3. Une action plus ambitieuse de l'Europe en matière d'éducation restant conforme au principe de subsidiarité

a) Les positions en présence

La compétence reconnue à la Communauté en matière d'éducation demeure discutée.

(1) L'exclusion de l'éducation des compétences communautaires

De nombreuses voix se sont fait entendre en ce sens. D'abord de la part de certaines collectivités qui détiennent des compétences exclusives en matière d'éducation au sein des Etats fédéraux, en particulier les Länder allemands. Ainsi, M. Edmund Stoiber, ministre-président de la Bavière, estimait, lors d'une réunion du Comité des régions, le 22 octobre 1998, que « la culture, l'éducation, les services publics, le tourisme, l'énergie et la politique de l'emploi peuvent relever de la responsabilité exclusive des États membres, des régions et des villes. L'Union européenne devrait quant à elle se consacrer aux tâches qui ne peuvent véritablement être menées à bien qu'au niveau européen, telles que la représentation des intérêts européens dans le nouvel ordre économique mondial, la politique extérieure et de sécurité commune, la lutte contre la criminalité internationale ou la protection transfrontalière de l'environnement » . Plus récemment, les représentants de plusieurs grandes régions (la Bavière, la Catalogne, la Rhénanie du Nord-Westphalie, Salzburg, l'Ecosse, la Flandre et la Wallonie) ont adopté, le 28 mai 2001, une déclaration politique qui s'inscrit dans le cadre du débat sur l'avenir de l'Union européenne et qui porte sur la question de la délimitation des compétences. Les auteurs de ce document demandent, notamment, de réexaminer la délimitation des compétences dans le domaine de l'éducation.

Un certain nombre de responsables politiques nationaux se sont également prononcés en faveur d'une compétence nationale. Ainsi, Valéry Giscard d'Estaing, dans les travaux qu'il effectua au sein du Parlement européen sur le principe de subsidiarité en 1990, ou Jacques Delors, qui considère que « si on veut maintenir la cohésion nationale, l'éducation, la culture, la santé et la sécurité sociale doivent continuer à demeurer au niveau de la nation » (audition devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 20 juin 2001).

Les arguments qui militent en faveur de l'exclusion de l'éducation des politiques communautaires peuvent être résumés schématiquement de la manière suivante :

- l'école constitue un des éléments essentiels de l' apprentissage de la citoyenneté ;

- l'éducation est par nature un domaine où la prise de décision doit s'effectuer au plus près des usagers ;

- une action communautaire, même marginale, en matière éducative contribue à brouiller le partage des responsabilités, si bien que le citoyen ne sait plus « qui fait quoi » et la responsabilité démocratique en sort affaiblie.

Par ailleurs, il convient de remarquer que l'exclusion de l'éducation des compétences communautaires, n'implique pas forcément une politique éducative nationale ou régionale refermée sur elle-même. En effet, comme le soulignait Jacques Delors, une coopération européenne en matière d'éducation serait toujours possible, mais dans un cadre intergouvernemental (à l'image du Conseil de l'Europe, ou de l'UNESCO par exemple) et non plus communautaire. Cela offrirait, d'ailleurs, davantage de souplesse et permettrait de développer des liens plus étroits avec des pays tiers, en particulier les Etats-Unis ou le Japon.

Néanmoins, l'exclusion de l'éducation des compétences communautaires comporte plusieurs inconvénients majeurs, qui conduisent à rejeter cette option :

- l'éducation devient de plus en plus un véritable « marché », ce qui justifie une action communautaire ;

- malgré un budget réduit et des imperfections structurelles,  les programmes communautaires, tels qu'Erasmus, jouissent d'une très grande popularité et constituent un élément essentiel de la visibilité de l'Union européenne auprès de la jeunesse ;

- l'éducation contribue de manière déterminante à la citoyenneté européenne.

A cet égard, il serait pour le moins paradoxal qu'au moment où l'on cherche à rapprocher davantage l'Europe des citoyens et à lui donner un contenu plus concret, on méconnaisse à ce point leurs attentes . L'éducation figure, en effet, parmi les thèmes prioritaires cités par les citoyens, comme le montre, d'ailleurs, le rapport du groupe chargé du débat sur l'avenir de l'Europe. Il ne faut pas, non plus, sous-estimer les enjeux du futur élargissement de l'Union européenne dans le domaine de l'éducation.

(2) Une politique commune en matière éducative ?

Certaines personnalités souhaitent aller plus loin et se prononcent en faveur d'une véritable « politique commune » en matière éducative. Ils remettent donc en cause l'actuelle répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres en estimant que celle-ci constitue un frein à une action plus ambitieuse de l'Europe en matière éducative.

Mais cette approche semble résulter d'une utilisation approximative de la notion de « politique commune ».

Comme le relève un observateur avisé (7 ( * )) , « la coopération communautaire en éducation et formation n'est pas une politique commune comme les autres. Il ne s'agit pas de réguler ou d'organiser un secteur de la vie sociale par des instruments normatifs (règlements ou directives) ou incitatifs (fonds structurels), même si certains d'entre eux interviennent dans le secteur de l'éducation et de la formation. Il ne s'agit pas de définir autour de principes communs un modèle européen d'éducation et de formation. Le pari lancé est davantage d'obtenir par la coopération, notamment par l'échange d'informations et d'expériences, par la mobilité des étudiants et des enseignants, par la coopération entre établissements d'éducation et de formation, la reconnaissance par chacun c'est-à-dire par tous, y compris des agents économiques et sociaux, de la validité de l'enseignement et de la formation dispensés par les autres. Cela passe bien entendu par une adaptation, parfois vigoureuse, de l'organisation des systèmes et du contenu des enseignements, mais cette adaptation ne peut être conduite qu'au niveau national. »

Comme le déclarait le ministre français de l'Education nationale, lors du Conseil des ministres du 7 juillet 1999 :

« En réalité, il ne s'agit nullement d'uniformiser les contenus et les durées des dispositifs de formation, mais, dans le respect des identités de chacun, d'améliorer la lisibilité des diplômes, de faciliter la mobilité et de favoriser l'insertion dans l'emploi. C'est l'espace européen tout entier qui doit être en harmonie, comme dans un orchestre où chacun joue sa partition, avec son génie propre, mais où l'ensemble forme un tout cohérent et structuré. »

Il existe, en réalité, un consensus général entre les grands responsables politiques européens pour estimer que l'éducation doit demeurer une compétence exercée en premier lieu par les Etats membres ou leurs collectivités décentralisées, l'Union européenne ne jouant qu'un rôle de soutien.

Ce consensus est bien illustré par les propos de Guy Verhofstadt, Premier ministre belge, dans son discours à l'occasion du septième forum européen de la Wachau à Göttweig, le 24 juin 2001 sur « Quel avenir pour l'Europe » :

« J'estime que dans une série de cas, les compétences doivent être exercées en premier lieu par les États membres, l'Union jouant uniquement un rôle de soutien. Je pense ici, tout naturellement, à la culture, au sport, à l'enseignement . Ne devrait-on pas, à tout le moins, établir qu'il s'agit là de domaines qui entrent dans les missions de base des États membres ? L'Union n'interviendrait ici qu'en complément, si les États membres le souhaitent et s'il y a un intérêt clairement établi justifiant une intervention communautaire. »

(3) Une action communautaire plus affirmée mais restant conforme au principe de subsidiarité

Le président de la Commission européenne, M. Romano Prodi, a posé, dans son discours prononcé à l'Institut d'Etudes politiques de Paris, le 29 mai 2001, les termes du débat et a pris position sur ce point :

« Je suis bien conscient qu'un exercice de répartition des compétences entre le niveau national et le niveau européen, comporte un risque : celui de n'être qu'une répétition, par d'autres moyens, des débats - et des désaccords - sur la substance même du projet européen.

Pour certains, il s'agira surtout de « re-nationaliser » des compétences transférées ou, à l'inverse, d'en « communautariser » de nouvelles, selon des critères tirés de la sensibilité de l'opinion sur tel ou tel sujet, ou des finances publiques.

Pour ma part, j'entrerai dans ce débat sans arrière-pensée, en pensant au fond, et en cherchant au cas par cas, de quelle manière nous pouvons le mieux atteindre nos objectifs : par des compétences séparées ou partagées. Même si cela peut paraître compliqué, nous devons raisonner par fonction et laisser au système de la souplesse.

Je prendrai un exemple pour illustrer ce propos : celui de l'éducation .

Il est clair que la responsabilité première doit rester aux Etats ou aux régions. Mais le niveau européen a certainement une valeur ajoutée à apporter, notamment :

• en facilitant les échanges, la reconnaissance mutuelle des diplômes et l'adoption des grilles harmonisées d'évaluation des compétences acquises ;

• en permettant de confronter les expériences sur des sujets tels que la lutte contre l'échec scolaire, la formation continue, la violence à l'école, etc...

• en offrant des bourses et en encourageant la constitution de centres de recherche performants. »

Le Président de la Commission européenne se prononce ainsi en faveur d'une action européenne respectueuse du principe de subsidiarité. Les domaines qu'il évoque (la reconnaissance mutuelle des diplômes, les échanges d'informations et l'évaluation, l'aide à la mobilité) sont clairement ceux où une action communautaire peut, du fait de sa dimension et de ses effets, apporter une plus-value par rapport à des actions nationales.

Il reste, cependant, extrêmement prudent en la matière, car il ne semble pas aller au-delà de ce que fait actuellement l'Union européenne.

En France, le Premier ministre et le Président de la République semblent développer une conception plus ambitieuse.

Ainsi, le Premier ministre estime, dans son discours sur l'avenir de l'Europe du 28 mai 2001 : « Favorisons mieux encore la mobilité des étudiants, des artistes et des chercheurs. D'ici dix ans, tous les jeunes Européens devraient pouvoir accomplir une partie de leur scolarité dans un autre pays que le leur. Faisons de l'enseignement d'au moins deux langues européennes, dès le plus jeune âge, une règle. »

En outre, dans ce même discours, le Premier ministre ajoute : « Tout doit être fait, notamment à l'école, pour que nos enfants prennent conscience que leur héritage national s'inscrit dans une richesse plus vaste encore, celle de l'Europe. »

Quant au Président de la République, il considère, dans son message diffusé sur le site Internet de la présidence de la République, le 31 octobre 2001 :

« Nos efforts doivent porter en priorité, c'est une évidence, sur les échanges scolaires et universitaires. Beaucoup a été fait, notamment pendant la présidence française de l'Union, en 2001, pour promouvoir la mobilité des étudiants. Mais il faut changer d'échelle et se fixer des objectifs concrets et ambitieux pour tous les jeunes européens, au stade du primaire et pendant le secondaire comme pour les étudiants » .

Il ajoute :

« Je souhaite également que l'Europe s'affirme dans le domaine stratégique de la formation de haut niveau, où les Etats-Unis ont une nette avance. Nous devrions soutenir les établissements de différents pays européens désireux de s'allier pour former de grandes institutions susceptibles de bénéficier d'un rayonnement mondial, grâce à leur masse critique d'étudiants ».

Il évoque ensuite la question des langues et la nécessité de préserver le multilinguisme :

« il faut réaliser au plus vite et partout l'objectif de parler trois langues (dont la langue maternelle) à l'issue des années de scolarité obligatoire (...). Il faut que tous les Etats membres agissent dans ce sens » .

Le Premier ministre britannique Tony Blair s'est également prononcé, dans son discours de Birmingham, le 23 novembre 2001, pour une action européenne renforcée en matière de formation et d'éducation.

Ainsi, si tout le monde s'accorde sur les objectifs qu'il convient de fixer à l'action communautaire en matière éducative et sur la nécessité de respecter le principe de la délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres, toute la question porte sur la manière de les atteindre et le niveau d'ambition que l'on se donne.

b) Comment concilier une action européenne plus ambitieuse en matière d'éducation et le respect de la délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres ?

Le réexamen des dispositions du traité relatives à l'éducation doit concerner autant les objectifs que les moyens d'action.

(1) Des objectifs clarifiés

A la lecture de l'article 149 du traité instituant la Communauté européenne, il apparaît qu'il existe une certaine ambiguïté sur l'objectif essentiel assigné à l'Union en matière éducative. En effet, il ressort de l'alinéa premier de cet article, que la priorité de l'action communautaire est le « développement d'une éducation de qualité » . Certes, l'objectif de favoriser « la dimension européenne dans l'éducation » figure également dans ce même article, mais à l'alinéa suivant, qui décrit les domaines d'action concrets de la Communauté. Je serais donc favorable à une inversion des deux objectifs de sorte que le développement de la dimension européenne dans l'éducation soit le but essentiel assigné à l'Union et que le développement d'une éducation de qualité soit ramené au niveau des objectifs plus concrets. Cela ne changerait rien sur le fond, mais cette modification permettrait une clarification.

Les autres modifications concerneraient précisément la description des objectifs concrets au second alinéa.

Au regard de la situation actuelle, il est évident qu'un effort particulier doit être mené au niveau européen pour favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants. Or, c'est clairement un domaine où l'action de l'Union européenne apporte une « plus value » par rapport à l'action des Etats membres, notamment en encourageant la reconnaissance des diplômes et par des programmes de financement.

C'est la raison pour laquelle je propose de hiérarchiser en quelque sorte les objectifs fixés par le traité pour faire de la mobilité une véritable priorité et d'inscrire l'objectif de la rendre systématique.

En revanche, il me semble plus difficile, pour des raisons pratiques évidentes, de fixer le même degré d'ambition en ce qui concerne la mobilité des élèves du primaire et du secondaire. Il faut, en effet, savoir que l'Union européenne compte plus de 75 millions d'élèves.

La seconde priorité me paraît être l'encouragement du plurilinguisme qui s'inscrit dans le cadre de la diversité culturelle. Là encore, l'Union européenne a un rôle essentiel à jouer, en particulier dans la perspective du prochain élargissement.

Je considère donc qu'il faudrait inscrire dans le traité l'objectif que tous les élèves puissent apprendre au moins deux langues étrangères autres que leur(s) langue(s) maternelle(s). Il ne s'agirait là que de reprendre le texte des résolutions adoptées par les ministres de l'éducation des Quinze en 1995 et 2001, ce qui en principe ne devrait pas soulever de difficultés, mais cela permettrait de donner un signal politique fort.

Les autres objectifs resteraient, quant à eux, inchangés.

(2) Une action revisitée : l'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de l'éducation

Comme il a été mentionné précédemment, l'Union européenne dispose de trois sortes d'instruments en matière éducative : des normes juridiques, des textes non contraignants et des programmes de financement.

Ces derniers présentent un réel intérêt pour encourager la mobilité ou la coopération entre les établissements, mais la modestie de leur dotation financière, la lourdeur de leur gestion et les risques de saupoudrage ne militent pas en faveur de leur extension à des champs d'application plus vastes. Au contraire, ils devraient être davantage concentrés qu'ils ne le sont jusqu'à présent sur les objectifs sus-mentionnés. Cela permettrait, notamment, d'augmenter les bourses de type Erasmus ou de concentrer les financements du programme Jeunesse sur le public des jeunes en situation d'échec scolaire.

L'utilisation de normes juridiques, qui ne s'appliquent effectivement qu'en matière de reconnaissance des qualifications à des fins professionnelles est également à exclure, car il ne s'agit pas ici de procéder à une harmonisation uniformisante.

Il reste donc les textes non contraignants, tels que les résolutions ou les recommandations, qui sont d'ailleurs très largement utilisées dans le domaine éducatif. Cependant, les éléments contenus dans ces instruments restent souvent inappliqués, faute d'un mécanisme d'évaluation et de suivi.

Il semble, en réalité, que la seule manière de concilier une action communautaire ambitieuse en matière d'éducation et le respect de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, passe par le recours à la « méthode ouverte de coordination » .

Cette méthode consiste :

- à définir des lignes directrices pour l'Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les Etats membres ;

- établir, le cas échéant, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d'évaluation, par rapport aux meilleures performances mondiales, qui soient adaptés aux besoins des différents Etats membres et des divers secteurs, de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques ;

- traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales ;

- procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs (conclusions du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000).

Elle offre, comme le souligne le Livre blanc de la Commission sur la gouvernance, le « moyen d'encourager la coopération, d'échanger de bonnes pratiques, de convenir d'objectifs communs et d'orientations communes aux Etats membres (...). Elle se fonde sur la mesure régulière des progrès réalisés sur la voie de ces objectifs afin que les Etats membres puissent comparer leurs efforts et s'enrichir de leurs expériences mutuelles. »

Cette méthode a été appliquée, pour la première fois, au domaine de l'emploi avec le procédé des « lignes directrices pour l'emploi », lancé au Conseil européen d'Essen et inscrit dans l'article 128 du traité instituant la Communauté lors de la révision opérée à Amsterdam.

La méthode ouverte de coordination permet, en réalité, de renforcer la coopération entre les Etats membres pour atteindre les objectifs du traité, de manière souple et pragmatique, sans remettre en cause les compétences des Etats ou des collectivités décentralisées. C'est pourquoi, elle est particulièrement adaptée à des domaines, tels que l'emploi, le social, l'immigration, l'environnement ou l'éducation, qui relèvent avant tout des compétences nationales.

C'est la raison pour laquelle le Livre blanc sur la gouvernance de la Commission prône un renforcement de cette méthode tout en estimant que celle-ci doit demeurer complémentaire à l'action communautaire.

L'application de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de l'éducation paraît d'autant plus pertinente que ce serait le moyen de prendre en compte l'éducation dans le cadre de la politique de l'emploi menée au niveau européen.

Cette raison a, d'ailleurs, incité les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du Conseil européen de Lisbonne, des 23 et 24 mars 2000, qui a fixé l'objectif de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » , à donner mandat au Conseil Education d'entreprendre une réflexion générale sur les objectifs concrets futurs des systèmes d'enseignement en vue de contribuer au processus des lignes directrices pour l'emploi.

Cela a donné lieu à un rapport, élaboré par la Commission et adopté par les ministres de l'éducation le 12 février 2001.

Le rapport définit, pour les dix prochaines années, trois objectifs stratégiques concrets :

- accroître la qualité et l'efficacité de l'éducation et de la formation dans l'Union européenne ;

- faciliter l'accès de tous à l'éducation et à la formation ;

- ouvrir les systèmes éducatifs vers l'extérieur : vers la société au niveau local et national, vers l'Europe et sur le monde.

Par ailleurs, le rapport définit un certain nombre de domaines où il est particulièrement important que ces trois objectifs soient réalisés. Il s'agit, notamment, d'améliorer la formation des enseignants, d'assurer l'accès de tous aux technologies de l'information et de la communication, d'intensifier le recrutement aux études de sciences et de technologie, d'améliorer l'assurance de la qualité, d'améliorer l'apprentissage des langues, d'accroître la mobilité et les échanges par-delà les frontières, de renforcer l'articulation entre l'enseignement et la vie professionnelle, et enfin de promouvoir une citoyenneté active, l'égalité des chances et la cohésion sociale.

Comme le reconnaît la Commission, « il est évident que de nombreux éléments décrits dans ces objectifs peuvent être pris en charge par les autorités nationales ou régionales et discutés le cas échéant avec des associations et les partenaires sociaux, mais tous ces objectifs auraient à bénéficier d'un processus d'examen par les pairs, d'un échange de bonnes pratiques et d'une comparaison des progrès accomplis par les Etats membres » .

Les prochains développements sont attendus pour le Conseil européen de Barcelone en mars 2002.

Parallèlement, la Commission européenne vient d'adopter le Livre blanc sur la jeunesse, qui entend promouvoir la méthode ouverte de coordination pour donner un nouvel élan à l'action communautaire en direction des jeunes. Il s'agirait, en particulier, grâce à ce procédé, de renforcer la participation des jeunes à la vie publique, d'encourager le volontariat, d'améliorer l'information des jeunes et d'améliorer la connaissance du domaine de la jeunesse par les pouvoirs publics.

Néanmoins, l'application de la méthode ouverte de coordination au domaine de l'éducation soulève les réticences de certains pays, et des Länder allemands, qui estiment qu'elle est trop bureaucratique et qu'elle va à l'encontre du principe de subsidiarité. Certes, il ne convient pas de transposer tel quel le procédé des lignes directrices pour l'emploi au secteur de l'éducation, mais de l'adapter. Il faut, en effet, définir des modalités spécifiques tant en termes d'indicateurs et d'outils d'évaluation, que du point de vue institutionnel. Ainsi, contrairement aux lignes directrices pour l'emploi, qui sont élaborées chaque année, ces lignes directrices pour l'éducation devraient avoir une périodicité plus longue, compte tenu de la grande « rigidité » des systèmes d'éducation et du délai de mise en oeuvre. On pourrait ainsi imaginer une périodicité de trois ou cinq ans.

Par ailleurs, le Conseil européen ne serait pas concerné par ces lignes directrices mais uniquement le Conseil des ministres de l'Education de l'Union, ce qui simplifierait la procédure. A l'inverse, comme pour l'emploi, le Parlement européen, le Comité économique et social et le Comité des régions seraient consultés et le rôle de la Commission serait ainsi renforcé. A l'instar de l'emploi également, je pense qu'il est important d'inscrire cette méthode dans le traité, à côté des mesures d'encouragement et des recommandations pour bien marquer la spécificité de l'éducation par rapport à l'emploi. Il y eu, en effet, une certaine ambiguïté à propos du « rapport sur les objectifs concrets futurs », sur le fait de savoir si cet exercice devait se limiter uniquement au volet éducatif de la stratégie européenne pour l'emploi ou inclure également la dimension civique de l'éducation.

(3) Le recours à la géométrie variable

La possibilité offerte aux Etats membres qui le souhaitent d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, que ce soit par la méthode intergouvernementale ou même par le mécanisme des « coopérations renforcées », tel qu'il est prévu par le traité, offre de grandes perspectives en matière d'éducation.

Comme l'a déclaré le ministre de l'Education nationale, M. Jack Lang, dans son intervention au Sommet interministériel de Prague, des 18 et 19 mai 2001 :

« Il ne faudrait pas qu'un cadre institutionnel freine les initiatives que certains voudraient prendre (...) Par ailleurs, n'attendons pas de trouver sur tout sujet un accord unanime : pourquoi faudrait-il absolument que tous marchent du même pas ? Certains, volontaires, peuvent ouvrir la voie, les autres les rejoindront. Prenons des initiatives à deux, à trois, à six ; nous pouvons les uns et les autres, en pleine liberté, nous associer, nous fédérer. Nous pouvons avancer selon une « géométrie variable » (...). Pour notre part, nous sommes résolus à aller de l'avant et à constituer, avec les pays qui le souhaiteront, une avant-garde ».

Ainsi, le ministre délégué chargé de l'Enseignement professionnel, M. Jean-Luc Mélenchon, a pris récemment l'initiative de lancer un projet pilote visant à construire en commun, dans le respect des spécificités nationales, des référentiels communs de formation, puis des diplômes européens dans le domaine de l'enseignement professionnel. Ce projet concerne actuellement deux secteurs (l'automobile et l'hôtellerie) et implique cinq Etats membres et deux pays candidats. Il est ouvert aux autres pays de l'Union et pourra ensuite être étendu à d'autres secteurs. Comme l'a déclaré ce ministre, lors du dernier Conseil Education de novembre dernier : « l'approfondissement de la construction européenne nécessite une certaine convergence des systèmes éducatifs des Etats membres, seule à même de garantir la mobilité des étudiants en Europe » .

On pourrait également, par ce biais, favoriser l'émergence dans toute l'Europe de véritables universités européennes, qui soient à la fois des lieux de formation pour des étudiants et des enseignants de tous les pays européens et d'importants centres culturels, sur le modèle des universités européennes d'été, qui fonctionnent depuis l'année dernière en France. Dans le même ordre d'idée, une université franco-allemande vient d'être créée en 2000, ainsi qu'une université franco-italienne en 2001.

L'examen de la répartition actuelle des compétences en matière d'éducation entre l'Union et les Etats membres doit donc conduire à renforcer l'action de l'Europe dans certains domaines.

Le principe de subsidiarité dit, en effet, que la Communauté ne doit agir que si l'objectif ne peut être réalisé de manière suffisante par les Etats membres, mais lorsque tel est le cas, il comporte également une obligation d'agir pour la Communauté en vue de réaliser cet objectif.

Je crois que cela permettrait de faire de l'Europe une réalité concrète et tangible pour les citoyens, et donc de renforcer leur adhésion au projet européen.

En conséquence, et compte tenu de ces éléments, l'article 149 pourrait être modifié de la manière suivante :

Traité instituant la Communauté européenne

Article 149

TEXTE ACTUEL

NOUVELLE REDACTION

1. La Communauté contribue au développement d'une éducation de qualité en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

1. La Communauté contribue au développement d'une dimension européenne dans l'éducation en encourageant la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

2. L'action de la Communauté vise :

- à développer la dimension européenne dans l'éducation, notamment par l'apprentissage et la diffusion des langues des Etats membres ;

- à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études ;

- à promouvoir la coopération entre les établissements d'enseignement ;

- à développer l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des Etats membres ;

- à favoriser le développement des échanges de jeunes et d'animateurs socio-éducatifs ;

- à encourager le développement de l'éducation à distance.

2. L'action de la Communauté vise :

- en priorité , à favoriser, avec l'objectif de la rendre systématique , la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études ;

- à encourager l'apprentissage par tous les élèves d'au moins deux langues étrangères autres que leur(s) langue(s) maternelle(s) ;

- à développer la qualité dans l'éducation ;

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

3. La Communauté et les Etats membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation, et en particulier avec la Conseil de l'Europe.

Alinéa sans modification

4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :

- statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ;

- statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, des recommandations.

4. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article, le Conseil adopte :

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

- statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission et, après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, des lignes directrices pluriannuelles, dont les États membres tiennent compte dans leurs politiques en matière d'éducation.

Chaque État membre transmet au Conseil et à la Commission un rapport sur les principales mesures qu'il a prises pour mettre en oeuvre sa politique, à la lumière des lignes directrices pour l'éducation.

Sur la base de ces rapports, le Conseil procède à un examen de la mise en oeuvre de ces lignes directrices par les États membres, qui donne lieu à un rapport.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission peut, s'il le juge approprié à la suite de cet examen, adresser des recommandations aux États membres.

* (7) M. Antoine Bousquet, in Education et formation dans l'Union européenne, Réflexe Europe, La Documentation française, janvier 1999, p. 7.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page