3. Mme Anne Lauvergeon, président du directoire d'AREVA

Le marché intérieur européen est déjà une réalité pour la plupart des secteurs économiques, comme le nucléaire.

Le secteur nucléaire, pour sa part, s'inscrit dans le cadre du traité EURATOM qui pose des règles concernant l'approvisionnement et l'abolition des tarifs douaniers. Ces dispositions ont permis de créer un contexte favorable aux échanges à l'intérieur et à l'extérieur de la Communauté. Les États membres restent néanmoins maîtres de leur politique à l'égard de leur énergie nucléaire : huit pays sur quinze possèdent des centrales nucléaires civiles, et 35 % de l'électricité européenne produite était d'origine nucléaire en 2001.

Le traité EURATOM offre au secteur nucléaire un cadre juridique cohérent à l'échelle communautaire, permettant à l'Union européenne :

- de se doter de normes de radioprotection harmonisées nécessaires au développement industriel de ce secteur et à la libre circulation des matières ;

- de favoriser des rapprochements et une coopération accrue entre industries européennes ;

- d'adopter une réglementation commune minimale pour les exportations sensibles.

Dans le contexte du marché de l'électricité, la dérégulation entamée en Europe a eu comme conséquence de diminuer les prix de ventes (en moyenne de 25 % pour les industries et de 6 à 7 % pour les ménages sur la période 1998-2000), même si de fortes disparités de coûts subsistent aujourd'hui au sein des États membres. D'après les chiffres d'Eurostat, la tendance serait à cet égard à la stabilisation, voire à une augmentation. Ce changement serait dû en partie à la hausse des prix de combustibles fossiles -comme le gaz- utilisés pour produire l'électricité.

Dans ce contexte, le nucléaire dispose d'atouts économiques puisque le kWh nucléaire est tout à fait compétitif : 0,02 centime d'euro contre respectivement 0,07 centime d'euro et 0,53 centime d'euro pour les kWs éoliens et solaires.

Du point de vue environnemental, l'énergie nucléaire est une véritable opportunité car elle n'émet pas de gaz à effet de serre.

En Europe, elle évite chaque année le rejet de 400 millions de tonnes de CO2. Le kWh français émet dix-sept fois moins de CO2 que le kWh danois, et treize fois moins que le kWh allemand. Cet atout devrait conforter la position du nucléaire dans le futur marché de l'énergie et représente une carte maîtresse pour respecter les engagements environnementaux pris à Kyoto et infléchir le phénomène de réchauffement climatique.

D'une manière générale, il est temps d'arrêter la « diabolisation » ou à l'opposé, l'« angélisation », car toutes les énergies ont des impacts sur l'environnement ou la santé .

La société a besoin d'un vrai débat sur les différents types d'énergie. À cet égard, AREVA, qui développe d'autres types d'énergie (éolienne) et est leader sur le marché mondial, est confiant dans l'avenir. Nous cherchons à diversifier, à développer des réacteurs plus petits, plus modulaires, adaptés aux pays où les réseaux de transport d'électricité sont plus modestes.

En matière de libéralisation, il convient aussi d'être mesuré. L'expérience californienne montre les limites d'une libéralisation qui, non maîtrisée, peut se révéler être un échec. Malgré l'existence d'un cadre juridique harmonisé, il conviendra, en particulier, d'éviter que la recherche d'une rentabilité immédiate ne se fasse au détriment des investissements des filières intensives en capital ou dont la rentabilité n'est pas assurée à court terme. Il faudra au contraire réunir les conditions nécessaires pour que les investissements à long terme soient attractifs afin de disposer d'infrastructures adaptées.

Il est également nécessaire que le soutien au développement des énergies nouvelles et renouvelables n'aboutisse pas à une distorsion de la concurrence entre les différentes filières et soit préjudiciable à un mix énergétique diversifié.

Les aides d'État, tout à fait légitimes pour le développement de nouvelles énergies, doivent cependant être équitables afin de permettre à l'ensemble des industriels de se positionner favorablement dans un contexte international.

En conclusion, une baisse des prix du kWh et un renforcement des échanges, caractéristiques du nouveau marché européen de l'électricité, sont autant d'éléments qui, si les conditions d'investissement et de concurrence sont réunies, permettront à l'énergie nucléaire d'exprimer au mieux son potentiel dans les décennies à venir.

Forte de ses atouts à la fois économiques, environnementaux et technologiques, l'industrie nucléaire est prête à évoluer dans le contexte d'un marché libéralisé de l'énergie en proposant à ses clients des réponses adaptées à leurs besoins.

Au regard de ses avantages en termes d'accès à l'électricité et donc de développement, les positions idéologiques de part et d'autre finiront par céder la place à un dialogue ouvert et constructif au bénéfice de l'ensemble des consommateurs.

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