2. Une place particulière

a) La première originalité concerne le contenu même de l'acquis, c'est-à-dire les règles en vigueur qui doivent être transposées par les pays candidats

L'acquis JAI est un acquis très récent qui connaît une évolution dynamique.

Tout d'abord, il a fallu définir un acquis JAI qui n'existait pas lors des élargissements précédents. Ainsi, en 1998, le Conseil a adopté, sur proposition de la Commission, un document établissant cet acquis, qui a été, depuis lors, actualisé chaque année. Cet acquis comprend :

- des conventions internationales ratifiées par tous les États membres, considérées comme « indissociables » de l'acquis de l'Union, telle que la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés ;

- l'acquis de l'Union européenne proprement dit, qui regroupe les instruments adoptés dans un cadre intergouvernemental avant le traité de Maastricht, ceux qui ont été adoptés sur la base du troisième pilier du traité de Maastricht, et, enfin, les décisions adoptées, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, dans le cadre du titre IV du traité instituant la Communauté européenne et du titre VI du traité sur l'Union européenne ;

- l'acquis de Schengen qui comprend la convention de 1990, ainsi que les différents accords d'adhésion et le « droit dérivé » Schengen.

À cet égard, il est important de souligner deux particularités de l'acquis de Schengen. D'une part, les pays candidats à l'adhésion ne pourront pas bénéficier des clauses d'« opting out » reconnues au Royaume-Uni et à l'Irlande. En effet, l'article 8 du « protocole Schengen » dispose expressément que cet acquis doit être intégralement accepté par les pays souhaitant adhérer à l'Union. D'autre part, l'adhésion des pays candidats à l'« espace Schengen » est un processus qui se fera en deux étapes. En effet, l'adhésion des pays candidats à l'Union européenne n'entraînera pas ipso facto une levée des contrôles aux frontières intérieures de l'Union avec ces pays, car cette mesure nécessite une décision distincte prise par le Conseil, à l'unanimité, à l'issue d'une évaluation spécifique effectuée par les États membres.

L'« acquis de Schengen » a, ainsi, fait l'objet d'un découpage en deux listes différentes en septembre 2001. La première liste comprend des dispositions qui doivent être appliquées dès l'adhésion en tant que partie intégrante de l'acquis de l'Union. Elles concernent principalement les contrôles aux frontières extérieures et la coopération policière et judiciaire. La seconde porte sur les dispositions qui doivent être mises en oeuvre au plus tard au moment de la suppression des contrôles aux frontières intérieures, et concernent, en particulier, les visas et le système d'information Schengen. Il s'agit donc là d'une sorte de « période transitoire » qui relève des traités et qui a déjà été appliquée aux pays qui ont rejoint l'espace Schengen après sa mise en oeuvre entre les cinq États membres d'origine.

En plus de sa complexité, l'acquis de l'Union en matière de « Justice et Affaires intérieures » se caractérise par son caractère très évolutif. En effet, ce n'est que très récemment, notamment à la suite des engagements pris par le Conseil européen de Tampere, d'octobre 1999, que la coopération policière et judiciaire a connu des avancées importantes. Encore convient-il de souligner que la plupart des instruments font toujours l'objet de négociations ou ne sont pas encore entrés en vigueur. D'où les problèmes que poseront, d'une part, l'actualisation de l'acquis JAI, et, d'autre part, la poursuite des travaux dans le secteur JAI entre la période postérieure aux négociations et l'entrée effective des pays candidats dans l'Union. En outre, le non-respect par les États membres des engagements qu'ils se sont eux-mêmes fixés, à l'image des nombreuses conventions ou décisions-cadres qui ne sont pas encore entrées en vigueur faute d'avoir été ratifiées ou introduites dans les droits internes, aboutit à affaiblir la position de l'Union dans la conduite des négociations. Comment les États membres pourraient-ils, en effet, exiger des pays candidats plus que ce qu'ils s'imposent à eux-mêmes ? D'où la nécessité, maintes fois soulignée, d'inciter les gouvernements à ratifier et à transposer les textes adoptés.

b) La seconde particularité de ce chapitre a trait à sa forte dimension intergouvernementale

Bien que la conduite des négociations sur le chapitre JAI ne soit pas très différente de celle menée sur les autres chapitres, le caractère intergouvernemental de la matière a incité les États membres à prévoir, à l'initiative du gouvernement français, l'intervention d'un groupe de travail du Conseil spécifique chargé d'effectuer une « évaluation collective » des pays candidats dans le domaine JAI. Ce groupe élabore des rapports sur chacun des pays ou sur des sujets transversaux. Néanmoins, il semble que la Commission européenne ne prenne pas suffisamment en compte les travaux de ce groupe et qu'il existe encore d'importantes lacunes en matière d'information sur ces questions.

Une dernière spécificité résulte du caractère particulier des négociations

A la différence d'autres chapitres, l'objet principal des négociations ne porte pas sur les périodes transitoires, mais sur la capacité des pays candidats à convaincre les États membres qu'ils seront en mesure, au jour de l'adhésion, d'assurer une mise en oeuvre effective de l'acquis en matière de justice et affaires intérieures. Or, sur le plan administratif, la principale difficulté reste la capacité des administrations de ces pays à assimiler l'acquis de l'Union. Dès lors, la question essentielle du chapitre JAI est moins la clôture provisoire du chapitre avec tel ou tel pays, que l'organisation d'un suivi régulier des engagements pris par les pays candidats.

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