PREMIÈRE TABLE RONDE : QUE PEUT LA TECHNIQUE ?

M. Pierre LAFFITTE, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles sur le budget de la recherche

La technique peut beaucoup, et peut-être même beaucoup trop.

Nous sommes, en effet, devant une floraison d'innovations qui envahissent de nombreux champs d'activités et modifieront probablement considérablement beaucoup de structures hiérarchiques, y compris celles de l'Etat.

L'usage des fréquences est au coeur de notre sujet. Nous avons, avec mon collègue René Trégouët, abordé ce point dans un rapport sur l'évolution des techniques dans les secteurs des télécommunications. Du fait de la convergence, télévisions et télécommunications se trouvent réunies et le seront de plus en plus, ceci d'autant qu'arrivent de nouveaux acteurs auxquels nous n'avions pas encore pensé. Par exemple, on ne parle pas encore des fibres optiques, qui se développent pourtant sur l'ensemble du territoire.

Le problème de la télévision numérique n'est donc pas uniquement celui de la télévision numérique hertzienne terrestre. C'est d'ailleurs une donnée largement répandue chez nos voisins, auprès desquels, à l'occasion de ce rapport, je me suis livré à une enquête.

Les Allemands n'ont pas les mêmes problèmes, puisque 50 % des diffusions de télévisions sont faites par le câble, 30 % par satellite. Leur programme de télévision numérique terrestre est établi depuis 4 ans et réunit une cinquantaine d'organismes : l'Etat fédéral, les Länder et les principaux opérateurs. En 2010, il n'y aura plus de télévision analogique en Allemagne ; des fréquences seront donc libérées, et seront utilisables par des opérateurs qui pourront être prioritaires.

Ce problème des fréquences est essentiel.

L'ART et le CSA, par exemple, vont être amenés à coopérer et à réclamer beaucoup plus de moyens, car la gestion des fréquences va demander beaucoup plus de moyens techniques. Il est d'ailleurs anormal que la France ne dispose pas, pour le compte de la puissance publique, d'un grand pouvoir de compétences et d'expertise. Le problème de l'allocation des fréquences va en effet devenir de plus en plus important au plan international : il faut pouvoir en discuter avec des partenaires européens et mondiaux, notamment pour les fréquences qui seront utilisées par le satellite.

Nous ne sommes pas actuellement en mesure de prévoir certaines évolutions, indépendamment d'intérêts particuliers, même honorables, des grands opérateurs de télécoms ou de télévisions. Ericsson ou Nokia nous ont entraînés dans l'idée que l'UMTS allait être la panacée qui permettrait aux Etats, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne, de gagner beaucoup d'argent au détriment d'un secteur économique qui poussait la croissance...

Il ne faudrait pas nous retrouver dans des situations analogues, où les considérables investissements nécessaires conduiraient à une fracture numérique et télévisuelle dans la population française, notamment au niveau des petites agglomérations.

Ceci pourrait être à l'origine d'une nouvelle disparité insupportable au plan de la diffusion du savoir, des multimédias et surtout en matière de localisation des industries.

Cette réflexion n'est pas maîtrisée pour le moment par les pouvoirs publics, simplement parce que les techniques évoluent trop vite. Des problèmes restent à résoudre et cela entraînera forcément des changements ou des évolutions dans les structures actuelles.

Mme Christiane SCHWARTZ, directrice de l'innovation de France Télécom

Je souhaite éclairer, en m'appuyant sur l'analyse des ruptures technologiques, les problématiques que sont les bases technologiques bien maîtrisées, les produits disponibles, les fonctionnalités vraiment possibles.

Je vous proposerai tout d'abord une grille de lecture des conséquences de la numérisation sur la télévision.

Aujourd'hui la télévision est un bloc qui comprend le téléspectateur, puis l'écran et l'image, bien paramétrés, la diffusion, elle aussi bien balisée, la production et le concept éditorial lui-même, parfaitement structurés également du fait de la gestion du temps de programmation.

On va bien sûr poursuivre dans cette voie d'une télévision unique avec les technologies numériques. Il faut toutefois être conscient du fait que cette numérisation, notamment dans son achèvement par le dernier maillon de la diffusion, rend désormais les briques constitutives de la télévision indépendantes les unes des autres. Chacune de ces briques va être soumise à des pressions, à ses propres contraintes d'évolution technique et économique dans le jeu des acteurs anciens et nouveaux. Si une recombinaison de ces briques rencontre un usage et une validation économique, elle sera maintenant possible.

Telle est la grille de lecture.

Quelques questionnements sont alors indispensables.

Commençons par le téléspectateur.

Et si ce téléspectateur n'était plus coincé dans son sofa, mais nomade, c'est-à-dire dans un contexte plus exigeant ? Il faudra alors se demander : quelles images, pour quels débits, pour quels contenus ? Le champ technique nous indique là que plusieurs recombinaisons sont possibles entre tailles d'écran, réseaux, débits, codages...

Et si différents réseaux numériques de diffusion, interactifs, coopéraient pour rendre le meilleur service possible à notre utilisateur nomade ?

Il semble d'une part que la technique le permette, et d'autre part que cette prospective représente une riche perspective d'avenir.

Et si la loi de Moore, qui prédit avec précision la baisse des composants, nous offrait des volumes-mémoires considérables de plusieurs heures vidéo transportables sur un objet que l'on aurait dans la poche, notre consommateur nomade ne les téléchargerait-il pas ? La technique nous dit encore que cela est possible, et l'économie nous dit que cela est prévu à un terme connu.

Intéressons-nous ensuite à l'image et aux programmes.

Les standards DVB ouvrent déjà beaucoup de possibilités pour la créativité, pour l'interactivité, les guides de programmes, etc. Ces standards sont anciens mais continuent d'évoluer heureusement de façon cohérente et compatible. Ils permettent déjà d'utiliser des débits significativement plus bas et des outils d'interactivité plus intéressants, comme la norme MP4, utilisée par l'Internet.

Et si les pratiques actuelles de l'Internet modifiaient suffisamment les attitudes consommatrices de notre téléspectateur, pour le rendre actif dans la création des contenus ? Ainsi il aurait des choses à dire et à partager, tout simplement en rediffusant par exemple des objets audiovisuels vers sa communauté. Ce mouvement est technologiquement possible. Nous l'observons d'ailleurs déjà, en tant qu'opérateur de télécommunications, dans l'usage de nos réseaux haut débit.

Et si la créativité que nous observons par exemple dans le domaine des jeux n'avait pas encore donné sa pleine puissance pour faire émerger de nouvelles applications des nouvelles télévisions ? C'est l'hypothèse que fait le RIAM, le Réseau National pour l'Innovation Audiovisuelle et Multimédia, qui vise à dynamiser une pluri-disciplinarité propre à développer de tels nouveaux contenus.

Ainsi, pour chaque brique de la chaîne de l'image, il faut retenir des éléments comme l'importance de l'ouverture vers d'autres modes de consommation, la prise en compte de la diversité de réseaux, probablement très coopérants, de l'existence d'autres standards dans d'autres mondes, notamment celui de l'Internet, la capacité d'appropriation et de détournement de notre consommateur, son besoin de personnalisation.

Il faut garder tout ceci à l'esprit, car pendant que les nouvelles télévisions s'installent, les évolutions technologiques ne s'arrêtent pas, même si elles ne seront des réalités que lorsqu'elles auront rencontré un usage.

M. Bruno CHETAILLE, président de Télédiffusion de France (TDF)

Je ferai, sur le dossier de la télévision numérique terrestre, quelques commentaires qui ne sont pas tout à fait du domaine technique.

La technique permet de reculer les frontières du possible, mais pour transformer une technologie de laboratoire en produit pour le téléspectateur, il faut un temps assez long qui comporte quelques règles. Il faut en général de 10 à 15 ans pour passer du laboratoire au marché, et environ 10 ans encore pour que plus de 50 % des consommateurs s'approprient un nouveau produit ou un nouveau service. Ainsi le CCETT a été créé à Rennes il y a 25 ans pour justement travailler sur le numérique et explorer les possibilités de convergence entre télécommunication et audiovisuel. Depuis, cette technologie s'est progressivement installée tout au long de la chaîne de l'image, la diffusion hertzienne étant le dernier maillon de la numérisation de l'image.

Le moment est aujourd'hui venu pour que cette idée technique trouve son marché, en valorisant ses atouts.

Il s'agit d'une technologie normalisée et maîtrisée. Elle apporte au téléspectateur et au citoyen, des atouts incontestables. L'universalité tout d'abord : l'hertzien est un moyen accessible au plus grand nombre. Cette universalité est un facteur de développement du marché et un avantage démocratique. Une facilité d'usage ensuite : le numérique terrestre est pratique et ouvre la voie de la portabilité. La richesse enfin : le numérique élargit l'offre de programmes, avec 36 chaînes au lieu de 6. Il propose des services complémentaires, du type Internet diffusé, et donne un nouvel "appel d'air" pour la communication locale.

La question n'est donc pas de savoir si le numérique terrestre va se développer, mais de savoir comment réunir les conditions de son succès.

Une première condition est qu'il y ait un cadre législatif et réglementaire stabilisé. Le dernier décret sur ce sujet devrait sortir dans les prochains jours. On peut s'en réjouir. Le cadre est là même s'il est complexe.

Il faut ensuite mettre en oeuvre une offre de programmes attractive. Le CSA a lancé son appel d'offre pour la constitution du bouquet. La question-clé sera celle de l'équilibre entre chaînes gratuites et chaînes payantes.

J'insisterai sur la troisième condition : la nécessité d'une coordination très étroite entre tous les acteurs concernés. Cette coordination signifie tout d'abord une date de lancement opérationnel connue de tous les acteurs, afin qu'ils puissent faire converger leurs efforts ; ensuite il faut un calendrier de déploiement sur le territoire français.

La télévision numérique terrestre est donc une opportunité sur de nombreux plans, à nous d'y travailler ensemble pour en faire un succès.

M. Michel FENEYROL, membre de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

La tâche qui attend l'ART est importante, elle en a l'habitude.

Si comme le disait M. Laffitte la technique peut presque tout, comme le disait M. Chetaille, il lui faut du temps. Ce qui s'est produit avec l'UMTS est une belle démonstration du fait qu'un planning ne se décrète pas, et que les choses doivent mûrir.

Il faut d'autre part également prendre en compte le coût de l'opération. Des problèmes économiques, de bilans et de modèles, se posent. En effet, l'Internet gratuit, le renversement du Nasdaq, et la situation de certaines dotcoms permettent de concrétiser cette constatation.

De plus, une fois un modèle adopté, il faut s'assurer que le consommateur suive le mouvement.

Avec l'avènement de la télévision numérique, on arrive à la numérisation généralisée. Ainsi depuis les fêtes de Noël avec l'achat d'appareils de photo numériques, de DVD, de télévision numérique, il faut prendre acte de cette généralisation.

Il faut de la même façon se rendre compte du fait que nous sommes entrés en plein dans le domaine de la convergence. Ainsi, avec toutes les techniques XDSL, le réseau de cuivre va être capable de transmettre de la télévision de bonne qualité. C'est sur les réseaux câblés, et ce malgré la montée de l'ADSL, qu'il y a encore aujourd'hui le plus d'accès Internet haut débit. Nous avons donc deux réseaux d'accès qui sont devenus multimédias et sur lesquels tout converge, et l'on peut dire la même chose du satellite, ce qui fait au moins trois.

Tout cela change complètement la situation des fournisseurs de services. Ils vont pouvoir valoriser leurs contenus sur ces multiples réseaux. C'est ce monde qu'il faut essayer d'organiser.

L'équilibre économique d'un fournisseur de services, Internet ou de télévision, repose sur un monde de multiples services pouvant passer sur de multiples réseaux. Face à ce monde, on doit se demander si notre législation ou notre mode de régulation est adapté pour gérer cela dans un esprit qui permette aux différents acteurs de s'épanouir, au bénéfice des utilisateurs résidentiels ou professionnels. Ce débat doit intervenir dans les prochains mois, d'autant plus qu'au niveau de la Commission européenne, après un long parcours, le paquet télécommunication vient d'être adopté. Les Etats vont disposer d'une quinzaine de mois pour le transposer. Le chantier de remise à jour du domaine législatif et réglementaire dans notre pays va certainement être important.

Il m'apparaît essentiel qu'à cette occasion notre pays prenne des dispositions qui intègrent les constats précédents, et qu'en particulier il prenne des dispositions qui fassent que les règles de gestion des différents réseaux soient harmonisées de telle façon qu'elles permettent aux fournisseurs de services et aux consommateurs d'avoir une neutralité technique réglementaire vis-à-vis des différents supports. Ceci va dans le sens de ce que recommande la Commission : que la communication électronique soit prise en compte dans son ensemble dans le cadre réglementaire et législatif, au-delà des pures télécommunications.

Par ailleurs, il est essentiel, pour relancer le secteur des services, de poser le problème des services en ligne, quel qu'en soit le support. C'est là que se situe le futur grand vecteur de croissance de ce domaine : la consultation de bases de données a un grand avenir.

Je pointerai également le problème de la mobilité, lié aussi à la convergence. Qui dit mobilité dit fréquences.

Nous devons là aussi avoir une organisation de la réglementation et de la gestion des fréquences qui permette d'optimiser l'usage global du spectre. On a traité les besoins de la mobilité en prenant des fréquences de plus en plus directives qui pénètrent de moins en moins dans les immeubles : ce n'est pas ce qu'il faut faire ! Il faut revenir à des fréquences qui diffusent le plus possible.

Enfin, il faut regarder ce qui se passe sur les points hauts, car il n'y a pas de mobilité sans émetteurs sur les points hauts. La aussi, il faut harmoniser le travail des services concurrents ou coopérants à la gestion et l'exploitation des points hauts.

M. Joseph HADDAD, président-directeur général de Netgem

La TNT pose un challenge très intéressant, qui oblige à figer le rêve. Si tout est virtuellement possible, il faut se poser la question de ce qui est véritablement possible économiquement, dans ce cadre extrêmement large.

En effet, il ne s'agit plus ici de technologie élitiste, mais d'une technologie qui doit s'appliquer à un marché très large.

Nous avons réfléchi à une offre technologique répondant aux particularités du marché français. Nous avons ainsi mis en avant trois éléments.

Premièrement, dans un marché que la loi voulait non-concurrentiel avec celui du câble et du satellite, la TNT a pour objectif se s'adresser à environ 2/3 des foyers français.

Deuxièmement, la TNT se définissait en effet comme le passage au numérique de la télévision, c'est-à-dire un élargissement de l'offre gratuite. C'est bien un aspect très particulier par rapport à la façon dont la TNT avait été développée ailleurs.

Enfin, nous avons fait le pari de l'interactivité et de la diminution de la passivité du téléspectateur.

En fonction de ces trois éléments, enrichissement de l'offre gratuite, de la qualité numérique et interactivité, nous avons construit une offre technologique qui ne sera pas monopolistique, que l'on se rassure.

Concrètement, le choix offert au consommateur ne sera plus de savoir s'il paye un abonnement, mais s'il s'achète un équipement qui lui permettra, à vie, de voir les chaînes du bouquet.

Mais cet équipement devra permettre aussi l'accès aux offres payantes. C'est en effet l'équilibre entre gratuit et payant qui est la condition macroscopique du succès de la télévision numérique terrestre. L'interactivité est ici très importante puisqu'elle favorise la transaction pour amener le consommateur vers les offres payantes qui l'intéressent. Le gratuit est ainsi un véhicule de pénétration du payant et crée les bases d'un équilibre et d'un continuum de la clientèle.

M. Yvon LE BARS, membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

La loi du 1 er août 2000, que le CSA doit bien entendu s'attacher à respecter, a fixé le cadre juridique du développement de la TNT, ainsi que son calendrier.

L'évolution technologique amène toute une série d'avantages : augmentation des capacités de diffusion, offre élargie pour le téléspectateur, meilleure image et meilleur son, capacités accrues d'interactivité et liens possibles avec le réseau Internet, ainsi qu'à terme une baisse importante des coûts de diffusion et une libération de fréquences quand on arrêtera la diffusion en analogique.

La loi d'août 2000 a chargé le CSA de deux choses essentielles : planifier les fréquences numériques nécessaires et sélectionner les diffuseurs de services qui en bénéficieront.

Le principe retenu est de planifier ces fréquences dans le cadre de la bande actuellement utilisée en analogique, et d'utiliser les 110 points hauts également utilisés en analogique. Une première phase de planification a été rendue publique au mois de juillet dernier ; elle concerne les 29 premiers sites, 6 multiplex ayant été identifiés sur chacun d'entre eux, qui permettent de couvrir environ 50 % de la population française. La fin de cette planification est prévue pour mars 2003.

C'est dans ce contexte que nous avons lancé l'appel à candidatures au mois de juillet dernier. Il porte sur les fréquences identifiées sur ces 29 premiers sites et vise des services de télévision à vocation nationale, à temps complet ou partiel, thématiques ou généralistes, en clair ou cryptés.

Combien de services de télévision numériques seront possibles ?

La réponse à cette question est techniquement complexe, compte tenu de la variété des besoins en bande passante des différents programmes, de la nécessité d'avoir une qualité excellente de l'image et du son. Sur ces 6 multiplex, nous pensons qu'il est possible d'avoir 33 services de télévision.

Le secteur public dispose de la priorité pour 8 chaînes. Nous réservons d'autre part les capacités nécessaires pour la télévision locale : 3 services locaux par zone considérée. Restent donc 22 services de télévision sur lesquels porte l'appel à candidature.

La date limite de réponse à cet appel n'est pas encore fixée : elle sera fixée 45 jours après la date du dernier décret, concernant les obligations de reprises sur les réseaux câblés, qui doit sortir dans les prochains jours. Quatre mois seront ensuite nécessaires pour dépouiller les dossiers, puis quatre mois supplémentaires pour signer les conventions et autoriser les éditeurs de services, ce qui devrait nous mener en novembre 2002.

Nos procéderons selon la méthode de soumission comparative, au regard des 8 critères qui figurent dans la loi :

- la capacité de répondre aux attentes d'un large public ;

- la nécessité d'assurer une véritable concurrence et la diversité des opérateurs ;

- la sauvegarde du pluralisme ;

- l'expérience acquise par les candidats ;

- les engagements en matière de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;

- les engagements relatifs à la couverture du territoire ;

- la cohérence des propositions en matière de regroupement et de choix des distributeurs ;

- le financement et les perspectives d'exploitation du service.

Débat avec la salle

M. Joël WIRSTZEL , directeur de la publication de Satellifax :

Le calendrier présenté est selon certains relativement optimiste. C'est notamment ce qu'a dit -dans La Tribune je crois- M. Marc Renard, directeur général de TDF.

Peut-on préciser quelle sera la date de lancement réel des nouvelles chaînes numériques ?

J'aimerais d'autre part que l'on précise le prix des décodeurs. En Grande-Bretagne vont apparaître sur le marché des décodeurs à un prix voisin de 150 €. Qu'en sera-t-il en France, en particulier pour un décodeur permettant uniquement l'accès aux chaînes gratuites ?

M. Yvon LE BARS :

Pour les délais, il faut être précis et tenir compte des responsabilités de chacun. Les choses doivent se faire dans l'ordre.

D'abord il faut que le cadre juridique soit défini, c'est la tâche du gouvernement.

Ensuite vient le travail du CSA, que je viens de décrire et qui a permis au président Dominique Baudis d'annoncer que le cadre serait tracé et finalisé en novembre 2002.

La suite du calendrier dépend du planning des éditeurs de services, des opérateurs techniques et des distributeurs commerciaux. C'est bien pour cela que nous n'avons pas fixé de date de démarrage, mais il est souhaité que celle-ci soit la plus rapprochée possible.

Nous avons demandé que les acteurs nous précisent, dans leur dossier de candidature, leur plan de développement et donc leur date de démarrage.

M. Joseph HADDAD :

Le prix des décodeurs a donné lieu à beaucoup d'informations et de rumeurs contradictoires.

L'équipement de base permettant au téléspectateur de recevoir les chaînes gratuites, de s'abonner s'il le souhaite aux chaînes payantes et d'accéder à l'interactivité, sera disponible entre 150 et 200 €.

Une économie de l'ordre d'une vingtaine d'euros peut être réalisée en n'offrant que l'accès aux chaînes gratuites. Nous ne serons pas forcément sur ce marché, parce que nous pensons que l'ouverture vers le payant est le coeur du marché de la TNT.

M. Serge HIREL, journaliste, la lettre A :

Le contrôle d'accès, selon M. Haddad, coûterait une vingtaine d'euros. Qu'en est-il de l'interactivité ? La loi ne prévoit d'ailleurs pas grand-chose en termes d'interactivité...

Je voudrais savoir d'autre part si M. Chetaille est d'accord avec son directeur général...

Enfin, les prochaines échéances électorales auront-elles un effet sur le calendrier de la TNT ?

M. Bruno CHETAILLE :

Oui, je suis d'accord avec mon directeur général !

Marc Renard a dit que, le cadre législatif réglementaire étant encore en cours de consolidation, et le cadre général étant tracé, comme l'a dit M. Le Bars, en novembre 2002, on est conduit à penser, compte tenu de la nécessité pour les éditeurs et distributeurs commerciaux de se mettre en position opérationnelle sur le marché, que le lancement opérationnel aura lieu en 2003.

J'ajoute qu'il a précisé que nous serions prêts à la date choisie par nos clients.

M. Joseph HADDAD :

Les coûts que j'évoquais intègrent bien la part interactivité.

Les travaux préparatoires de la loi du 1 er août 2000 ont beaucoup insisté sur l'interactivité dans le numérique terrestre. Si la loi ne dit pas l'interactivité, elle ne l'interdit pas ! Nous sommes donc dans le cadre de l'intention, c'est-à-dire de l'esprit de la loi.

M. Pierre LAFFITTE :

A mon sens, il est fondamental que l'interactivité soit très présente dans l'ensemble des chaînes hertziennes numériques terrestres. Il n'y a pas de raison d'affecter ce bien rare que sont les fréquences à des chaînes qui n'apporteraient pas ce "plus" qui est d'une importance fondamentale sur les plans sociologiques et sociaux. Pensons aux domaines de la formation ou de la télémédecine par exemple. Il ne s'agit pas d'avoir uniquement des fonctions de divertissement.

M. Yvon LE BARS :

J'ai bien cité les possibilités de services interactifs comme étant un des avantages de la télévision numérique terrestre !

Dans l'appel à candidature les services interactifs sont expressément prévus. La loi prévoit que les services de télévision peuvent être complétés par des services de communication autres que télévisuels. Le cadre juridique des services interactifs existe donc et nous pourrons les conventionner. C'est un progrès par rapport à ce qui existe sur le câble et le satellite.

M. Gérard GANACIA, cabinet de consultants E-Comedia :

Les huit critères précédemment cités par M. Yvon Le Bars sont-ils hiérarchisés ? Certains sont-ils plus importants que d'autres ? Leur prise en compte fera-t-elle l'objet d'une pondération ? Quelle transparence pour le marché dans la sélection des candidats ? Les pressions exercées aujourd'hui par certains grands acteurs n'auront-elles pas une certaine influence sur les choix ?

M. Yvon LE BARS :

Concernant la dernière question, je dirai simplement que le régulateur n'a nullement l'intention de se laisser influencer par les lobbies ou les pressions : il travaille dans le sens de l'intérêt général.

La loi n'a pas prévu de pondérer les critères. Il est cependant clair que certains d'entre eux sont moins importants que d'autres. Le critère de l'expérience, par exemple, n'est pas négligeable, mais il faut aussi laisser une place aux nouveaux entrants. En revanche, les critères économiques sont évidemment fondamentaux. Tous les dossiers seront examinés au regard des huit critères fixés par la loi et la synthèse sera faite au mieux de l'intérêt général.

M. Thierry GAINIÉ, Her-Bak Production :

Je suis producteur, j'exerce cette activité en Bretagne, et je m'interroge sur le financement des programmes des éditeurs, notamment au niveau local. Qu'en est-il de la libéralisation du marché de la publicité télévisée, de la suppression des secteurs interdits ?

M. Yvon LE BARS :

Cette question relève du gouvernement.

Le CSA, dans ses avis, a eu l'occasion d'exprimer tout d'abord son intérêt pour la télévision locale, domaine dans lequel nous avons pris un retard qu'il est important de rattraper.

Pratiquement toutes les télévisions locales aujourd'hui perdent de l'argent. Il y a donc toute une série d'interrogations sur leur financement. Le gouvernement prépare un rapport au Parlement sur cette question, en analysant les différents éléments de solution.

Pour ce qui nous concerne, nous avons exprimé notre souhait de voir se libéraliser le marché de la publicité, soumis à beaucoup de contraintes, en particulier pour aider au financement des télévisions locales.

M. Serge SURPIN, Satellifax :

Etant en contact régulier avec la clientèle potentielle de la TNT, j'observe que ses critères de satisfaction portent surtout sur la qualité de la réception, sur la portabilité, sur le « nomadisme ». J'ai l'impression qu'elle est moins intéressée par l'interactivité, par la possibilité de demander et de recevoir des informations ponctuelles ou des renseignement pratiques.

Par ailleurs, on dit que si certains grands groupes ne veulent pas aller sur la TNT, c'est parce qu'ils estiment que la diffusion par TDF est trop chère. Qu'en est-il réellement ?

M. Bruno CHETAILLE :

Le législateur a souhaité ouvrir à la concurrence le marché de la diffusion terrestre. Donc, si nos tarifs sont trop chers, d'autres pourront gagner des parts de marché... Cela dit, je ne crois pas que nous soyons trop chers : nos tarifs sont conformes à ceux pratiqués dans les pays européens qui ont déjà développé la TNT.

La compétition est donc ouverte, mais il faut savoir ce que recouvrent les tarifs avancés ici ou là. Ce qu'on peut retenir, c'est que la diffusion d'une chaîne numérique terrestre sera, à couverture identique, 8 à 9 fois moins chère que celle d'une chaîne analogique.

M. Jacques VALADE :

Je voudrais revenir d'un mot sur le sujet de l'interactivité, pour rappeler qu'elle ne se limite pas, comme on l'a dit tout à l'heure, à la possibilité d'obtenir des informations pratiques ou ponctuelles.

L'interactivité permet aussi le développement de services entièrement nouveaux et de nouveaux rapports entre les partenaires concernés ou éventuels et essentiellement avec le public.

C'est pourquoi, au Sénat, nous attendons du numérique de terre qu'il permette à la chaîne Public Sénat de mettre en place des services interactifs destinés bien sûr aux responsables des collectivités territoriales, mais aussi des services intéressant tout « l'espace citoyen » et en particulier le domaine de l'éducation, y compris l'enseignement supérieur au sens large du terme.

Ainsi entendue, l'interactivité peut et doit apporter beaucoup à la vie démocratique.

M. Serge SURPIN :

Si les normes ne sont pas encore définies, comment les industriels peuvent-ils prévoir d'être présents sur le marché, de fournir les équipements en quantité suffisante dès l'année prochaine ?

M. Joseph HADDAD :

L'aspect normatif est réglé. En ce qui concerne la disponibilité industrielle, nous serons quant à nous déjà présents sur le marché britannique dans les prochaines semaines.

M. Yvon LE BARS :

La question des normes est essentielle en matière de moteurs d'interactivité. Au sein du CSA un groupe de travail spécifique a été constitué pour comparer les normes possibles, pour recenser les demandes de fonctionnalités des différents éditeurs de services et donc voir comment l'offre pourra satisfaire la demande, sachant que le choix s'effectuera entre un nombre limité de normes.

Un autre groupe de travail étudie les problèmes de portabilité et un nouveau groupe de travail va être mis en place, à la demande d'ailleurs du Simavelec, pour étudier la question de l'adaptation des antennes.

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