4. La question des structures d'exercice

a) Une diversification croissante des modes d'exercice

L'exercice individuel a longtemps constitué le seul mode d'exercice autorisé .

Mais, depuis 1971, de multiples structures d'exercice en groupe ont été organisées par le législateur afin de permettre aux cabinets d'avocats de se développer et de se moderniser.

Le métier d'avocat peut donc désormais s'exercer de multiples façons . On distingue en effet :

- la collaboration , réglementée par la loi du 31 décembre 1971 119( * ) , qui, dans la pratique, présente des différences ténues par rapport au salariat 120( * ) . 16 % des avocats inscrits au tableau exercent leur profession en cette qualité.

Devant le Barreau de Paris, ainsi que devant les autres barreaux, ce mode d'exercice a connu la plus forte augmentation avec respectivement + 10,4 % et + 5,4 %.

La collaboration concerne essentiellement les avocats stagiaires 121( * ) qui ont recours à cette forme d'exercice pendant l'accomplissement de leur stage et donc pour une période transitoire. Ainsi, les jeunes avocats, qui ne disposent pas des capacités d'investissement suffisantes, peuvent s'intégrer à un cabinet d'avocats déjà constitué  ;

- le salariat 122( * ) , introduit par la loi du 31 décembre 1990, qui n'a rencontré qu'un modeste succès. Compte tenu de la contradiction évidente entre le statut même de l'avocat, « profession libérale et indépendante » (article 1 er de la loi du 31 décembre 1971) et celui du salarié défini essentiellement par le lien de subordination qui le lie à l'employeur, le salariat s'est peu développé, puisqu'il concernait seulement 7 % des avocats inscrits au tableau en 2001.

Bien que ce mode d'exercice soit le moins fréquent, il a cependant marqué la plus forte augmentation devant l'ensemble des barreaux (soit + 5,4 %), à l'exception de celui de Paris (+ 1,9 % seulement) ;

- l'exercice en groupe sous la forme d'associations d'avocats, la constitution de sociétés civiles professionnelles, de sociétés civiles de moyens ou de simples cabinets groupés, consacré par la loi du 31 décembre 1971.

La loi du 31 décembre 1990 précitée est venue enrichir ces modes d'exercice en ouvrant la profession d'avocat au droit des sociétés commerciales. Elle peut désormais être exercée sous la forme de sociétés civiles professionnelles d'avocats (SCPA). Une autre loi du 31 décembre 1990 123( * ) a également autorisé la création de sociétés d'exercice libéral.

Parmi les avocats inscrits au tableau, 34 % exercent en qualité d'associés (11.000 avocats). Cette forme d'exercice est peu fréquente chez les avocats stagiaires, qui représentent moins de 1 % de l'ensemble des associés, cette proportion ayant enregistré une forte diminution entre 2000 et 2001.

A l'exception des grands cabinets spécialisés, la société civile professionnelle constitue la forme majoritaire d'exercice, comme le montre le graphique ci-dessous :

Cette répartition s'est peu modifiée depuis 1998. Le nombre moyen de groupements par barreau s'élève à 23.

Le métier d'avocat s'est donc enrichi d'une multiplicité de structures très variées. Toutefois, cette diversification des modes d'exercice demeure très théorique compte tenu de la prégnance de l'exercice à titre individuel, qui reste le modèle dominant.

b) La prégnance de l'exercice à titre individuel et l'étroitesse des structures d'exercice

La majorité des avocats inscrits au tableau -soit 42 % de l'ensemble- exerce à titre individuel 124( * ) , l'exercice en qualité d'associé ne concernant que 34 % de ces professionnels 125( * ) . On observe donc un net décalage entre la diversité des structures d'exercice consacrée par le législateur et la très grande uniformité des pratiques professionnelles ancrées dans un schéma traditionnel.

La Conférence des bâtonniers et le Barreau de Paris ont regretté cette situation, soulignant que l'étroitesse des structures d'exercice des cabinets d'avocats ne leur permettait pas d'affronter efficacement la concurrence.

Cette situation résulte de deux facteurs :

- le poids des mentalités explique qu'un grand nombre d'avocats n'ait pas envisagé de réformer ses structures d'exercice. Ainsi que l'a indiqué Me Paul-Albert Iweins, « l e fonctionnement d'un cabinet d'avocats classique a peu évolué et repose toujours sur la configuration classique un avocat - une secrétaire » ;

- les rigidités statutaires caractérisant ces groupements d'exercice constituent également un obstacle à la modernisation de la profession .

Le caractère transitoire de certaines mesures d'accompagnement fiscal destinées à favoriser les regroupements ainsi que le régime fiscal des sociétés civiles professionnelles est présenté par certains avocats comme une barrière au libre choix des structures d'exercice.

Les instances représentatives de la profession ont également pointé le manque de souplesse du statut des sociétés civiles professionnelles, qui ne permet pas de faire des provisions. La société d'exercice libéral, qui impose que plus de la moitié du capital et des droits de vote soit détenue directement par les professionnels en exercice au sein de la société, n'est pas non plus à l'abri des critiques.

Ainsi que le souligne la Conférence des bâtonniers, « la législation actuelle n'offre pas aux avocats les instruments nécessaires au développement de leur cabinet ».

Les avocats rencontrés par la mission se sont néanmoins réjouis de la possibilité qui leur a été offerte récemment de créer des sociétés de holding par le biais de sociétés de participation financière de professions libérales. En effet, l'institution par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes à caractère économique et financier (dite MURCEF) 126( * ) de ce nouveau mode d'exercice était très attendue par la profession. Il devrait favoriser les regroupements de capitaux et permettre la déduction fiscale des intérêts d'emprunt.

Toutefois, cette innovation n'échappe pas aux critiques récurrentes liées aux rigidités statutaires . La Conférence des bâtonniers et le Conseil national des barreaux ont en effet regretté l'impossibilité pour la holding de prendre des participations dans des cabinets étrangers.

La profession d'avocat, en perpétuelle évolution, est devenue plus difficile à cerner. Au-delà de sa diversité manifeste, ce métier paraît affecté par des disparités susceptibles de fragiliser sa place au sein de la communauté judiciaire , et plus généralement de la société .

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