N° 330

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juin 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904-11 de la Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires (RIEP),

Par M. Paul LORIDANT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : N , président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Etablissements pénitentiaires.

AVANT-PROPOS :

LE TRAVAIL EN PRISON, POUR QUOI FAIRE?

Les prisons font l'objet d'une attention accrue depuis plusieurs mois : les témoignages sur la surpopulation pénale, sur la santé des détenus, leurs conditions de vie et la pauvreté d'une partie d'entre eux se multiplient ; deux commissions d'enquête, l'une à l'Assemblée Nationale, l'autre au Sénat ont rendu des conclusions sévères en juin 2000, un avant-projet de loi d'orientation pénitentiaire est attendu depuis deux ans.

Curieusement, le travail des détenus est peu étudié et reste marginal dans les préoccupations des acteurs du monde pénitentiaire. Pourtant, le travail pénitentiaire constitue une nécessité.

Nécessité pour les parties civiles qui ne peuvent espérer le paiement des dommages et intérêts qui leur sont dus que par un prélèvement sur le fruit du travail des détenus.

Nécessité pour l'administration pénitentiaire qui voit dans ce travail un moyen d'occuper les détenus et d'apaiser les tensions de la vie carcérale : sans travail, pas de sécurité possible dans les établissements.

Nécessité pour les détenus pour lesquels il constitue le plus souvent le seul moyen de subsistance. La vie en prison a un coût et la pauvreté y est plus criante qu'à l'extérieur.

Nécessité enfin pour la société qui devra accueillir ces hommes et ces femmes à l'issue de leur peine : le travail est un des rares instruments de réinsertion disponibles dans les établissements pénitentiaires.

Votre rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor a saisi l'occasion de la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui lui donne des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place accrus 1 ( * ) , pour contrôler les ateliers de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (R.I.E.P.) chargée de la mise en oeuvre du droit au travail des détenus . Par le biais de nombreuses auditions (administration pénitentiaire, syndicats, associations, entreprises, personnalités qualifiées...), de déplacements dans neuf établissements (maisons d'arrêt, centres de détention et maisons centrales) et de l'étude des documents budgétaires et comptables, c'est toute la politique du travail pénitentiaire que votre rapporteur spécial a été amené à examiner.

Quelques constats s'imposent :

- le premier est celui de la permanence du travail pénitentiaire , sous des formes diverses, des galères, en passant par les travaux forcés, jusqu'au travail en atelier actuel, né au 19 ème siècle, et de la persistance des valeurs de réinsertion ou d'« amendement moral », pour employer un terme du 19 ème siècle, qui lui sont attribuées ;

- le second est celui des très fortes contraintes qui s'exercent sur le travail pénitentiaire : contraintes de sécurité, contraintes architecturales, contraintes liées au flux des détenus, contraintes liées à l'« employabilité » des détenus, contraintes de la concurrence extérieure... ;

- le troisième est celui d'une offre de travail, tant publique que privée, qui montre ses limites : la régie industrielle des établissements pénitentiaires (R.I.E.P.) connaît des fragilités et les concessionnaires privés ne proposent pas toujours des activités à la hauteur des besoins. Moins d'un détenu sur deux travaille, les salaires souvent dérisoires et, les postes proposés sont rarement qualifiants. L'écart entre les objectifs posés par le législateur et la réalité du travail en prison est criant ;

- le quatrième enfin est celui de la nécessité d'une véritable politique du travail pénal autour d'un service de l'emploi pénitentiaire dynamique et d'une incitation des acteurs économiques à entrer en prison.

Alors que le contexte social et politique actuel appelle à une plus grande fermeté vis-à-vis de la délinquance, il convient de souligner que cette sévérité se traduira nécessairement par le gonflement du nombre de détenus. Il reste à déterminer ce que feront ces détenus durant cette période de prison et les conditions dans lesquelles ils feront de nouveau leur entrée dans la société . Il importe que la prison ne soit pas vaine et que la période de détention permette, autant que possible, de préparer une réinsertion ultérieure. Le travail constitue un volet obligé de cette réinsertion.

Une politique pénitentiaire n'est que la résultante d'une politique pénale. Et une politique du travail pénitentiaire, ambitieuse et exigeante, en constitue une composante majeure. Elle devrait à ce titre faire l'objet de débats approfondis lors du projet de loi d'orientation sur la justice promis par le nouveau gouvernement. C'est pour ces raisons que votre rapporteur spécial formule, après un constat sévère déjà établi en 1979 par le rapport de M. Jean-Pierre Hoss et en 1987 par le rapport de M. Jean Talandier pour le Conseil économique et social, 62 propositions pour donner un sens au travail pénitentiaire.

* 1 Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles. Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

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