c) Les préconisations de la commission d'enquête : modulation, décote et certification
(1) Agir sur la surprime d'assurance par la modulation

Nombre d'intervenants entendus par la commission d'enquête suggèrent une modulation de la prime.

Ainsi, M. Bernard Menasseyre, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes, s'est inquiété de savoir « s'il n'y avait pas un moyen de faire supporter les conséquences de leur décision à ceux qui, en connaissance de cause, prennent le risque d'installer leur bien (habitation ou entreprise) sur une zone à risque. Il s'agirait notamment de mettre en oeuvre un système de surprime, qui n'est pas aujourd'hui véritablement modulé et ne présente aucun caractère conduisant à une forme de dissuasion pour le risque en cause » .

M. Paul-Henri Bourrelier propose de moduler la surprime en fonction de critères géographiques et altimétriques reflétant l'exposition aux risques naturelles de la zone concernée ; toutefois cette solution serait relativement peu équitable 83 ( * ) .

M. Philippe Vesseron, délégué aux risques majeurs, a suggéré devant la commission « d'inciter les assureurs à développer un mécanisme de rachat des franchises, qui pourrait être fondé sur une tarification tenant compte de la prévention des risques. La multiplication des interventions du bureau central de tarification permettrait de réguler les tarifications, afin que chacun ne paie pas le même prix, quels que soient les efforts de prévention fournis ».

La commission d'enquête, quant à elle, suggère que l'Etat puisse se contenter d'encadrer les tarifs de la surprime sans fixer de tarif unique. Le niveau minimal de la prime, fixé par l'Etat, maintiendrait l'exigence de solidarité nationale et de mutualisation de la charge et la partie variable du taux de prime encouragerait les assurés à tout mettre en oeuvre pour limiter le montant de leur prime.

La solution de la modulation de la prime a l'avantage d'être immédiatement visible pour l'assuré qui a intérêt à réduire autant que possible sa prime. Toutefois, votre commission est consciente qu'elle portera dans la plupart des cas sur des sommes très modiques 84 ( * ) et que les assureurs risquent très souvent de fixer de façon unilatérale le taux de la surprime au taquet supérieur. Il est en outre important, pour des raisons d'équité, de mettre en oeuvre cette réforme conjointement avec les propositions faites en matière d'information des assurés sur le risque touchant leur habitation ou leur entreprise.

Proposition n° 28 : Rendre le taux de la surprime variable (dans une fourchette fixée par l'Etat), librement négocié par l'assureur et l'assuré en fonction des efforts de prévention entrepris.

(2) Agir sur l'indemnisation par la décote

Une autre idée a été avancée par certains intervenants entendus par la commission pour responsabiliser les acteurs du dispositif : à partir du deuxième sinistre de même nature , il serait possible de prévoir au stade du contrat entre l'assureur et l'assuré une légère décote dans l'indemnisation si des travaux de prévention bien identifiés (notamment par un avenant au contrat) n'ont pas été entrepris 85 ( * ) . Il s'agirait ici de prendre en compte les « mesures habituelles » de prévention demandées à l'assuré et d'inciter l'assureur et l'assuré à définir ensemble un programme de petits travaux peu coûteux qui permette de limiter les futurs besoins d'indemnisation. Un mécanisme de subvention pour ces petits travaux ainsi réalisés permettrait de ne pas faire peser une charge trop lourde sur les assurés.

Il semble, en effet, important de bien distinguer la véritable catastrophe naturelle, imprévisible et pour laquelle le principe de solidarité nationale trouve évidemment à s'appliquer, de l'événement, certes naturel et d'intensité anormale, mais récurrent. C'est pourquoi le dispositif proposé par votre commission peut conduire à une légère pénalisation des assurés à compter du deuxième sinistre, affaiblissant ainsi volontairement le principe de solidarité nationale.

Proposition n° 29 : Encourager l'assureur et l'assuré à se mettre d'accord sur un programme de petits travaux peu coûteux avec l'instauration d'une légère décote de l'indemnisation s'ils n'étaient pas réalisés contrairement aux engagements de l'assuré.

(3) Agir sur les travaux de prévention par la certification

De nombreux petits travaux de prévention peuvent être réalisés par les particuliers, en dehors de toute obligation liée à un plan de prévention des risques 86 ( * ) , afin de limiter les dégâts causés par une inondation : surélever la maison au moment de la construction, ne pas disposer de mobilier vulnérable (en particulier l'électroménager et l'audiovisuel) à même le sol, a fortiori lorsqu'ils sont à la cave, utiliser des revêtements du sols et des murs peu sensibles au risque d'inondation, etc. Ces aménagements ont un coût le plus souvent faible et permettent de diminuer considérablement les dégâts occasionnés par une inondation.

Il s'agit ici d'apporter une aide concrète aux assurés et de leur montrer que par de petites améliorations très peu coûteuses, le sentiment de fatalité peut être combattu contribuant ainsi à limiter les dégâts matériels mais aussi affectifs causés par une inondation.

Le ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, la profession des assureurs et les corps du bâtiment concernés se sont engagés dans une démarche de recensement des bonnes pratiques en cette matière. La commission estime utile que cette démarche aboutisse à des certifications et prévoit la possibilité de subventionner sur cette base des travaux de prévention (budgétairement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs ou fiscalement par l'instauration d'un crédit d'impôt).

Il s'agirait de mettre en place, pour les particuliers, l'équivalent du programme expérimental (6 millions de francs en 2000 et en 2001 et à peu près autant en euros pour 2002) géré par le ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement qui subventionne à hauteur de 50 % les travaux de prévention et de réduction de la vulnérabilité engagés par les collectivités locales. En 2000, 23 dossiers de collectivités locales ont été subventionnés pour un montant total de 4,5 millions de francs ; en 2001, 20 dossiers ont été subventionnés jusqu'à présent, pour un montant provisoire de 1,8 million de francs mais la prévision de dépense devrait s'établir à la fin de l'année autour de 3 millions de francs.

Proposition n° 30 : Poursuivre le recensement des bonnes pratiques en matière de construction face au risque d'inondation. Engager une démarche de certification et subventionner les travaux correspondants sur le budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH).

* 83 M. Thierry Franck, sous-directeur chargé des assurances au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, entendu par la commission d'enquête a estimé qu'une telle réforme contreviendrait au principe de solidarité nationale et que le nombre relativement faible de sinistres ne permettrait pas l'élaboration d'un système fiable et juste, sauf à prévoir des règles complexes et susceptibles d'entraîner des frais de gestion élevés.

* 84 C'est ce qu'a indiqué M. Jean-Marc Lamère, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurance à votre commission : « Il faut bien voir (...) que le taux de la surprime catastrophe naturelle représente 12 %. Par conséquent, quand bien même modulerait-on, en passant par exemple de 12 à 15 %, cela ne représenterait en réalité qu'une très petite somme qui, bien sûr, serait tout à fait insuffisante pour responsabiliser les entreprises » .

* 85 Proposition faite par M. Yves Dauge entendu par votre commission le 27 juin 2001 : « Nous pensons qu'il faudrait dire aux gens pour être couverts une seconde fois qu'ils doivent avoir entrepris des travaux pour diminuer leur vulnérabilité » .

* 86 Décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page