B. L'ÉMISSION ET LA CONSOMMATION DE MÉTHANE (CH4) PAR LES SOLS

Tout d'abord, un rappel : la principale source naturelle d'émission de méthane réside dans les sols inondés et 70 % des émissions de CH 4 sont d'origine anthropique.

Une fois émis, la troposphère élimine le CH 4 .

L'émission de méthane peut provenir des sols de forêts , des sols arables submergés tout autant que des rizières. Dans ce contexte, la rizière est l'écosystème le plus étudié sachant que la production d'un kilo de riz correspond à l'émission moyenne de 120 g de CH 4 .

Dans le cas des sols submergés non végétalisés, le transfert de CH 4 vers l'atmosphère se fait par diffusion et sous forme de bulles, tandis que dans les sols végétalisés, la majeure partie du CH 4 s'échappe à travers les plantes . Les émissions de CH 4 sont très différentes selon les sols, et, ce, y compris pour une même culture ; les rizières par exemple peuvent émettre du CH 4 dans des proportions variant de 1 à 20. De plus, les émissions de CH 4 varient de manière très importante au cours de la journée , de même qu' au cours du cycle cultural . Ces précisions permettent de montrer que les émissions de flux de CH 4 ne peuvent être évaluées que grâce à un nombre important de mesures à des intervalles de temps rapprochés.

Compte tenu de ces éléments, votre Rapporteur s'est interrogé sur l'influence du climat sur l'émission ou la rétention de méthane .

Ces deux activités se produisent de manière optimale lorsque la température se situe entre 30°C et 40°C . Toutefois, des émissions se manifestent aussi dans des environnements engorgés, par exemple, sous la neige . Dans le cas des rizières, la présence de riz augmente de 4 à 5 fois l'émission de CH 4 . Dans les zones marécageuses, certaines plantes accélèrent les émissions de CH 4 tandis que d'autres les réduisent ; de même, dans les tourbières et dans les toundras.

L'augmentation de la concentration du CO 2 dans l'atmosphère, qui aura pour effet d'augmenter la productivité des écosystèmes, devrait donc augmenter aussi l'émission de CH 4 dans les milieux méthanogènes (38 ( * )) .

Par ailleurs, les pratiques culturales peuvent influer sur l'émission de méthane. A l'heure actuelle, la riziculture sous eau est la plus développée du fait de sa meilleure productivité, et il a été démontré qu'une diminution, allant de 60 % à plus de 90 % de l'émission de CH 4 , pouvait être obtenue quand les rizières sont drainées une ou plusieurs fois au cours du cycle cultural, ce qui est sans conséquence sur le rendement en riz. En revanche, des différences d'émission de CH 4 de près de 500 % ont été observées selon les variétés de riz .

Toutefois, votre Rapporteur doit souligner que la pratique du drainage consomme deux à trois fois plus d'eau que la submersion continue, et qu'elle favorise l'émission de N 2 O, autre gaz à effet de serre, lors de la remise en eau. De plus, il est probable que cette pratique ne pourrait être mise en oeuvre que dans un nombre modeste de rizières submergées, car un bon nivelage des sols et une maîtrise de l'eau sont les conditions de sa mise en oeuvre.

Des classements ont été effectués selon le potentiel méthanotrophe (1) des sols cultivés. Ils montrent que ce sont les forêts, suivies des pâturages, et enfin des sols cultivés qui absorbent le mieux le méthane.

D'une manière générale, il a été relevé que dans les sols cultivés exondés - c'est-à-dire non recouverts d'eau- les semis directs sans travail du sol peuvent augmenter de six à huit fois l'oxydation (l'absorption) du CH 4 atmosphérique par rapport aux sols labourés, alors que le compactage du sol par les engins agricoles peut la réduire de moitié.

La modification des pratiques de fertilisation peut également contribuer à la réduction de l'émission de CH 4 (combinaison d'engrais organiques avec des engrais azotés, utilisation préférentielle d'engrais sulfatés, enfouissement des engrais, recours à l'acétylène, qui augmente à la fois les rendements de 30 %, et diminue de 35 % l'émission de CH 4 ).

A l'inverse des sols inondés, les sols exondés peuvent devenir des puits de CH 4 grâce à des apports d'ammonium.

Enfin, dans les sols non cultivés , il est évident que des mesures aptes à réduire les émissions de CH 4 ou à en favoriser la consommation ne seront mises en oeuvre et financées que si elles sont porteuses d'effets secondaires. Cela peut être le cas lors de l'assainissement de marais pour en écarter le paludisme ou la mise en culture de tourbières, ou encore la revégétalisation de landes acides infertiles pour y faire croître une végétation herbacée favorable à l'élevage.

Votre Rapporteur ne peut donc manquer de souligner que, quelles que soient les techniques de réduction d'émission de CH 4 prônées pour les sols cultivés, celles-ci doivent se traduire par un bilan positif pour l'agriculteur de nature à l'inciter à un nouveau comportement.

En conclusion, l'imprécision des estimations quantitatives relatives aux émissions ou séquestrations de méthane par différents types de milieux doit être encore une fois rappelée ainsi que le fait qu'en France les sols cultivés et l'ensemble des sols constituent un puits de méthane qui ne consomme qu'un très faible pourcentage du CH 4 résultant des activités agricoles, industrielles ou des décharges .

* (38) La méthanogenèse est la production brute de CH 4 dans un sol par les bactéries méthanogènes tandis que la méthanotrophie est la consommation brute ou oxydation de CH 4 dans un sol par les bactéries méthanotropes.

Page mise à jour le

Partager cette page