ANNEXE N° 9 :
LA SOUTENABILITÉ À LONG TERME DES FINANCES PUBLIQUES DANS UN CONTEXTE DE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION :UN POINT DE VUE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

La Commission a rendu public en mai 2002 un rapport relatif aux finances publiques en Union économique et monétaire. Ce rapport s'intéresse aux perspectives à long terme des finances publiques européennes , en prenant, notamment, en considération les conséquences du vieillissement prévisible des populations.

Le vieillissement des populations européennes devrait avoir un impact budgétaire important, estimé entre 4 et 8 points de PIB selon les cas, sur les finances publiques des Etats membres de l'Union. Pour la France , la Commission évalue le coût du vieillissement à 5,4 points de PIB, à l'horizon 2040 . Ce chiffre se décompose de la manière suivante : d'une part, les dépenses effectuées au titre des pensions de retraite devraient augmenter à hauteur de 3,7 points de PIB ; d'autre part, le vieillissement de la population devrait entraîner un surcroît de dépenses de santé, à hauteur de 1,7 point de PIB.

La Commission s'inquiète des conséquences que cette hausse des dépenses sociales pourrait avoir sur l'équilibre des finances publiques, et sur le niveau d'endettement des Etats membres. D'après les projections de la Commission, la France fait partie des Etats pour lesquels existe un risque de déséquilibre budgétaire à long terme . Pour respecter les critères du Pacte de stabilité et de croissance, la France devrait, selon la Commission, procéder à une nouvelle réforme de ses régimes de retraite, de manière à modérer la progression des dépenses réalisées au titre des pensions. La Commission estime que les perspectives d'abondement du Fonds de réserve des retraites ne sont pas suffisantes pour permettre à celui-ci de jouer un rôle significatif à long terme.

La Commission insiste sur la nécessité d'atteindre le plus rapidement possible l'équilibre budgétaire, et de dégager, si possible, un excédent. En effet, la hausse des dépenses de retraite ne devrait faire sentir ses effets qu'à partir de 2010. Il est, dès lors, souhaitable que les États membres rétablissent au plus vite l'équilibre de leurs finances publiques, afin de réduire continûment leur endettement d'ici la fin de la décennie. Les Etats européens pourront gérer plus facilement la phase de vieillissement démographique qui s'annonce, si leur situation budgétaire est très saine au début de la période. La diminution des sommes versées au titre du paiement des intérêts de la dette permettrait de dégager de nouvelles marges de manoeuvres financières, pour faire face à l'augmentation du besoin de financement des régimes de retraite. Un excédent budgétaire s'imposerait pour réduire rapidement le ratio dette sur PIB. Le rythme de baisse du ratio dette sur PIB en France est jugé trop lent par la Commission.

La Commission conseille enfin aux Etats membres de rechercher une augmentation du taux d'emploi dans leurs populations. Le taux d'emploi des travailleurs âgés (au-delà de 50 ans) est particulièrement bas en France.

Il faut noter que la Commission exclut, dans son raisonnement, toute perspective de relèvement des prélèvements obligatoires, destinée à financer la hausse des dépenses de retraite. Cette position est justifiée par l'idée que le niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires en Europe menacerait la compétitivité des économies européennes, et par l'argument de la mobilité croissante des facteurs de production, qui rend plus difficile toute augmentation de leur taxation.

EXAMEN EN COMMISSION

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans la matinée du mercredi 17 juillet 2002, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur une étude menée sur la dette publique 1996-2000, ses contreparties et ses perspectives d'avenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a présenté le travail réalisé par le service des études du Sénat en partenariat avec l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en indiquant qu'il prolongeait un rapport précédent de la commission des finances sur la dette publique entre 1980 et 1997 et qu'il s'avérait bienvenu dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance européen. Il a relevé que cette étude s'efforçait de mieux définir les contours de la dette, qu'il s'agisse du passif social, au titre des retraites, ou des engagements reposant sur l'Etat par le biais des démembrements de celui-ci. Il a rappelé la dégradation qu'avait connue la dette publique française sur longue période, passant de 20 points de produit intérieur brut (PIB) en 1980 à 40 points en 1990, à 50 points de PIB en 1995 et à 59,3 points de PIB en 1997. Il a souligné que, si la situation française était plutôt favorable à cette date en comparaison avec celle de ses partenaires européens, sa position relative s'était dégradée au cours de la dernière législature, le niveau de la dette ayant fait passer la France du 4e rang au sein de l'Union européenne en 1997 au 9 e rang en 2001. Il a jugé que la législature précédente avait été une législature pour rien, la dette publique passant de 57,1 points de PIB en 1996 à 57,3 points de PIB en 2000. S'il a reconnu que la France avait enregistré entre 1996 et 2000 une amélioration de son solde primaire, il a noté que cette amélioration avait été insuffisante au regard des efforts de ses partenaires européens, alors même que la France avait connu une croissance en volume proche de la moyenne européenne sur la période. Il a expliqué que la dette négociable avait continué à croître entre 1996 et 2000, de plus de 140 milliards d'euros. Dénonçant le niveau de déficit prévisionnel pour 2002, il a regretté que les déficits aient connu une dérive importante sur les deux dernières années.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a opposé le recul de 7,7 points de PIB, en moyenne, de la dette publique de l'Union européenne entre 1996 et 2000 à l'augmentation de 0,9 point de PIB en France sur la même période. La contre-performance de la France est attribuable à une insuffisante réduction du déficit structurel, liée à une absence de maîtrise des dépenses, a-t-il ajouté. Il a mis en exergue la responsabilité éminente de l'État, seule collectivité déficitaire en 2001, dans cette contre-performance et démontré que l'État avait été la seule collectivité publique à ne pas maîtriser l'évolution de sa dette entre 1996 et 2000. Le rapporteur général a alors qualifié l'État de mauvais gestionnaire, soulignant que la dette publique, en partie en raison des engagements cachés des entreprises publiques, était mal cernée. Il a regretté l'absence de contrepartie patrimoniale à la dette. A ce sujet, il a mis en évidence que les actifs, en volume, n'avaient progressé que de 56,91 milliards d'euros entre 1996 et 2000 alors que la dette s'était creusée dans la période de 142,62 milliards d'euros, démontrant ainsi que le patrimoine net des administrations publiques avait diminué de 85,71 milliards et que celles-ci s'étaient appauvries.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué que les perspectives de résorption de la dette étaient très lointaines et dépendraient du retour à l'équilibre des finances publiques. Il a estimé que le retour à la situation de 1980, avec une dette égale à 20 points de PIB, constituait une nécessité pour que l'État puisse retrouver des marges de manoeuvre, indiquant qu'il était difficile aujourd'hui pour les hommes politiques d'honorer leurs promesses et de les financer tant la part relative à la charge de la dette était importante dans le budget de l'Etat. Il a terminé en notant les risques de crise financière systémique et de choc géopolitique pesant sur les perspectives de croissance en 2003.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Maurice Blin a noté la difficulté de porter à la connaissance des électeurs des informations simples leur permettant d'être éclairés sur la situation des comptes publics. Il a constaté que les gouvernements successifs ne portaient eux-mêmes qu'une attention insuffisante à la situation des finances publiques et n'a vu dans l'histoire aucun gouvernement ayant fondé sa popularité sur une maîtrise des dépenses publiques.

M. Eric Doligé a souhaité qu'une étude puisse être menée sur l'impact des transferts de compétences aux collectivités locales sur la réduction des déficits de l'État et la moindre progression de sa dette.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur la possibilité et la portée pratique d'une somme algébrique des actifs publics. Il s'est demandé si la dette n'était pas devenue un mécanisme de financement ordinaire de l'Etat et a considéré que le retour du niveau de la dette publique à son niveau de 1980, en 2030, lui apparaissait de la « politique fiction ».

M. Jacques Oudin a souhaité connaître le montant de la dette non négociable de l'Etat.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué que la dette négociable représentait 90 % de la dette de l'Etat aujourd'hui.

M. Jacques Oudin a considéré que la dette des entreprises publique devrait entrer dans le périmètre de la dette publique. Il a enfin remarqué que les pays de l'organisation de coopération et de développement économique (l'OCDE) qui avaient connu des excédents budgétaires au cours des dernières années connaîtraient tous en 2002 une dégradation de leurs soldes publics.

M. François Marc a regretté la prise en compte partielle des contreparties de l'endettement public, notant que l'on ne pouvait ignorer les autres paramètres de l'économie et les problèmes d'inégalités et de pauvreté. Il a relevé que la crise financière actuelle posait la question de la crédibilité des décideurs économiques.

M. Paul Loridant s'est interrogé sur la pertinence de l'exercice de projection à 2030 de la dette publique. Il a constaté que l'épargne investie aujourd'hui en bons du trésor était davantage à l'abri de la crise financière que l'épargne investie sur les marchés d'actions.

M. Philippe Adnot a insisté sur la prise en compte de la contrepartie de l'endettement, considérant que lorsque celle-ci se composait d'investissements, l'endettement se justifiait, mais lorsqu'elle se composait de dépenses de fonctionnement, il fallait examiner les dépenses dont il s'agissait. Il a cité l'exemple de l'étudiant finançant ses études par emprunt, remboursé une fois arrivé dans la vie active, pour insister sur la nécessité de vérifier la qualité de la dépense financée par l'endettement.

M. René Trégouët a expliqué qu'il y avait de bons et de mauvais déficits, rangeant parmi les mauvais celui prévu pour 2002, et parmi les bons les déficits résultant d'une diminution volontariste des prélèvements. Il a cité l'exemple de la politique américaine sous le Président Reagan, qui avait à court terme creusé les déficits par la baisse d'impôt mais qui avait, sur le moyen terme, grâce à une hausse de la productivité des services de l'Etat, conduit à l'équilibre budgétaire.

M. Jean Arthuis, président , a insisté sur la nécessité d'y voir clair dans les comptes publics, et en particulier dans la dette. Il a souhaité que l'on puisse donner au citoyen des éléments de lisibilité sur le patrimoine public. Il a mis en regard le cas des administrations publiques avec la crise de confiance que traversent les entreprises sur les marchés d'actions en raison des scandales financiers, comme celui de Worldcom, dus à un manque de transparence des comptes et à des astuces comptables. Il a indiqué que l'exigence de sincérité des comptes qui s'appliquait aux entreprises devait s'appliquer aussi à l'Etat, se demandant s'il était bon de reporter les dettes d'aujourd'hui sur les générations futures. Il a souligné le rôle du Parlement dans la définition de la norme de sincérité des comptes publics, qui seule rendra possible la réforme de l'Etat. Il a souhaité que puissent être présentés annuellement les comptes consolidés des entreprises publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué en réponse aux différentes interventions qu'il était sur le plan des principes attaché à l'indépendance de la France et à l'indépendance de l'Europe, regrettant qu'en raison du poids de la charge de la dette, la France ne devienne qu'un « tigre de papier ». Il a montré que les États-Unis, grâce à leur taille, avaient pu, après avoir atteint un solde positif des finances publiques, investir massivement dès qu'ils en avaient estimé le besoin. Il a constaté que l'État, comme n'importe quel agent économique, était sous surveillance et qu'il faisait l'objet d'une notation sur les marchés prenant en compte le niveau de sa dette publique. A ce sujet, il a signalé qu'une augmentation trop importante du niveau de la dette pouvait conduire à des sanctions sur les marchés obligataires. En ce qui concerne le patrimoine public, il a indiqué que celui-ci avait diminué en partie en raison des privatisations. Il a souligné que la dégradation de la situation patrimoniale nette des administrations publiques était entièrement imputable à l'État et que la détérioration de la substance du patrimoine de l'État était d'autant plus préoccupante qu'il fallait prendre en considération des engagements non enregistrés à son passif, du fait de conventions comptables contestables. Il a déploré que l'Etat ne puisse plus, en raison de la progression des dépenses structurelles et du poids de la charge de la dette, financer les investissements de long terme liés aux infrastructures et à l'équipement de défense alors que personne d'autre ne peut réaliser de tels investissements. Il a souligné que les coefficients d'attractivité des pays pour les entreprises étrangères prenaient non seulement en compte la fiscalité mais aussi les équipements publics. En ce qui concerne la définition de la notion d'investissement public, il a considéré que des paramètres précis, étaient nécessaires notant au sujet du « capital formation » qu'il ne fallait pas créer de valeurs bilantielles fictives. Il a défini l'investissement comme une dépense dans un bien amortissable. Concluant, il a constaté que l'alourdissement de la dette s'était accompagné d'une amélioration de ses techniques de financement.


DETTE PUBLIQUE :

UNE LEGISLATURE POUR RIEN

LA DETTE PUBLIQUE 1996-2000, SES CONTREPARTIES

ET SES PERSPECTIVES D'AVENIR

LA FRANCE S'EST SINGULARISÉE AU COURS DE LA LÉGISLATURE PASSÉE PAR UN MOINDRE EFFORT DE MAÎTRISE DE LA DETTE PUBLIQUE QUE LES AUTRES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE. RELATIVEMENT PRIVILÉGIÉE EN 1997, AVEC UN NIVEAU D'ENDETTEMENT PUBLIC DE 59,3 % DU PIB QUI LA SITUAIT AU 4E MEILLEUR RANG AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE, LA FRANCE A MOINS RÉDUIT SA DETTE QUE SES PARTENAIRES : AVEC 57,3 % DU PIB EN 2001, SON NIVEAU D'ENDETTEMENT NE LA PLACE PLUS QU'EN 9E POSITION SUR 15.

CERTES, LA DETTE S'EST RÉDUITE EN POURCENTAGE DU PIB ENTRE 1997 ET 2001. LA FRANCE A EN EFFET DÉGAGÉ DES SOLDES PRIMAIRES POSITIFS À PARTIR DE 1999. ELLE SE RÉVÈLE POURTANT COMME LE PLUS MAUVAIS ÉLÈVE DE L'EUROPE. LA DETTE PUBLIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE A EN MOYENNE RECULÉ DE 7,7 POINTS DE PIB ENTRE 1996 ET 2000 CONTRE UNE AUGMENTATION DE 0,9 POINT DE PIB EN FRANCE SUR LA MÊME PÉRIODE. LA RAISON ESSENTIELLE DE LA CONTRE-PERFORMANCE FRANÇAISE TIENT À UN EFFORT INSUFFISANT POUR RÉDUIRE SON DÉFICIT STRUCTUREL : DURANT LA PÉRIODE 1996-2000, LA FRANCE A DAVANTAGE COMPTÉ SUR LA CROISSANCE DES RECETTES QUE SUR UNE RÉELLE MAÎTRISE DES DÉPENSES.

RESPONSABLE : L'ÉTAT, SEULE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE DÉFICITAIRE EN 2001. UN ÉTAT QUI SE MONTRE PIÈTRE GESTIONNAIRE : LA DETTE FINANCIÈRE DE SES ENTREPRISES PUBLIQUES REPRÉSENTE 9 POINTS DE PIB, LES ENGAGEMENTS HORS BILAN DE CELLES-CI SONT MAL CONNUS. L'ENDETTEMENT DE L'ÉTAT NE TROUVE PAS DE CONTREPARTIE PATRIMONIALE ÉQUIVALENTE : DURANT LA PÉRIODE 1996-2000, LE PATRIMOINE NET DE L'ÉTAT A DIMINUÉ, CE QUI TRADUIT EN PARTICULIER L'INSUFFISANCE DE SES INVESTISSEMENTS.

MALGRÉ LA PERSPECTIVE D'UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES, L'ÉCHÉANCE DU RETOUR DE LA DETTE PUBLIQUE À SON NIVEAU DE 1980, SOIT 20 POINTS DE PIB, NE POURRA INTERVENIR AU MIEUX QU'À L'HORIZON 2030. PLUS QUE JAMAIS, LA CRÉDIBILITÉ DE LA FRANCE, ET DONC SA VÉRITABLE INDÉPENDANCE, REPOSE SUR L'ESPRIT DE RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE FINANCES PUBLIQUES.

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