III. LE DOMAINE DE L'ÉDUCATION (Réunion du 30 janvier 2002)

A. COMMUNICATION DE M. SERGE LAGAUCHE

L'éducation fait partie des domaines les plus souvent cités, sinon les plus menacés, avec la culture, la politique agricole commune et la politique régionale, lorsqu'on évoque la question de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, notamment en Allemagne, où plusieurs voix se sont exprimées pour contester la compétence de la Communauté et demander une « re-nationalisation » de ces matières.

L'éducation est, en effet, une compétence essentielle des Etats membres et, le plus souvent, une compétence exclusive des Etats fédérés ou des collectivités décentralisées en Europe, comme les Länder allemands ou les communautés du Royaume de Belgique, à laquelle ils sont fortement attachés. Et, dans le même temps, on voit bien tout l'intérêt d'une action ambitieuse de l'Europe dans le domaine éducatif, qui serait au service de l'affirmation d'une citoyenneté européenne et qui s'inscrirait dans le cadre du modèle économique et social propre à l'Europe. Qui contesterait, par exemple, la nécessité d'encourager en Europe la mobilité des étudiants ou l'apprentissage des langues ?

Dès lors, la question de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres dans le domaine de l'éducation se pose avec acuité et nécessite de partir du texte même du traité, pour évaluer ensuite les différentes actions entreprises par l'Union en matière d'éducation, avant de proposer éventuellement des améliorations pour aboutir à une répartition plus précise des compétences entre la Communauté et les Etats membres qui soit compatible avec l'émergence progressive d'un véritable « espace éducatif européen ».

1. Le traité : les compétences de l'Union européenne en matière d'éducation

a) L'Union européenne ne s'est vue reconnaître une compétence en matière d'éducation que tardivement

L'éducation n'a été reconnue formellement comme compétence communautaire que tardivement, par le traité de Maastricht, en 1992. Les Etats membres n'ont accepté qu'avec réticence une action communautaire dans un domaine considéré comme fondateur de l'identité nationale et réservé, soit à l'action de l'Etat central, dans les pays centralisés, soit à celle des collectivités infra-étatiques, dans les Etats fédéraux.

Seul un domaine spécifique, celui de la formation professionnelle, avait été expressément visé par un article du traité de Rome. Cet article prévoyait « l'établissement de principes généraux pour la mise en oeuvre d'une politique commune de formation professionnelle, pour contribuer au développement harmonieux tant des économies nationales que du marché commun » .

Ainsi, l'action de la Communauté a été, à l'origine, exclusivement consacrée à l'aspect économique de l'éducation, en l'occurrence à la formation professionnelle des adultes, et s'inscrivait dans le droit fil du marché unique. D'ailleurs, les premières actions de la Communauté dans ce domaine ont pris la forme de directives relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, basées sur les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, ou de financements accordés par le biais des fonds structurels (Fonds social européen notamment).

Néanmoins, l'interprétation extensive de cet article par la Cour de justice des Communautés européennes et l'action volontariste de la Commission européenne ont conduit à élargir considérablement le champ d'intervention de la Communauté en matière éducative. Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré, dans son arrêt « Gravier » du 13 février 1985, que « toute forme d'enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, un métier ou un emploi spécifique, ou qui confère l'aptitude particulière à exercer de tels profession, métier ou emploi, relève de l'enseignement professionnel, quels que soient l'âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d'enseignement inclut une partie d'éducation générale » . Par ailleurs, entre 1987 et 1990, ont été mis en place de très nombreux programmes de financement couvrant tout l'éventail de l'éducation, comme, par exemple, Erasmus (sur les échanges universitaires), Comett (sur les rapports université/entreprise), Force (formation continue), Petra (formation initiale) ou Eurotecnet (ressources humaines).

Cette extension du champ d'intervention de la Communauté n'est pas allée sans rencontrer une certaine résistance de la part des Etats membres. C'est pourquoi la reconnaissance dans le traité de Maastricht d'une compétence communautaire en matière d'éducation doit se comprendre comme la volonté des Etats membres d'encadrer cette action grâce au principe de subsidiarité .

b) Une compétence encadrée par le principe de subsidiarité

Il ressort, en effet, du traité que le « développement d'une éducation de qualité » constitue la priorité de l'action communautaire, qui doit respecter pour cela « la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique ».

Et, de la même manière, l'article relatif à la formation professionnelle dispose que « la Communauté met en oeuvre une politique de formation professionnelle, qui appuie et complète les actions des Etats membres, tout en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu et l'organisation de la formation professionnelle ».

Par ailleurs, les objectifs assignés à l'action de la Communauté sont rédigés de manière très précise dans le traité.

Ainsi, en ce qui concerne l'éducation, il s'agit de favoriser :

- l'apprentissage des langues étrangères ;

- la mobilité des étudiants et des enseignants, notamment par la reconnaissance académique des diplômes ;

- la coopération entre les établissements d'enseignement ;

- l'échange d'informations et d'expériences sur les questions communes aux systèmes d'éducation des États membres ;

- les échanges de jeunes ;

- le développement de l'éducation à distance ;

- la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation, en particulier le Conseil de l'Europe.

Pour réaliser ces objectifs, la Communauté ne peut recourir qu'à des recommandations ou à des mesures d'encouragement. En effet, le traité précise explicitement que toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est exclue .

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