3. Les principales difficultés

a) Il s'agit, tout d'abord, des contrôles aux frontières extérieures de l'Union

La question des contrôles aux frontières extérieures de l'Union est une question majeure étant donné la position géographique des futurs États membres. En effet, l'adhésion de ces États se traduira par le déplacement des frontières de l'Union vers l'Est et vers le Sud, et ces frontières seront directement en contact avec les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), des Balkans ou de l'espace méditerranéen (pour Chypre et Malte). Or, ces espaces sont une source importante d'immigration clandestine ou des zones de transit. Par ailleurs, le passage de ces frontières signifiera l'entrée dans l'union douanière, d'où l'importance d'un contrôle douanier efficace, par exemple en matière sanitaire. Inversement, comme l'a souligné la Commission européenne dans son rapport au Conseil européen de Gand d'octobre 2001, « l'élargissement ne doit pas provoquer de nouvelles divisions en Europe ». Il faut donc tenir compte des relations particulières entretenues par certains pays d'Europe centrale et orientale, en particulier la Pologne et la Hongrie, avec leurs voisins orientaux, notamment compte tenu du fait que des minorités de ces pays resteront en dehors de l'Union.

Cette question a donc fait l'objet d'une grande attention dans les négociations d'adhésion, en particulier sur la question des visas, que les pays d'Europe centrale et orientale ont été amenés à réintroduire à l'égard des ressortissants des pays de la CEI. Les États membres ont également incité les pays candidats à renforcer la sécurité de leurs frontières, tant en termes d'infrastructures, que de formation et d'émoluments des personnels concernés. Ils ont consenti des moyens importants pour aider les pays candidats. Ainsi, le programme PHARE, qui avait, à l'origine, une vocation essentiellement économique, a été progressivement réorienté, à partir de 1997, vers l'aspect institutionnel, dont la dimension JAI. De 1997 à 2001, près de 525 millions d'euros ont été affectés à l'aspect JAI et au sein de cette enveloppe, plus de 50 % ont été consacrés à la question des frontières extérieures. Enfin, l'idée de la création d'une police européenne aux frontières a été lancée récemment par plusieurs pays, dont la France. Comme l'a précisé le ministre de l'Intérieur, M. Daniel Vaillant, « il s'agirait de moyens policiers mobiles qui pourraient se rendre sur les points difficiles, voire les points de crise, pour évaluer la situation, conseiller ou encadrer temporairement la police locale aux frontières (...) ». Cette question, qui soulève encore de nombreuses difficultés techniques et juridiques, constitue une priorité de l'actuelle présidence espagnole de l'Union.

b) La seconde difficulté porte sur la fiabilité des systèmes judiciaires des pays candidats

Dans le système de droit que représente l'Union européenne, le rôle des juges est fondamental. Or, certains pays candidats ont dû partir presque de zéro pour construire un système juridictionnel indépendant et protecteur des libertés publiques. Dans ce domaine, le Conseil de l'Europe a joué un rôle prééminent et ce n'est qu'avec retard que l'Union européenne s'est préoccupée de cette question, en favorisant notamment des « jumelages » entre les administrations des États membres et des pays candidats. La plupart des pays candidats ont introduit d'importantes réformes, notamment sur le statut de la magistrature, la réforme du code pénal ou la justice commerciale. Toutefois, le problème majeur reste l'émergence d'une véritable « culture judiciaire », qui résulte moins des textes que de la pratique. D'autant plus que celle-ci prend une grande importance aujourd'hui au regard du principe de reconnaissance mutuelle , qui a été consacré par le Conseil européen de Tampere, comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire. En effet, l'idée est d'aller progressivement vers un espace de libre circulation des décisions judiciaires, où les décisions de justice prises par un pays seraient automatiquement reconnues par les autres États. Cette idée a, en particulier, été concrétisée dans le projet de création d'un mandat d'arrêt européen, qui supprimerait la procédure d'extradition entre les États membres et aboutirait à la remise automatique des personnes détenues ou en fuite dans un État à une autorité judiciaire d'un autre État membre. Or, le principe de reconnaissance mutuelle suppose un degré élevé de confiance mutuelle entre les États membres et entre leurs systèmes judiciaires. Le renforcement des relations entre les systèmes judiciaires des pays candidats et des États membres est donc une nécessité .

c) Un axe fort de travail (et de négociation avec les pays candidats) : la lutte contre la criminalité organisée

Le lien entre l'élargissement et l'augmentation de la criminalité organisée, avec en particulier le rôle prétendu de la « mafia russe », fait désormais partie de notre inconscient collectif. Toutefois, il convient de remarquer que les réseaux criminels de l'Est n'ont pas attendu cette étape pour s'implanter dans de nombreuses villes de l'Union européenne et que l'élargissement représentera un progrès du point de vue de la lutte contre la criminalité, en permettant notamment la ratification des conventions existantes et une participation des pays candidats à Europol et à Eurojust.

d) Enfin, il convient de mentionner le problème de la corruption

Il s'agit là d'un sujet sensible, qui ne se prête pas aux cénacles diplomatiques que constituent les négociations d'adhésion et qui, pour cette raison, est rarement évoqué publiquement par les différents responsables. C'est néanmoins un sujet de préoccupation , car il semble que certains pays d'Europe centrale et orientale éprouvent des difficultés à éradiquer ce phénomène hérité de la période précédente. Tout au plus peut-on espérer que l'augmentation du niveau de vie consécutive à l'entrée dans l'Union, ainsi que l'introduction de règles relatives à la fonction publique, exerceront des effets positifs.

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En définitive, la dimension JAI ne mérite sans doute ni les excès d'inquiétudes, ni la relative indifférence, dont elle fait souvent l'objet. Il convient, au contraire, de saluer les progrès considérables effectués par les pays candidats, qui ont entrepris d'importantes réformes de leur appareil judiciaire et policier et qui ont consolidé la prééminence dans leurs sociétés de l'État de droit . Les efforts engagés par l'Union européenne, ou par les États membres dans un cadre bilatéral, à la fois pour inciter ces pays à poursuivre leurs réformes et pour leur offrir une assistance concrète, doivent donc être poursuivis. Parallèlement, l'Union européenne devrait approfondir ses relations avec la Russie, les pays des Balkans et les pays du Sud, tant au niveau politique qu'au niveau de la coopération dans le domaine JAI , notamment sur le problème de l'immigration clandestine, la criminalité organisée ou le terrorisme. Enfin, la dynamique de la construction d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice » au niveau européen doit être maintenue dans une Union à vingt-sept ou trente États membres . Cela suppose de s'interroger sur le maintien de la règle actuelle de l'unanimité, qui régit encore largement la coopération JAI, ou sur le recours aux coopérations renforcées. Mais il s'agit là d'un point qui devra être examiné dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

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