte contre la drogue et dans la prévention des dépendances. Il repose sur un ensemble d'orientations et de mesures qui tiennent compte des observations de la Cour des comptes :

- une meilleure connaissance du phénomène : l'objectif est d'améliorer le dispositif national d'observation, d'études et de recherche afin de pouvoir anticiper les évolutions. La MILDT a ainsi lancé un nouvel appel d'offre et a cherché à mobiliser de nouvelles équipes de recherche. En s'appuyant sur l'OFDT dont les compétences doivent être élargies, elle a développé des enquêtes épidémiologiques régulières notamment en milieu scolaire et à l'occasion des journées de préparation à la défense. Elle a par ailleurs mis en place deux observatoires en temps réel, l'un (SINTES) pour connaître la composition des drogues de synthèse qui circulent sur les lieux de consommation et l'autre (TREND), à partir d'un réseau sentinelle, pour mieux appréhender la réalité des comportements de consommation, en milieu festif et dans la rue. L'OFDT a en outre été chargé d'une mission d'évaluation globale de la mise en oeuvre du plan triennal.

- une politique d'information et de communication inscrite dans la durée à destination de l'usager et plus largement du grand public . L'objectif est de mettre à disposition de celui-ci des informations scientifiquement validées afin qu'il soit plus attentif à sa propre consommation ainsi qu'à celle de ses proches. C'est l'objectif de la campagne de communication lancée le 26 avril 2000 avec la diffusion d'un livre d'information sur les drogues et les dépendances : « Savoir plus, risquer moins ».

- une politique de prévention plus en prise avec la réalité des pratiques de consommation : le but étant de permettre d'éviter les consommations mais aussi le passage d'un usage occasionnel ou expérimental à un usage nocif. L'objectif affiché de la MILDT est de prendre en compte les modalités et les contextes de consommation, la personnalité de l'usager, sans cloisonner les actions en fonction du produit utilisé. Dans cette perspective il a été demandé à chaque chef de projet d'établir un plan départemental de prévention qui fixe des objectifs quantitatifs et qualitatifs réalisables et évaluables et qui concerne tous les comportements de consommation à risque des jeunes en milieu scolaire ou hors milieu scolaire. Ces plans devraient être opérationnels à la fin de l'année 2000. Ils tardent cependant à se mettre en place.

- une prise en charge plus précoce des usagers excessifs de drogues, d'alcool, de tabac, de médicaments ou de produits dopants . Il s'agit de renforcer la capacité du dispositif de droit commun (médecins généralistes, services hospitaliers) à repérer les consommations nocives, les services spécialisés (Centre de soins aux toxicomanes et consultation ambulatoire en alcoologie) devenant des lieux de référence et de formation pour ces derniers.

La MILDT affiche également l'objectif de rapprocher les dispositifs de soins spécialisés qui sont aujourd'hui encore excessivement cloisonnés. Plusieurs doivent permettre de réaliser ces objectifs : développement des réseaux de médecins généralistes, renforcement des structures spécialisées en alcoologie et tabacologie, préparation du transfert du financement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes à l'assurance maladie, création d'équipes de liaison en addictologie dans tous les hôpitaux de plus de 200 lits.

Pour développer la politique de réduction des risques à destination des usagers les plus marginalisés, de nouveaux lieux d'accueil, programmes d'échange de seringues, équipes mobiles de proximité sont en cours de création.

- une meilleure articulation des politiques pénales et des politiques sanitaires et sociales. L'objectif est de permettre à chaque usager de drogues, ou usager excessif d'alcool, interpellé de bénéficier d'une orientation sanitaire et sociale, dans le cadre d'une alternative aux poursuites, aux sanctions, ou à l'incarcération. Dans le cadre des orientations définies par le garde des Sceaux (circulaire du 17 juin 1999), la MILDT a mis en place des conventions d'objectifs entre les préfets et les procureurs de la république. Ces conventions existent aujourd'hui dans 75 départements et doivent être généralisées à la fin de l'année 2000.

- une meilleure coordination de la coopération internationale : définition de priorités géographiques en fonction des flux de trafics, notamment en Asie centrale et Asie du Sud-est, et dans les pays d'Europe orientale.

- la volonté de créer une culture commune à tous les professionnels spécialisés ou non : diffusion de documents d'information divers, ouverture d'un site internet (www.drogues.gouv.fr, élaboré en partenariat avec le Comité français d'éducation pour la santé - CFES - Drogues Info Service, l'OFDT et Toxibase), mise en place de programmes de formation, création dans chaque département ou région d'un Centre d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances (7 en 1999, 21 en 2000).

- enfin la MILDT, à la suite des observations de la Cour des comptes, a cherché à clarifier l'utilisation des crédits interministériels et a revu ses modalités de financement des actions de ses différents partenaires ministériels (examen plus rigoureux des demandes de crédits aux seules actions identifiées ou identifiables, innovantes, mise en place de nouvelles procédures d'évaluation, consolidation de certaines dépenses dans les budgets des ministères concernés). Pour améliorer le fonctionnement de la MILDT et lui conférer une certaine pérennité et stabilité, il a par ailleurs été décidé de procéder au transfert des emplois des fonctionnaires mis à disposition par les différents ministères. Ce transfert d'emploi est en cours et s'étalera sur deux années au moins.

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