CONCLUSION

Il est des bilans qui ne correspondent pas aux idées reçues. Celui de la loi de réglementation des télécommunications est de ceux-là. Il révèle plusieurs paradoxes qui ne manquent pas d'étonner.

Le Gouvernement auquel a incombé la responsabilité d'appliquer les orientations de ce texte est issu des rangs de ceux qui avaient critiqué l'introduction de la concurrence en prétextant qu'elle menaçait le service public. On aurait donc pu s'attendre à ce qu'il freine la première et valorise le second.

Or, s'il s'est révélé un bon suiveur du mouvement de libéralisation impulsé dans les différents pays de l'Union européenne, il a laissé le service universel stagner dans son périmètre initial, alors même que la téléphonie mobile s'est, depuis, substituée à la téléphonie fixe comme mode de communication dominant 147 ( * ) . Bien plus, il a tardé à mettre en oeuvre le volet social du service universel et, près de six ans après le vote de la loi, l'annuaire universel, les renseignements universels et le « numéro personnel » (numéro de téléphone pouvant être conservé à vie malgré changements d'adresse et d'opérateur) n'ont toujours pas été institués. Et, last but not least , une fracture territoriale numérique se dessine et s'accompagne d'un transfert clandestin des charges financières d'établissement d'infrastructures de télécommunications vers les collectivités locales : l'inverse de la logique de péréquation nationale prônée par la loi de réglementation !

Le volet libéral de cette politique a démontré la pertinence du choix de 1996 : la concurrence a entraîné baisses importantes des prix, multiplication des services à l'abonné, diversification des technologies, expansion de la consommation, augmentation de la productivité des entreprises... En revanche, pour ce qui concerne le service universel que la législation de 1996 avait, en son temps, consolidé, la posture adoptée engendre des risques de dépérissement. Pour le territoire, elle tend à fissurer le principe de solidarité entre collectivités locales, qui veut que les plus favorisées soutiennent le développement des moins favorisées. En ces domaines, l'application de la loi n'a pas été à la hauteur de ses ambitions.

Au vu de ce bilan, une conclusion s'impose : il faut retrouver l'esprit et l'élan de la loi de 1996. S'appuyer sur l'expérience acquise pour conforter la régulation concurrentielle, élargir le service universel à la téléphonie mobile de base, permettre aux collectivités territoriales d'imposer l'itinérance locale entre réseaux mobiles, normaliser la fiscalité locale de France Télécom, voilà quelques-unes des mesures qui permettraient de revitaliser une politique de réglementation aujourd'hui en voie d'asthénie.

Ce sont celles-ci et bien d'autres qu'il est proposé de mettre en oeuvre, tant il est vrai qu'un marché des télécommunications sans service universel et sans conscience territoriale ne serait que ruine des solidarités collectives indispensables à la vie d'un pays.

* 147 En nombre d'abonnés (37 millions contre 34 millions pour le fixe).

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