B. LA « NUCLEAR POSTURE REVIEW »: UN NOUVEAU CONCEPT DE DISSUASION

Présentée le 9 janvier 2002 dans une version non classifiée, la revue de posture nucléaire ( Nuclear Posture Review ) aborde un domaine que la Quadrennial Defense Review avait volontairement ignoré et amorce, comparée à cette dernière, des évolutions beaucoup plus significatives.

Dans le prolongement des propos de Donald Rumsfeld constatant le caractère inopérant de la dissuasion nucléaire face à des attaques comme celles du 11 septembre 2001, la Nuclear Posture Review entend en effet tirer un trait sur la période de la guerre froide qui avait fondé la doctrine de dissuasion nucléaire durant près de 50 ans, et répondre au nouveau contexte stratégique marqué par l'incertitude, la prolifération et la variété des menaces.

Jugeant dépassée l'actuelle organisation des forces nucléaires, la Nuclear posture review retient une conception globale de la dissuasion, dans laquelle le nucléaire ne constitue qu'un volet parmi d'autres.

1. Des forces nucléaires réduites mais plus performantes pour une dissuasion reposant aussi sur des moyens conventionnels

A la triade nucléaire classique (forces nucléaires terrestres, navales et aériennes), elle substitue une nouvelle triade fondée :

- sur des capacités de frappes non-nucléaires comme nucléaires,

- sur les défenses antimissile,

- et sur une « infrastructure réactive » préservant, si nécessaire une capacité de rapide remontée en puissance .

La mesure la plus spectaculaire, du moins en apparence, officialisée dès le 9 janvier, et donc bien avant la conclusion de l'accord américano-russe sur les arsenaux stratégiques, consiste à réduire le nombre de têtes « opérationnellement déployées » à un niveau de 1700-2200 têtes d'ici 2012 , contre 6 000 têtes actuellement.

Cette réduction entraînera :

- pour la composante terrestre , le démantèlement à partir de 2002 des missiles intercontinentaux Peacekeeper (50 missiles dotés de 10 têtes nucléaires), déjà prévu dans le cadre de Start II, et la diminution du nombre de têtes nucléaires sur les 500 missiles intercontinentaux Minuteman (passage de trois têtes par missile à une seule) ;

- pour la composante navale , la reconversion de 4 sous-marins nucléaires lanceur d'engins de classe Ohio avec des armements conventionnels (missiles de croisière) et la diminution du nombre de têtes nucléaires sur les autres SNLE ;

- pour la composante aéroportée , l'abandon de la capacité nucléaire sur les bombardiers B1 à long rayon d'action.

Au-delà de l'affichage, il faut observer que ces réductions s'opèreront à un rythme assez lent , puisqu'elles s'étaleront jusqu'en 2012 avec une étape intermédiaire fixée autour de 3 800 têtes déployées en 2007. D'autre part, ces réductions se veulent flexibles et réversibles , les têtes retirées n'étant pas systématiquement détruites, mais, pour une part d'entre elles, conservées en réserve afin de pouvoir si nécessaire être réactivées.

La proportion entre les têtes nucléaires détruites et les têtes nucléaires mises en réserve n'a pas été précisée, mais de nombreux commentateurs estiment que seule une minorité des ogives fera l'objet d'une destruction. Les charges nucléaires conservées, qui seront majoritaires si l'on en croit ces mêmes commentateurs, seront placées en statut de réserve active ou inactive , selon qu'elles auront été maintenues sur leurs lanceurs ou qu'elles en auront été séparées.

Le deuxième élément important, moins visible mais tout aussi fondamental, concerne la modernisation des forces nucléaires en service . S'inquiétant de l'« atrophie » de l'infrastructure américaine, trop négligée à ses yeux depuis plusieurs années, et du vieillissement de plusieurs systèmes d'armes, le Secrétaire à la défense retient plusieurs axes d'amélioration qualitative de l'arsenal nucléaire américain .

Il s'agit de renforcer les capacités de commandement et de contrôle, et de moderniser les têtes des missiles intercontinentaux Minuteman , des missiles Trident D5 embarqués sur les sous-marins lanceurs d'engins, des missiles de croisière aéroportés et de la bombe nucléaire B61.

L'engagement nucléaire américain vis à vis des pays de l'OTAN est par ailleurs confirmé et considéré comme un lien politico-militaire fondamental entre l'Europe et l'Amérique du Nord. Ainsi, les forces nucléaires basées en Europe seront maintenues. Elles reposent désormais uniquement sur des bombes nucléaires stockées dans des bases de l'OTAN et destinées à des avions des pays alliés à double capacité , voués prioritairement à un rôle conventionnel mais faisant également l'objet d'une préparation pour une mission nucléaire.

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