III. LE VOLET AGRICOLE (Réunion du jeudi 4 avril 2002)

A. COMMUNICATION DE M. MARCEL DENEUX

L'agriculture est un des volets les plus difficiles, en tout cas les plus « sensibles » des négociations d'adhésion. Avec le chapitre budgétaire, c'est le seul chapitre qui ne soit clos avec aucun des douze pays.

S'il en est ainsi, c'est bien sûr parce que l'application de la PAC aux pays candidats soulève effectivement certaines difficultés, mais c'est surtout parce que les pays qui souhaitent une remise en cause de la PAC veulent saisir l'occasion de l'élargissement pour relancer le débat sur une réforme radicale.

La PAC est contestée pour son coût , surtout depuis la réforme de 1992, qui a remplacé en grande partie le soutien par les prix par des aides directes figurant au budget. La PAC représente environ 40% du budget communautaire et chacun se souvient des discussions sur le cofinancement des aides agricoles lors du Conseil européen de Berlin.

La PAC est également contestée depuis longtemps dans le cadre des négociations commerciales internationales ; à chaque cycle, elle se trouve sur la sellette et le problème est à nouveau devant nous.

Enfin - et c'est plus récent - la PAC est contestée pour ses orientations , qui ne prendraient pas assez en compte les exigences de qualité, de sécurité sanitaire, ou de bien-être animal.

Les opposants à la PAC soulignent que l'élargissement rend plus que jamais nécessaire une réforme profonde ; ils veulent établir un lien entre réforme et élargissement. Mais est-ce réellement justifié ? L'élargissement rend-il nécessaire une réforme avant l'échéance normale de 2006, fin de la période couverte par les accords de Berlin ?

1. Une situation très spécifique

a) Un poids relatif important

Dans le domaine agricole, chaque élargissement a eu une physionomie particulière : l'élargissement de 1973 (Grande-Bretagne, Danemark, Irlande) et celui du début des années 1980 (Grèce, Espagne, Portugal) étaient de nature différente ; dans le premier cas, il s'agissait d'agricultures intensives tournées vers l'élevage et les grandes cultures, alors que dans le second cas, les produits méditerranéens (fruits et légumes, huile, vin) avaient une importance toute particulière, ce qui a rendu nécessaire une longue période de transition. L'élargissement à l'Autriche, la Suède et la Finlande, en 1995, était d'une nature encore différente : il s'agissait d'agricultures fortement aidées, avec un niveau de prix garanti supérieur à celui de l'Union.

Ce qui est remarquable dans le cas du nouvel élargissement, c'est l'importance de l'agriculture . Alors que leur population représente 28 % de celle de l'Union, la surface agricole cumulée des douze PECO représente 44 % de celle de l'Union, et l'emploi agricole représente encore dans ces pays, en moyenne, un cinquième de l'emploi total, contre moins de 5 % dans l'Union. Autre chiffre : la production agricole représente en moyenne 7 % du PIB dans les pays candidats contre moins de 2 % dans l'Union.

Toutefois, le poids relatif de l'agriculture ne pose réellement problème que dans un petit nombre de cas, ceux de la Pologne, de la Bulgarie et de la Roumanie. En Pologne, l'agriculture ne représente que 3 % du PIB, mais emploie plus de 18 % de la population. En Bulgarie et en Roumanie, l'agriculture représente encore une partie importante du PIB, respectivement 16 % et 12 % ; les agriculteurs constituent 11 % de la population active en Bulgarie, et plus de 40 % en Roumanie.

Or, ni la Bulgarie ni a fortiori la Roumanie ne vont faire partie de la première vague d'adhésion, en 2004. Leur adhésion, en tout état de cause, interviendra après 2006, donc après l'expiration des accords de Berlin. C'est donc principalement l'intégration de la Pologne qui va soulever des difficultés. Les autres pays candidats soit ont un secteur agricole de dimension plus proche de la moyenne européenne, soit sont de petits pays.

b) Un secteur en difficulté

Les agricultures des pays candidats comprenaient de grandes exploitations collectives, peu productives, et de petites exploitations vouées à une agriculture de subsistance ; les secteurs en amont et en aval étaient aux mains de monopoles d'État. Dans le contexte de la transition, on a assisté au départ à une décapitalisation, puis à une chute de la production. À partir de 1994, la production a cessé de décroître, puis a commencé à augmenter, mais dans la plupart des PECO le volume de production reste encore légèrement inférieur à ce qu'il était en 1989 .

Les agricultures des PECO souffrent de handicaps profonds : vétusté des équipements, insuffisance des possibilités de crédits, absence d'un véritable marché du foncier, et surtout faible rentabilité (le prix des intrants a augmenté plus vite que les prix à la production). À l'exception de la Hongrie et de la Bulgarie, les pays candidats sont aujourd'hui importateurs nets : globalement, le solde des échanges agricoles de ces pays avec l'Union se traduit par un déficit de 2 milliards d'euros.

c) Un potentiel relativement important

À l'heure actuelle, au taux de change courant, le produit agricole des pays candidats est de l'ordre de 10 % de celui de l'Union. Cependant, la production est importante en volume dans certains secteurs : pommes de terre, fruits rouges (ce sont deux fortes spécialisations de la Pologne, numéro un européen), mais aussi céréales, lait, oeufs, viande de porc, pommes... Ces résultats témoignent d'un potentiel important, car la productivité reste faible : par exemple, les rendements céréaliers en Pologne sont inférieurs de moitié aux rendements français.

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