III. UN NOUVEAU PARTAGE DES RESPONSABILITÉS

Si l'idée de l'intérêt public qui s'attache à la préservation du patrimoine national a suscité beaucoup de formules heureuses, c'est sans doute Victor Hugo, qui, le premier, dès 1832, a affirmé aussi clairement le fait que les monuments historiques sont ce que les économistes d'aujourd'hui appellent des biens collectifs : « Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d'un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur... Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c'est donc dépasser son droit que le détruire ».

Mais, et les monuments historiques en sont un bon exemple, ce n'est pas parce qu'un bien ou un service rentre dans la catégorie des biens ou services collectifs du fait des « effets externes » qui lui sont associés, qu'ils doivent être obligatoirement gérés par l'État.

Au contraire, si, dans l'ensemble, le système relève d'une gestion mixte, publique et privée, l'expérience démontre que c'est la gestion privée des monuments qui -sauf pour quelques monuments insignes, dont la construction et l'utilisation ont toujours participé de l'exercice du pouvoir politique- est le mode le plus économique et le plus naturel de préservation du patrimoine monumental national .

La conviction de votre rapporteur spécial est qu'ici comme dans d'autres domaines, l'État a moins intérêt à être gestionnaire et à se substituer au propriétaire qu'à se comporter comme un contrôleur, et comme un arbitre en charge de la définition des règles du jeu assurant la prise en compte de l'intérêt général .

Maintenant, la question importante est de savoir à quel niveau l'État doit intervenir, sachant qu'il semble-t-il qu'en France et en Italie que la protection des monuments historique soit entièrement régentée par l'État central.

Au moment même où étaient en cours des expériences administratives tendant à examiner les avantages et les inconvénients d'un transfert de compétences partiels aux collectivités territoriales en matière de patrimoine monumental, le Parlement adoptait, en commission mixte paritaire, un article devenu d'article 111 de la loi du 27 février 2002 tendant à prévoir de nouvelles expériences sur une base législative .

Une telle initiative n'a pas manqué de susciter un certain émoi au sein des administrations intéressées, ainsi que votre rapporteur spécial a pu s'en rendre compte par lui-même, lorsqu'il s'est rendu à Villeneuve -lez-Avignon à l'occasion des journées de réflexion organisées par le Collège du patrimoine, une association regroupant toutes les professions concernées.

Le nouveau ministre de la culture et de la communication, MM. Jean-Jacques Aillagon, a installé en juillet dernier un groupe de réflexion présidé par M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des Comptes, ancien, directeur du patrimoine, ancien directeur de l'École du patrimoine, qui doit remettre le résultat de ses travaux pour la fin de cet automne 2002.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent les propositions de votre rapporteur spécial, qui n'ont pas l'ambition de présenter un ensemble parfaitement cohérent mais simplement d'attirer l'attention sur telle ou telle possibilité et de conforter l'idée fondamentale qu'en dépit des hésitations des uns et des autres, il est dans le sens de notre histoire institutionnelle de transférer aux collectivités territoriales et, en particulier, aux régions de vraies compétences en matière de patrimoine monumental.

A. LE PROPRIÉTAIRE PRIVÉ PREMIER CONSERVATEUR DES MONUMENTS

Les propriétaires français de monuments historiques bénéficient d'un régime favorable, dont ils sont, dans l'ensemble, plutôt satisfaits. Telle est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial ne propose que des aménagements ponctuels sur le plan fiscal pour concentrer sur certains aspects juridiques et sur le problème plus général de la reconnaissance du rôle fondamental de la propriété privée dans la conservation et dans la mise en valeur à moindre frais des monuments historiques.

Le principe directeur des mesures proposées est d' inciter les propriétaires à assumer leurs responsabilités , qu'il s'agisse de l' entretien en « bon père de famille » d'un bien dont ils sont comptables à la société, ou de la maîtrise d'ouvrage , que l'État n'a pu accaparer aussi facilement sur des bases juridiques douteuses, que parce que, effectivement, rares sont ceux qui veulent prendre la direction des opérations.

1. Des avantages non négligeables justifiés par le rôle de gardien du patrimoine

Ainsi que le montre l'étude de la cellule de législation comparée du Sénat dont les conclusions sont rappelées dans l'encadré ci-contre, le dispositif français d'aide aux propriétaires de monuments historiques est à la fois plus diversifié et plus généreux que celui des autres pays de l'Union Européenne.

Pourquoi proposer dans ce rapport d'en faire plus encore ? C'est que les avantages fiscaux reconnus aux propriétaires, ne sont que la contrepartie ciblée sur les monuments, d'un système fiscal particulièrement pesant pour les revenus élevés. En d'autres termes, s'ils sont élevés, c'est parce que la fiscalité directe est particulièrement lourde dans notre pays.

La France marque une préférence pour des taux nominaux d'imposition élevés compensés par des régimes dérogatoires ; ceux-ci n'ont l'air extrêmement favorables que parce la pression fiscale étant forte, on a été conduit à mettre en place des « systèmes de dérivation » de nature à faire « baisser la pression ».

Ce n'est pas le lieu d'ouvrir le débat consistant à savoir s'il ne vaudrait pas mieux baisser la fiscalité et limiter les niches fiscales ; en revanche, on doit souligner que les avantages conférés aux monuments historiques sont justifiés à la fois par les surcoûts supportés par les propriétaires et les économies réalisées par l'État.

a) Des contraintes gages d'économies pour les collectivités publiques

Parmi les justifications des avantages fiscaux, on cite souvent les coûts supplémentaires supportés par les propriétaires pour négliger l'intérêt de l'État qui est de favoriser un mode de gestion économique et « écologique ». Or au vu des observations faites au cours de cette enquête, il s'agit d'un argument non moins important.

(1) Compenser les surcoûts

L'exemple des couvertures en ardoise est bien connu : l'Administration a tendance à préférer, aux ardoises plus légères et simplement agrafées; des ardoises plus épaisses et cloutées, qui si elles sont trois fois plus durables sont aussi cinq fois plus chères... Cependant, ce n'est pas, du point de vue économique, un bon calcul comme l'a montré M. François Cailleteau dans son rapport précité, puisque, indépendamment des accidents toujours possibles -tempête incendie-, on ne tient pas compte de l'actualisation des sommes à avancer.

D'une façon générale, la doctrine actuellement en vigueur consistant à exiger que l'on fasse appel aux techniques d'origine, même si le recours à une technique moderne ne serait pas visible, est une source de surcoûts importants. Le recours aux techniques d'origine est parfois justifié par l'importance du bâtiment lui-même ; il permet aussi la conservation de savoir-faire. Mais il ne devrait pas être systématique.

(2) Favoriser un mode de conservation et de gestion économe des deniers publics

Si l'avantage fiscal est donc pleinement justifié de ce seul fait comme il est d'ailleurs à l'étranger, la lourdeur de notre pression fiscale rend nécessaire l'octroi d'avantages fiscaux plus importants qu'ailleurs. C'est d'autant plus indispensable qu'il faut compter avec l'évolution des mentalités et l'apparition d'une nouvelle génération de propriétaires, moins attachés à la conservation du bien et donc moins enclins à faire les sacrifices, certes gratifiants mais néanmoins lourds, que suppose la conservation d'un monument historique important.

Une conclusion s'impose à l'issue de la présente enquête : la propriété et l'initiative privées sont souvent un mode de gestion plus efficace du point de vue de la conservation et de la mise en valeur des monuments historiques que la gestion publique.

En fait, l'on se trouve dans deux cas de figure. S'il s'agit d'un monument de taille relativement modeste et comme le démontrent les problèmes du Centre des monuments nationaux, la gestion publique est nécessairement plus onéreuse : à la différence d'un château privé qui peut n'ouvrir que quelques dizaines de jours par an, se contenter d'un personnel restreint voire largement saisonnier, et en tous cas polyvalent, le château public doit supporter des coûts fixes liées à la rigidité des conditions de travail , sans que pourtant la qualité du service offert au visiteur soit sensiblement supérieure, bien au contraire.

A ces coûts fixes de gestion s'ajoute la nécessité de faire vivre le monument par des animations à laquelle échappent les monuments historiques privés les plus modestes , ne serait-ce que parce les photos de famille des propriétaires et quelques bouquets de fleurs suffisent à offrir aux visiteurs ce supplément d'âme dont les pierres ont souvent besoin.

En revanche, dans le cas d'un château du Centre des monuments nationaux, il faut à la fois entretenir des équipes à l'année, en dépit des éléments de souplesse liés aux personnels sur contrat, réinventer une vie de château, créer des évènements, souvent coûteux, et au retour sur investissement des plus problématique.

S'il s'agit d'un monument plus important , c'est bien sûr la puissance publique qui a les moyens d'entretenir et de mettre en valeur un équipement de rayonnement régional voire national , même si l'initiative privée peut prendre le relais et gérer des monuments importants : la société Culture espace, qui gère le musée de l'automobile de Mulhouse, a pris la responsabilité du Palais des papes.

Ferney-Voltaire

L'histoire commence au printemps 1999 lorsque Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture décide d'acquérir les domaines de Ferney-Voltaire et ses collections pour un montant de 1,829 388 € (12 millions de francs). La propriété avait été classée dans son intégralité, le château et ses dépendances, ainsi qu'un domaine de près de 8 hectares en 1958.

L'organe créant la fonction, on s'est immédiatement préoccupé de trouver une vocation aux monuments. Il fut alors demandé à M. Hervé Loichemol, directeur d'une association dénommée « Le Nouveau Fuzier », qui développait une activité d'animation culturelle et de théâtre autour des oeuvres de Voltaire, d'entreprendre une étude de faisabilité et de définir un projet culturel. Parallèlement, M. Loichemol est nommé administrateur à mi-temps du monument dont la gestion a été transférée au Centre des monuments nationaux.

Au début de l'année 2000 est créée l'association « L'auberge de l'Europe », destinée à assurer la gestion et l'exploitation d'un centre culturel de rencontre - le projet reçoit un avis favorable de la commission compétente qui accepte de lui accorder le label. La nouvelle association reprend une partie des actifs et du passif du nouveau fuzier qui redevient une simple compagnie dramatique.

En décembre 2000 est signé le contrat triennal d'objectif du centre culturel de rencontre. En sont signataires l'État, le CMN, la région Rhône-Alpes, la commune de Ferney-Voltaire, et le président de l'association. On note que le Conseil général de l'Ain et la communauté de communes de Gex ne sont pas signataires.

Plus grave pour la suite, le contrat ne comporte pas d'annexes financières précises comme il est d'usage et renvoie à des discussions annuelles. L'association est de type fermé et comporte seulement six membres titulaires pour un Conseil d'administration de huit membres, auxquels sont invités avec voix consultatives les représentants des collectivités publiques participant. En fait, le vrai pouvoir est détenu par un « comité de suivi » composé des représentants des collectivités apportant des financements.

La dualité entre structures de décisions officielles et officieuses va susciter un certain flou dans la gestion quotidienne et rendre incohérente la gestion d'un organisme par suite de conflits entre le président de l'association et son directeur. A partir de là, l'association ne s'adapte tardivement à un contexte marqué par la non-obtention d'un certain nombre de subventions. Le conflit s'envenime entre M. Loichemol et son directeur, qui est licencié en décembre 2001 pour cause réelle et sérieuse, ainsi que quatre autres agents de l'association, qui avaient pris le parti de ce dernier dans une lettre ouverte critiquant violemment la gestion du projet par le directeur de l'association.

En avril 2002, trois des quatre cadres licenciés sont réintégrés dans la mesure où ils bénéficiaient des protections légales en tant que délégués du personnel et délégués syndicaux.

A partir du mois de décembre 2001 le ministère de la culture procède à un certain nombre d'inspections : une première évaluation des conditions de gestion de management du projet de centre de rencontres est confié au directeur régional adjoint des affaires culturelles de la région Rhône Alpes et à l'inspecteur général du Centre des monuments historiques. Au début de l'année 2002 l'association elle-même demande un rapport d'audit au cabinet KPMG qui évalue le déficit accumulé en deux années d'exercice à 180 000 € (1,2 million de francs). En avril 2002, le directeur de cabinet du ministre de la culture, Mme Catherine Tasca, demande à l'inspecteur général des affaires culturelles d'établir un rapport sur l'Auberge de l'Europe qui est confié à M. Jean-François de Canchy. Quelques jours plus tard, le 9 avril 2002, le bureau de l'association décide de déclarer la cessation de paiement de l'Auberge de l'Europe auprès du DGI de Bourg en Bresse.

Le Centre des monuments nationaux a pris des dispositions pour assurer « en direct » la gestion du château. Il semble à la lecture du rapport de l'inspection générale que l'essentiel de la responsabilité de la crise incomberait au directeur administratif, même si le président de l'association n'a pas vu venir la crise sociale.

A titre de référence, on peut mentionner qu'en Autriche, le château de Schönbrunn est concédé depuis 1991 ce qui montre que l'initiative privée peut gérer des monuments très importants, améliorer l'accueil du public sans renoncer à l'entretien du monument.

Un exemple caractéristique des risques de la gestion publique est le cas de Ferney-Voltaire . Il s'agit d'une opération que votre rapporteur spécial estime tout à fait justifiée dans son principe , eu égard à l'importance symbolique de l'endroit, mais dont la leçon principale est que les interventions culturelles de l'État peuvent, lorsqu'elles sont improvisées, se révéler coûteuses.

Lorsque l'État achète pour 18.293.882 € (12 millions de francs) un château -avec sa collection-, il commence par prévoir 45.734.705€ (30 millions de francs) de travaux ainsi qu'un budget de fonctionnement de plusieurs millions de francs par an.

L'affaire n'aurait jamais attiré l'attention, si ce budget n'avait pas cru de façon explosive -par suite des ambitions de certains des responsables de l'association du centre de rencontre, sans que ses sources de financement soient verrouillées- au point d'entraîner la mise en règlement judiciaire de l'association de gestion .

Ainsi, même s'il est difficilement concevable dans un pays comme la France de concéder des monuments musées aussi emblématiques que Chambord, l'Arc de triomphe ou des châteaux musées comme Pau ou Fontainebleau, l'expérience de la concession d'un monument important est une voie à expérimenter.

b) Un régime financier globalement satisfaisant

En contrepartie des obligations et des contraintes pesant sur eux, les propriétaires de monuments historiques bénéficient d'aides directes et d'avantages fiscaux.

(1) Les aides directes

Les propriétaires privés peuvent bénéficier de subventions. Il s'agit d'une possibilité présentée comme un droit, en dépit de la lettre de l'article 11 du décret du 18 mars 1924 qui stipule que « le classement d'un immeuble n'implique pas nécessairement la participation de l'État aux travaux de restauration, de réparation ou d'entretien. Lorsque l'État prend à sa charge une partie des travaux, l'importance de son concours est fixé en tenant compte de l'intérêt de l'édifice, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et enfin des sacrifices consentis par le propriétaire ou tous autres intéressés à la conservation du monument ».

C'est la croyance, largement répandue, au droit au subventionnement, qui est à l'origine de la multiplication des demandes de classement. La preuve a contrario semble fournie par l'expérience de la décentralisation en Corse où le quasi-alignement des aides entre les immeubles présentant un intérêt patrimonial a provoqué une immédiate désinflation des demandes de protection...

L'imposition des propriétaires de monuments historiques dans l'Union

La présente étude analyse les principales dispositions fiscales prises par les pays voisins pour encourager la préservation du patrimoine immobilier ancien par des particuliers, que ce patrimoine fasse ou non l'objet d'une mesure de classement.

Trois questions ont donc été successivement examinées pour chacun des pays retenus, c'est-à-dire pour l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Espagne, l'Italie et la Suiss e.

- Au moment de l'acquisitio n, à titre onéreux ou à titre gratuit, l'acquéreur d'un immeuble ancien est-il exempté, totalement ou partiellement, des droits d'enregistrement, de succession ou de donation ?

Pendant la période de détentio n, le propriétaire a-t-il la possibilité de déduire ses dépenses d'entretien ? Ses revenus locatifs sont-ils soumis à un régime particulier ? Paie-t-il l'impôt sur la fortune ou l'impôt foncier annuel à un taux réduit ?

- Lors de la revent e, bénéficie-t-il de mesures dérogatoires, relatives aux plus-values par exemple ?

Cet examen fait apparaître que, à la différence de l'Angleterre et du Pays de Galles ainsi que de la Suisse, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont mis en place un dispositif fiscal assez varié au bénéfice des propriétaires d'immeubles anciens.

1) En Angleterre et au Pays de Galles, tout comme en Suisse, les mesures fiscales favorables aux propriétaires d'immeubles anciens sont peu nombreuses

Si par exemple la loi anglaise prévoit l'application de la TVA au taux zéro à certains travaux effectués sur les immeubles classés ou inscrits, cette mesure ne peut pas s'appliquer aux simples travaux d'entretien ou de réparation. Quant à l'exemption de l'impôt sur les successions, elle est accordée de façon discrétionnaire par l'administration en fonction de l'importance que représente le bien pour le patrimoine national.

En Suisse, pour les immeubles classés, les frais d'entretien sont déductibles du revenu. En revanche, dans le cas des immeubles non classés, la déduction n'est admise que si les frais engagés n'augmentent pas la valeur de l'immeuble. Certes, les dépenses non déductibles peuvent être réintégrées au prix de revient au moment de la revente et donc diminuer d'autant la plus-value, mais la non-déductibilité d'une partie des frais d'entretien dissuade les particuliers d'acquérir des immeubles anciens en mauvais état.

2) Les mesures fiscales favorables aux propriétaires d'immeubles anciens sont beaucoup plus variées en Allemagne, en Espagne et en Italie

Les textes relatifs aux différents impôts comportent des mesures dérogatoires favorables aux propriétaires d'immeubles anciens. Le bénéfice de ces mesures est généralement réservé aux propriétaires d'immeubles classés.

Dans ces trois pays, les frais d'entretien sont déductible s, mais selon des modalités différentes. En Allemagne, ils sont déductibles du revenu, sur 10 ans à raison de 10 % par an. En Espagne et en Italie, ils ouvrent droit à une réduction d'impôt, respectivement limitée à 15 % et à 19 % de leur montant. En outre, en Espagne, les frais susceptibles d'être pris en compte à ce titre sont plafonnés à 10 % du revenu imposable. Par ailleurs, en Espagne, les investissements réalisés pour l'acquisition d'immeubles classés sont soumis au même régime fiscal que les frais d'entretien.

Ces trois pays prévoient aussi l'exemption, totale ou partielle, de plusieurs impôts ou retiennent une assiette réduite pour leur calcul.

Ainsi, les biens classés sont exclus de l'assiette de l'impôt sur les successions en Italie. En Allemagne, certains en sont également exonérés totalement, tandis que d'autres le sont à hauteur de 60 %. En Espagne, tous font l'objet d'un abattement de 95 %.

Pour l'impôt sur les donation s, l'Allemagne et l'Espagne retiennent les mêmes règles que pour l'impôt sur les successions, tandis que l'Italie prévoit une imposition forfaitaire d'un montant négligeable (130 €).

En Allemagne et en Espagne, les immeubles classés sont exemptés de l'impôt foncier annue l, perçu au profit des communes. En Italie, où les immeubles classés ne sont pas exemptés de cet impôt, une assiette favorable est toutefois retenue : la valeur cadastrale la plus faible de la zone cadastrale où ils se trouvent.

En Espagne, les immeubles classés sont exemptés de l'impôt annuel sur le patrimoin e, qui n'existe ni en Allemagne ni en Italie.

*

* *

Les mesures fiscales prises en faveur des particuliers propriétaires d'immeubles anciens sont très diverses d'un pays à l'autre et sont complétées par des aides directes apportées sous forme de subventions. En effet, l'absence de mesures fiscales dérogatoires constitue souvent la contrepartie de la préférence accordée aux aides directes.

Etude complète disponible à l'adresse suivante :

http://intranet.senat.fr/lc/lc101/lc101.html

(2) Les avantages en matière d'impôt sur le revenu

Les articles 41 E à J de l'annexe du code général des impôts dispose que les charges foncières sont déductibles du revenu en totalité pour les monuments ouverts au public et à 50 % pour les autres, étant noté que ce taux est porté à 100 %, que le monument soit ouvert ou non, lorsque les travaux de réparation ou d'entretien sont subventionnés par le ministère de la culture.

Agrément délivré au titre de l'article 156
du code général des impôts

Le 1° ter du II de l'article 156 autorise, dans certaines conditions et limites, la déduction des charges foncières afférentes à certains immeubles faisant partie du patrimoine national et ne procurant pas de recettes pour la détermination du revenu global du propriétaire. Cette déduction est :

- de plein droit pour les immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire ;

- subordonnée à l'obtention d'un agrément pour les immeubles faisant partie du patrimoine national en raison de leur caractère historique ou artistique particulier.

Le 3° du I de l'article 156 autorise l'imputation, sur le revenu global, des déficits fonciers afférents à des immeubles procurant des recettes et répondant aux mêmes conditions.

Les statistiques en possession de la direction de la législation fiscale ne permettent pas de distinguer le nombre d'agréments délivrés 8 ( * ) par les directeurs des services fiscaux compétents au titre de 1° ter du II de l'article 156 de ceux accordés en vertu du 3° du I de cet article. Cela dit, l'essentiel des agréments délivrés concerne la déduction des charges foncières (1° ter du II). Au total, le nombre d'agrément s'élève à :

- 68 en 2000,

- 220 en 2001.

La progression enregistrée en 2001 résulte des agréments accordés au titre des immeubles labellisés par la Fondation du Patrimoine (procédure visée à l'article 156, d'application effective depuis l'année 2000). Pour les années 2000 et 2001, le nombre d'agrément « Fondation du Patrimoine » s'élève à 177, dont la grande majorité a été délivrée en 2001.

Plus précisément, lorsqu'un immeuble classé monument historique, inscrit à l'inventaire supplémentaire, ou agréé par le ministre de l'économie et des finances, procure des recettes imposables dans la catégorie des revenus fonciers et n'est pas occupé par son propriétaire, ce dernier détermine son revenu dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire en déduisant des recettes retirées de cet immeuble les charges de la propriété énumérées à l'article 31 du code général des impôts. Si, pour cet immeuble, il constate un déficit foncier, ce dernier est imputable sans limitation de montant sur son revenu global, y compris, le cas échéant, pour la partie qui provient des intérêts d'emprunt.

Lorsque l'immeuble classé, inscrit ou agréé, ne procure aucune recette imposable (l'immeuble n'est pas ouvert à la visite ou est ouvert gratuitement au public), le propriétaire peut, en application de l'article 156-II-1° ter du code déjà cité, déduire de son revenu global, dans les conditions et limites fixées aux articles 41 E à 41 J de l'annexe III au CGI, tout ou partie des charges foncières qu'il a engagées sur cet immeuble.

Dans le cas où l'immeuble procure des recettes imposables et est occupé par son propriétaire -immeuble loué partiellement ou dont certaines pièces sont ouvertes à des visites payantes-, il convient de faire application concurremment des deux régimes décrits ci-dessus : les charges foncières se rapportant à la partie de l'immeuble ouverte au public sont prises en compte pour la détermination d'un déficit foncier qui est imputable sans limitation sur le revenu global ; les charges se rapportant à la partie de l'immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance sont imputables sur le revenu global dans les conditions indiquées ci-dessus (articles 41E à 41 J de l'annexe III au CGI).

La dépense fiscale en matière de monuments historiques

La dépense fiscale résultant des avantages fiscaux accordés en matière de monuments historiques est évaluée à 7,6 millions d'euros (50 millions de francs). Le ministère de la Culture communique chaque année le montant des subventions allouées pour la réalisation de travaux de réparation et d'entretien aux propriétaires -particuliers et collectivités locales- d'immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire.

La part des subventions affectées aux immeubles possédés par les particuliers représente environ 15 % de cette somme. A l'intérieur de ces 15 %, 90 % des subventions sont affectées aux immeubles classés et 10 % aux immeubles inscrits. Ce mode d'évaluation, fourni par le Ministère de la culture, s'explique par le fait que les subventions accordées pour les immeubles classés et pour les immeubles inscrits sont réparties entre ces deux catégories d'immeubles à l'échelon des directions départementales. La détermination précise de la part affectée aux immeubles possédés par les particuliers supposerait la consultation de l'ensemble des directions déconcentrées.

Le montant des travaux réalisés est reconstitué en tenant compte du taux de subventionnement accordé (50 % pour les immeubles classés, 15 % pour les immeubles inscrits). Ces montants sont retenus sous déduction des subventions perçues pour évaluer la dépense fiscale. Aucune donnée concernant le nombre de foyers fiscaux bénéficiant de cette déductibilité n'est disponible.

On note qu'est parue le 22 janvier 2002 une instruction ( 5D-1-02) du ministère des finances donnant satisfaction à une revendication des propriétaires de monuments historiques procurant des recettes imposables . Ceux-ci sont désormais autorisés à déduire pour leur montant réel les primes d'assurances se rapportant aux locaux visités , alors que la prime était antérieurement comprise dans la réduction forfaitaire de 14 %.

(3) Le régime des monuments historiques au regard des droits de mutation et de l'ISF

Les dispositions prévues à l'article 795 A autorisent l'exonération des droits de mutation à titre gratuit afférents aux transmissions de monuments classés ou inscrits et des biens meubles qui en constituent le complément, ainsi qu'à compter du 1 er janvier 1995, des parts de SCI familiales détenant des biens de cette nature, à condition qu'ait été signée une convention assurant l'ouverture au public.

Le nombre de conventions intervenues depuis l'entrée en vigueur du dispositif à la suite du vote de la loi de programme sur le patrimoine monumental du 5 janvier 1988, soit moins d'une cinquantaine, témoigne tout comme le nombre des conventions récemment signées, du peu de succès de la procédure.

1999

2000

2001

2002

Nombre de conventions

6

(5)*

5

-

5

(3)*

2

(1)*

Évaluation des immeubles (K€)

1 456

2 043

1 700

206

Évaluation des meubles (K€)

389

-

676

62

*conventions portant également sur des meubles

Le coût global de la mesure est négligeable, comme en témoigne le fait que la dépense fiscale soit mentionnée dans le fascicule des voies et moyens, assortie de la mention «  », epsilon.

Depuis la mise en place du dispositif, une seule convention a fait l'objet d'un retrait au cours de l'année 1999.

L'évaluation de la valeur des monuments historique au sens fiscal

L'estimation de la valeur vénale des monuments historiques en matière de monuments historiques et d'impôt de solidarité sur la fortune est faite par les services fiscaux sur la base des principes suivants.

Aux termes de l'article 666 du code général des impôts, les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs.

Conformément à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale peut prendre en compte la valeur vénale réelle d'un bien chaque fois que le prix ou l'évaluation fixé(e) par les usagers lui est inférieur(e).

La valeur vénale s'entend du prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve le bien lors de la mutation et des clauses de l'acte de vente (cass. com. 23 octobre 1984, aff. GFA de Plaimpied).

En pratique, et conformément à ces principes, l'estimation d'un bien immobilier par l'administration fiscale repose sur la prise en compte d'éléments réels d'ordre physiques (caractéristiques du bien, confort, qualité architecturale, état d'entretien...), socio-économiques (environnement, urbanisation...) et juridiques (existence d'un bail, indivision...).

Ces règles générales sont applicables pour l'évaluation des demeures et bâtiments classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Il est précisé que, pour l'évaluation des demeures et bâtiments classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, il est tenu compte de la nature spécifique de ces biens, des charges souvent importantes qui les grèvent, du nombre limité d'acquéreurs potentiels et des difficultés qui, dans certains cas, en découlent pour les vendre. II en va de même des contraintes qui pourraient résulter, pour les propriétaires de tels biens, de leur ouverture plus ou moins fréquente au public et de leur utilisation à des fins d'animation collective dans un but essentiellement culturel (en ce sens, R.M. Nicolas Dupont-Aignan, Dép. JO AN du 29juin 1998, n° 13-318).

* 8 Ces agréments relèvent des DSF territorialement compétentes

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