3. Des localisations géographiques peu adaptées au travail

Si les prisons de centre-ville présentaient de nombreux défauts, le choix de construire aujourd'hui des établissements en rase campagne, loin des villes et des habitations, constitue une option désastreuse. Cet éloignement ne permet pas d'assurer le maintien des liens entre le détenu et sa famille. En termes de travail, ces implantations sont calamiteuses. Le travail ne peut être développé en prison que si l'établissement se situe à proximité d'un tissu économique vivant. Il est impossible de faire venir des concessionnaires dans des zones reculées. Quand bien même cela serait possible, il serait difficile de trouver pour ces ateliers des clients et des fournisseurs.

Si la situation du travail à la maison centrale de Poissy ou au centre de détention de Muret est plutôt satisfaisante, c'est que Poissy bénéficie du dynamisme économique de l'Ouest parisien tandis que Muret est au coeur du tissu industriel toulousain. A l'inverse, Clairvaux, mais surtout la plupart des établissements du parc 13.000, sont situés en plein désert industriel : il est illusoire de penser y développer l'emploi.

La prison est regardée par les habitants des villes comme une nuisance qu'il convient de refuser à tout prix. Il n'empêche que la relégation des prisons dans des zones reculées, puisqu'elle revient à couper tout lien avec le monde extérieur, sur le plan familial, social, économique, rend la sortie de prison encore plus problématique. La préparation à une éventuelle réinsertion sociale et professionnelle dans les établissements situés en pleines friches n'est pas possible : le travail, comme la formation, y sont automatiquement absents.

4. Une organisation fragile

La prison connaît un équilibre précaire. Le travail pénitentiaire subit cet environnement fragile. Un « rien » suffit pour bouleverser un atelier patiemment mis en place.

Le climat social des prisons est sur le fil. Les tensions en détention conduisent périodiquement à des mouvements de détenus plus ou moins graves. La moindre mutinerie peut ruiner un atelier de production. Votre rapporteur spécial a visité la maison centrale de Poissy quelques jours seulement après la mutinerie de mars 2002. Il a constaté d'une part que certains ateliers avaient été dévastés. Il a remarqué d'autre part que ces mutineries avaient un effet répulsif immédiat pour les entrepreneurs éventuellement intéressés par une implantation en prison. Ceux-ci prennent conscience qu'il existe en prison un risque économique lié au risque de mutinerie mais aussi un risque physique pour les personnes pouvant être amenées à encadrer un atelier. La conséquence est immédiate et dramatique : les entreprises fuient la prison.

Chez les surveillants, les mouvements sociaux ne sont pas absents. En absence de droit de grève, ces mouvements prennent une forme de plus en plus inquiétante, et contraire à la loi. Conflits autour du temps de travail, négociations salariales, agitations au moment du vote du budget se manifestent de plus en plus par le blocages des portes des établissements. Le malaise des surveillants de prison est à prendre au sérieux par l'administration pénitentiaire. Pour autant, les blocages de portes, dont votre rapporteur spécial a pu voir un exemple à Fresnes, sont inadmissibles , d'autant qu'ils se multiplient. Certains établissements ont ainsi été bloqués durant deux semaines l'automne dernier. De la part des garants de l'ordre et de la loi que sont les gardiens de prison, cette attitude, quelles qu'en soient les raisons, n'est pas acceptable.

Le blocage des portes empêche les détenus de voir leurs avocats. Il les empêche de recevoir la visite de leur famille. Il accroît donc les tensions en détention.

Pour le travail pénitentiaire, un blocage des portes est catastrophique. Les livraisons de matières premières ne peuvent avoir lieu. Les commandes des clients ne peuvent être honorées. Les personnels des entreprises extérieures ne peuvent entrer. La conséquence est tout aussi rapide que pour une mutinerie : l'administration est confrontée à de nombreux contentieux, les entreprises fuient la prison, la R.I.E.P perd ses clients les plus importants. Il convient de répéter une évidence : sans entreprises, qu'elles soit présentes dans les établissements ou simples clientes, il ne peut y avoir de travail en prison.

Enfin, de manière plus structurelle, l'organisation de la journée pénitentiaire n'est pas très attractive pour faire venir des entreprises en prison. La journée pénitentiaire constitue la période entre le moment où les détenus peuvent quitter leur cellule et celui où ils doivent la regagner. La journée pénitentiaire est elle-même conditionnée par la durée et l'organisation du temps de travail des gardiens.

Pour ces raisons, la journée pénitentiaire est en général très courte, ce qui fait que les détenus sont rarement en mesure de travailler huit heures dans une journée. La limitation du temps de travail des détenus est un frein au développement d'une activité professionnelle.

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