2. Le stockage de carbone par les sols français

Le stockage net de carbone dans les sols résulte d'une part de l'incorporation dans le sol du carbone atmosphérique fixé par la végétation, et d'autre part de la minéralisation du carbone organique du sol par les micro-organismes.

Le stockage de carbone dans les sols résulte de deux causes : l'action directe de l'homme sur la végétation et le sol, et les variations spontanées du milieu -où l'homme n'est pas absent non plus à travers les conséquences de son action, par exemple sur la composition de l'atmosphère.

Les études menées en ce domaine ont montré que les racines constituaient la principale source de carbone des sols, que l'agriculture intensive restituait plus de carbone au sol que des systèmes forestiers ou de prairies, et que le travail réduit du sol et la continuité des prairies constituaient des pratiques aptes à maintenir des stocks de carbone élevés dans les sols .

Pour la France, les changements d'usage des terres au cours des cent cinquante dernières années et leur influence sur le stockage net de carbone ont été étudiés. Un tableau des superficies des grandes classes d'usage des terres en France depuis 1850 permet de resituer le débat (29 ( * )) .

Paramètres de la dynamique du carbone propre à chaque usage du sol, utilisés pour l'estimation du flux national de carbone des sols.

Superficies totales en 1995

Superficies des grandes classes d'usages des terres en France depuis 1850

Il apparaît clairement que l'augmentation de la température tend à déstocker le carbone en augmentant les vitesses de biodégradation des matières organiques .

De plus, l'étude citée a montré, de 1900 à 1999, les grands traits des changements intervenus : d'abord un stockage accru (abandon de la jachère traditionnelle, abandon des terres cultivées au profit des prairies puis de forêts) puis, après 1972, une augmentation des superficies à faible stockage (cultures annuelles, jachères et sols artificialisés) aux dépens des prairies. Puis, de 1992 à 1995, la jachère nue imposée par le changement de politique agricole commune a provoqué un déstockage net, cette jachère nue ayant été abandonnée après 1995. Il a été estimé que l'effet de l'augmentation de la température aurait conduit à un déstockage total de 140 millions de tonnes de carbone entre 1900 et 1998 .

Cependant, il apparaît que l'estimation historique de l'usage des terres n'est pas évidente à établir du fait de la divergence des sources et de la difficulté de classer les surfaces.

Pour la France , les surfaces cultivables en 1960 ne sont pas connues avec précision. De même, il est probable que l'estimation des surfaces boisées au XIX ème siècle est assez largement erronée. De plus, ont été négligés l'assainissement et l'implantation de la forêt landaise vers 1850. Son effet sur le stock de carbone, par rapport à la végétation préexistante, étant inconnu.

C'est pourquoi les auteurs précités émettent les plus vives réserves sur l'hypothèse centrale de leur étude, à savoir la constance des paramètres depuis 1850. Ils signalent par exemple, à cet égard, que les rendements de la production de blé ont été multipliés par six de 1850 à 1990. Enfin, ils insistent sur le fait que les données manquent sur l'influence des progrès de la sylviculture sur les rendements forestiers. Ils estiment, en conclusion de leur étude, que les sols français auraient stocké jusqu'à 4 tonnes de carbone par hectare et par an jusqu'en 1980, le flux se réduisant à 0,03 tonne de carbone par hectare et par an, de 1980 à 1990 et qu'il serait envisageable d'amener le stockage jusqu'à 0,06 tonne de carbone par hectare et par an au cours des prochaines décennies, ce qui permettrait de compenser jusqu'à 3 % de la consommation nationale de combustible fossile actuel.

Votre Rapporteur relève qu'au-delà du grand intérêt de telles études, les incertitudes qu'elles ne manquent pas de souligner rendent très aléatoire la possibilité d'établir des inventaires d'utilisation des sols à l'échelle mondiale et donc difficile le contrôle nécessité par l'application du protocole de Kyoto.

Par ailleurs, il relève que certains évolutions de la politique agricole européenne ont eu pour effet d'augmenter les émissions de gaz à effet de serre . C'est ainsi que l'intensification de la production laitière, de la production de viande bovine, des productions hors-sol, comme le stockage important des lisiers ou l'utilisation des engrais azotés peuvent être retenus comme des évolutions négatives.

En effet, les nitrates provenant des engrais de synthèse émettent du N 2 O.

Or, après un tassement au début des années 1990, les ventes d'engrais azotés ont connu une nouvelle et forte croissance.

* (29) Cette étude a été menée par Jérôme BALESDENT, du laboratoire d'écologie microbienne de la rhizosphère DEVM/CEA, et Dominique ARROUAYS, service d'étude des sols et de la carte pédologique de France, INRA, UE sciences du sol.C.R.A4.AGRI.FR.1999, 85, n° 6, pp. 265-277. séance du 19 mai 1999.

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