2. Une architecture juridique et administrative à faire évoluer

Si la loi de 1913 a pu traverser le XX ème siècle et absorber toutes les évolutions, cela tient sans doute, à la souplesse d'une formulation, tout à fait inhabituelle dans un texte législatif, qui définit l'immeuble à protéger comme celui présentant un « un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation ».

Cette loi est un monument historique législatif qu'il ne faudrait toucher qu'avec beaucoup de précautions et en ayant procédé, si l'on ose dire, à toutes les études préalables qui s'imposent.

L'inflation patrimoniale déjà soulignée, les perspectives d'une nouvelle répartition des rôles entre État central et collectivités territoriales, l'intégration européenne, les lignes directrices précédemment dégagées et notamment la nécessité de replacer le propriétaire et le citoyen au coeur du système de protection, sont autant de facteurs qui rendent souhaitable un réexamen du cadre législatif et administratif de l'action de l'État.

a) Réfléchir à la possibilité d'un reclassement du patrimoine protégé

La proposition de loi relative au patrimoine de M. Pierre Lequiller , adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 3 avril 2001, avait pour objet à la suite de l'émotion provoquée par le dépeçage de monuments historiques dans le cadre de l'affaire dite des « châteaux japonais », de procéder à des adaptations en principe mineures de la loi de 1913.

La commission des affaires culturelles a adopté le rapport de M. Pierre Laffitte apportant des modifications sensibles au texte transmis, sans que, jusqu'à présent, la proposition ait été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. L'attitude assez critique du rapporteur s'expliquait largement par ce qu'il considérait ce texte comme une surréaction tardive à un problème conjoncturel , que l'Administration avait les moyens de gérer dans le cadre juridique existant, dès lors qu'elle y était sensibilisée.

Votre rapporteur spécial justifie le lancement d'une réflexion sur l'architecture de la loi de 1913, non pour des raisons de conjoncture mais de structure, sur le fondement de considérations essentiellement économique et politique

L'approche du rapport de l'inspection des finances de M. François Cailleteau mérite d'être mentionnée. Il faut, selon lui, concentrer les efforts de l'État sur une partie seulement des monuments classés : ceux qui lui appartiennent et le meilleur des autres . Pour le reste, l'État doit se contenter d'exercer le pouvoir de contrôle et de surveillance que lui confère la loi de 1913.

Cette approche est au départ essentiellement budgétaire : il faudrait établir une liste des monuments que l'État pourrait subventionner à un taux important de l'ordre de 50 %, soit, dans l'esprit de M. François Cailleteau, du environ un tiers des monuments classés, n'appartenant pas à l'État. Les autres monuments classés ne devraient faire l'objet que d'une aide beaucoup plus limitée qui serait au maximum de 20 %.

La situation du patrimoine historique en Autriche

La politique de réfection et d'entretien des monuments en Autriche trouve son point de départ véritable en 1850 avec la création de la Commission centrale pour l'étude et la sauvegarde des monuments. Cette politique de protection s'est poursuivie par la création, en 1911, d'un Service d'État des monuments historiques (appelé depuis 1920 Service Fédéral des monuments historiques, BDA (« Bundesdenkmalamt »), puis, avec l'avènement de la République, à travers une loi d'interdiction des exportations (1918) et la loi de protection du patrimoine historique (1923).

Le bon accomplissement de la politique de protection des monuments historiques repose essentiellement sur deux organismes : le Ministère de la Culture (Bundesministerium fur Bildung, Wissenschaft und Kultur, BmBWK) et le Service Fédéral des monuments historiques (Bundesdenkmalamt, BDA). Le BDA est organisé en un service central à Vienne, et neuf Conservatoires de Land, situés dans la capitale de chaque Land. Le service central est doté de départements spécialisés (archéologie, architecture, jardins historiques, musées, recensement des monuments, ateliers de restauration, etc...) qui viennent en soutien des Conservatoires en tant que de besoin.

D'après la constitution autrichienne, la protection des monuments historiques est une compétence fédérale, alors que l'affectation des sols, la législation de la construction (y compris la protection du paysage urbain) et la protection de l'environnement relèvent de la compétence des Länder. Cette protection des monuments historiques est réglementée par la loi de protection des monuments historiques (Denkmalschutzgesetz, DMSG) de 1923, modifiée en 1978, 1990 et 1999. La loi entend par « monuments historiques » : « tous les objets mobiliers ou immobiliers de facture humaine, ayant une valeur culturelle (historique, artistique ou autre) et dont la sauvegarde représente un intérêt public », lequel intérêt public étant déterminé par le BDA.

Pour les monuments historiques relevant de la propriété publique (État fédéral, Land et communes), des églises reconnues ou des communautés religieuses, il existe une présomption légale d'intérêt public pour leur sauvegarde, la charge de la preuve contraire incombant au BDA (officiellement ou sur demande du propriétaire). La loi de 1999 modifiant le DMSG a modifié ce régime juridique : à compter de 2009, la présomption légale d'intérêt public ne vaudra plus que pour les monuments relevant de la propriété publique qui auront été expressément dénommés dans un règlement du BDA .

Pour les monuments relevant des personnes privées, l'intérêt public (en vue de leur classement comme monument historique) pour leur sauvegarde doit être constaté par le BDA. Le propriétaire peut faire appel de la constatation auprès du BmBWK, les critères de définition de l'intérêt public étant les mêmes, qu'il s'agisse d'un monument public ou privé.

Alors qu'on connaît précisément le nombre de monuments historiques relevant de propriétaires privés, à l'heure actuelle le nombre de monuments historiques du « domaine public » ne peut être qu'estimé (du fait de la présomption légale de classement). Au total, on compte aujourd'hui près de 30.000 monuments historiques en Autriche, et on estime à autant le nombre de ceux qui pourront à l'avenir, dans le cadre de la loi de 1999, bénéficier de la reconnaissance « monument historique ».

Le monument bénéficiant de la protection du BDA ne peut être détruit, modifié ou même vendu sans l'accord écrit du BDA. Lorsque l'exercice d'un culte religieux introduit dans un monument religieux des modifications notables, celles-ci doivent également être autorisées par le service des monuments historiques.

Bien que le dispositif autrichien de protection des monuments historiques ne connaisse pas d'obligation de sauvegarde, l'omission de mesures de sauvegarde nécessaires en vue d'une destruction intentionnelle est punissable. Avant la destruction d'un monument historique, on doit recueillir l'avis des experts du Comité consultatif des monuments historiques, lesquels sont nommés pour 6 ans par le BmBWK.

La protection de l'environnement d'un monument historique est pratiquement impossible sur la base de la loi DMSG, la constitution prévoyant que les abords d'un monument relèvent de la compétence des Länder.

La gestion des monuments historiques diffère selon la qualité du propriétaire pour les propriétés « publiques », il y a une différence de gestion entre les monuments relevant du niveau fédéral et ceux relevant des autres propriétaires publics (Lander et communes). Dans le cas des monuments relevant du niveau fédéral, il n'y a aucune subvention prévue, ni de ligne budgétaire pour leur entretien. D'ailleurs l'État fédéral ne pourrait pas assumer seul le coût de l'entretien de ses monuments historiques . Les dépenses prises en charge par le niveau fédéral ne sont donc que celles qui excèdent le coût d'un entretien normal.

Pour les autres propriétaires publics, la gestion des propriétés est la même que pour les propriétaires privés. Une exception : le château de Schönbrunn, pour lequel la gestion prend une forme privée, tout en restant propriété de l'État fédéral.

II n'existe pas à la charge des collectivités publiques d'obligation légale de financement de la restauration, l'entretien ou la recherche de monuments historiques protégés Cependant des subventions sont prévues qui s'élèvent à l'heure actuelle à 10% des coûts de réfection considérés comme pertinents, c'est-à-dire ceux qui sont nécessaires pour la sauvegarde substantielle du monument, en fonction de la durée et de la valeur de celui-ci. Ce taux de subvention s'élevait autrefois à 20%, à hauteur du montant de la TVA.

Cependant, il existe des allégements fiscaux en cas de dépenses liées à l'entretien de monuments historiques. II existe également des possibilités d'amortissement (pour des durées de 10 à 15 ans), mais uniquement en cas, soit d'utilisation d'un monument historique comme activité d'entreprise, soit de sa location. Les donations au BDA sont également exonérées d'impôt à hauteur de 10% des revenus de l'année précédente.

Une forme particulière de soutien aux monuments historiques est l'opération dite de restauration des façades (Fassadenrestarierungsaktion), lançée par le BmBWK : c'est une action commune de l'État fédéral, du Land et de la commune. Afin de remettre en l'état d'origine, la réfection des façades peut être effectuée sous la surveillance du BmBWK : cette mesure peut concerner de 30 à 60% des opérations de restauration d'un même ensemble.

Le budget global utilisé pour la protection des monuments historiques en Autriche se monte à près de 147 millions d'ATS (10,7 millions €). C'est un budget en nette baisse par rapport aux années passées. Cette baisse explique le développement d'aides extrabudgétaires en particulier par le biais d'exonérations de taxes diverses.

A ces montants il faut ajouter environ 30 Mio ATS (2,2 Mio €) annuels de donations déductibles (soit un montant approximatif de 180 Mio ATS pour l'année 2000).

Mais cette approche budgétaire débouche sur une nouvelle pratique du classement voire du déclassement. Le rapport de l'inspection des finances préconise de limiter à une cinquantaine le nombre de nouveaux monuments classés par an. On remarquera que le rythme a beaucoup baissé, puisque si le nombre de monuments classés a pu s'approcher des 200 par an, au début des années 1990, on est redescendu depuis lors à un niveau inférieur à la centaine. Allant plus loin, il préconise que l'on facilite le déclassement d'un certain nombre de monuments jugés non essentiels et ce, en prévoyant un simple arrêté au lieu du décret prévu actuellement.

La question peut être formulée, selon votre rapporteur spécial, d'une façon très générale : tandis que l'on classe et surtout l'on inscrit - du fait en particulier de la procédure déconcentrée au niveau régional- de plus en plus de monuments, tout devenant patrimoine, les crédits, eux, restent constants. En d'autres termes, il y a de plus en plus d'ayants droit à se partager un « gâteau » qui n'augmente pas .

Il y a même une forme de détournement du système, puisque le classement et l'inscription ont été, dans un nombre non négligeable de cas, décidés pour des motifs financiers - ou politiques après la guerre de 1914 voire pour de simples raisons de commodité personnelle,- et non sur la base de considérations historiques ou artistiques .

Ce sont de plus en plus les particuliers qui prennent l'initiative de demander le classement d'un immeuble pour bénéficier des avantages fiscaux qui lui sont attachés ou pour protéger leur environnement immédiat. Dans le cas des bâtiments publics, c'est bien souvent le CRMH qui propose le classement, parce qu'il sait que la collectivité territoriale qui en a la charge, ne peut pas la supporter et qu'il lui faut avoir la possibilité de subventionner la restauration.

Bref, la ligne de partage entre classement et inscription tient pour une part à la prise en compte de la capacité contributive des propriétaires et pas simplement à l'intérêt intrinsèque de l'immeuble.

De ce point de vue, un réexamen du parc d'immeubles est souhaitable et pourrait justifier que l'aide de l'État soit réservée aux seuls monuments historiques constituant de véritables trésors du patrimoine national .

Pour les autres, sans méconnaître leur intérêt pour l'ensemble de la collectivité nationale, on pourrait s'en remettre à l'initiative des collectivités territoriales dans la mesure où leur protection apparaît, sauf exception, relever plus de l'exercice d'un choix en matière de cadre de vie que du souci de préserver un élément essentiel du patrimoine national.

Il est en effet évident que, sauf pour ceux de la fin du XIXeme et du XXe 11 ( * ) siècle, les édifices importants ont presque tous été déjà classés . Certains historiens d'art, comme M. Jean-Michel Leniaud, reconnaissent qu'il ne reste guère à protéger de monuments historiques d'un niveau véritablement national.

Si l'initiative de la protection nouvelle devait revenir de façon quasi-exclusive aux collectivités territoriales - même si la décision finale restait une compétence d'État- il conviendrait, dès lors qu'un avantage fiscal d'État est attaché au statut d'immeuble protégé, d'amener les collectivités à s'engager financièrement.

A moyen terme, il convient de réfléchir à une remise à plat de la distinction entre monuments classés et monuments inscrits pour des raisons financières certes, mais aussi dans la mesure où la ligne de partage actuelle tient parfois plus à des accidents de l'histoire ou à des raisons fiscales qu'à l'intérêt des bâtiments du point de vue de l'histoire ou de l'art.

Cette révision du parc de monuments devrait aussi s'inscrire dans la perspective du changement des conditions d'exercice du métier d'architecte en chef des monuments historiques du fait des règles de la concurrence européenne.

Le principe consisterait, sans doute, à distinguer, parmi les monuments historiques, ceux ayant la qualité de moments essentiels au regard du génie national.

D'un côté, on aurait des monuments historiques , labellisés « Monuments de France », par référence à la loi sur les musées de France, qui relèveraient naturellement de la compétence de l'État, tant en ce qui concerne la protection que la restauration. Ces monuments, véritables « trésors nationaux », dont le nombre reste à déterminer, seraient sous la maîtrise permanente de l'État.

Le critère, qui caractérisait le « monument de France » des autres, serait son importance du point de vue de l'Histoire et de l'art mais aussi le volume et la permanence des travaux. Et c'est ce qui justifierait la désignation d'un architecte public à demeure , qui serait garant de l'intégrité du bâtiment et de la mémoire du lieu.

Pour ce type de monuments exceptionnels, il serait parfaitement possible de défendre le maintien du statu quo , alors que le monopole géographique est, en ce qui concerne le monopole de maîtrise d'oeuvre des ACMH- mais non leurs fonctions d'architecte conseil qui ressortissent à l'évidence de compétences purement régaliennes-, relativement critiquable au regard de la concurrence européenne.

Ainsi, formellement serait-on amené à faire la part au sein d'un parc de monuments protégés qui pourraient par ailleurs être soumis à un régime juridique très proche voire identique- entre ceux relevant d'une maîtrise d'oeuvre nominative et ceux sujets à une maîtrise d'oeuvre concurrentielle , étant entendu que même dans ce cas les architectes habilités à intervenir devraient figurer sur une liste d'aptitude.

Les autres monuments protégés auraient le label « patrimoine national », qu'il s'agisse de monuments classés ou ISMH - ainsi que des flux de monuments nouvellement protégés pour lesquels l'État ne demande pas le label « monument de France ».

On a préféré, pour qualifier les monuments historiques n'ayant pas la qualité de « monument de France », conserver le terme de « national », considérant que, s'il y a bien une hiérarchie d'intérêt du point de vue de l'Histoire ou de l'art, il n'en reste pas moins que la nation est une et indivisible et que les collectivités locales ne font que participer à l'exercice d'une prérogative par nature nationale .

Il y aurait donc un tri à opérer dans le parc des immeubles - et des meubles- protégés , qui ne pourrait être réalisé que progressivement par une commission de spécialistes scientifiques.

Plutôt que de déclasser la plupart des monuments historiques classés, il serait plus facile de présenter la mesure comme une simplification , l'assimilation ou presque du régime juridique des monuments classés et inscrits , assortie de la création d'une nouvelle catégorie pour certains monuments vraiment exceptionnels.

Dans un régime caractérisé par le libre choix de l'architecte sur une liste d'aptitude ayant vocation à être assez large, on peut se poser la question de savoir s'il faut toujours maintenir une distinction entre monuments classés et inscrits du point sur le plan juridique.

Certes, certains propriétaires de monuments ISMH pourraient refuser les contraintes d'un régime de classement en matière d'autorisation ou de recours à un maître d'oeuvre agréé. Mais, il leur serait toujours loisible de demander l'agrément au titre de l'article 156 du code général des impôts et conserver ainsi le bénéfice de la déductibilité.

Sur la base d'un régime très largement commun à l'ensemble du patrimoine protégé, la catégorie des « monuments de France » serait caractérisée par des règles spécifiques, tant sur le plan juridique -du fait de l'initiative de la création qui reviendrait à l'État-, qu'administratif -du fait de l'intervention des ACMH et des inspecteurs des monuments historiques dans le cadre de la maîtrise d'oeuvre automatique de l'État- et financier -par l'injection, a priori plus importante, de crédits d'État-.

Pour les monuments historiques labellisés, « patrimoine national », il y aurait, outre un régime transitoire aboutissant à maintenir un certain contrôle de l'État pour les anciens MH classés voire pour les anciens ISMH, une certaine déconnexion entre régime juridique et aide financière.

Le régime transitoire est indispensable pour protéger les monuments anciennement classés tout comme d'ailleurs certains édifices ISMH, qui ne sont pas classés pour des raisons contingentes et notamment le refus du propriétaire 12 ( * ) .

Si le régime juridique est largement unifié, il n'en est pas de même de l'aide financière qui devra être déterminée au cas par cas sur la base de critères diversifiés .

On retrouve ici l'esprit initial l'article 11 du décret du 18 mars 1924, qui stipule que « lorsque l'État prend à sa charge une partie des travaux, l'importance de son concours est fixée en tenant compte de l'intérêt de l'édifice, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et enfin des sacrifices consentis par le propriétaire ou tous autres intéressés à la conservation du monument. »

b) Un propriétaire qui doit être exemplaire et cohérent avec lui-même

Un certain nombre de personnes ont souligné, devant votre rapporteur spécial, un paradoxe : les monuments classés appartenant à l'État, mais non affectés au ministère de la Culture, sont souvent très mal entretenus. L'État montre, ici comme ailleurs, le mauvais exemple.

Un arbitrage rendu en conseil des ministres restreint du 15 juillet 1975 a confié à chaque ministère la responsabilité des immeubles qui lui sont affectés : « sauf cas particuliers, chaque département ministériel sera désormais responsable de l'entretien et des réparations qui lui sont affectés ou qui sont affectés à des établissements placés sous sa tutelle ».

En dépit de cet arbitrage qui aurait dû supprimer toute intervention du ministère de la culture sur les monuments historiques ne dépendant pas de ses services ou de ses établissements publics, des aménagements ont été acceptés lorsqu'il s'agit d'édifices classés particulièrement insignes.

A titre exceptionnel, la direction de l'architecture accepte de participer à certaines opérations aux conditions suivantes :

• pour des travaux de stricte restauration, c'est-à-dire ne comportant aucun aménagement complémentaire, dans la limite de 50 % de leur montant ;

• la maîtrise d'ouvrage doit être assurée par les services du ministère de la culture ;

• l'opération est financée dans le cadre d'un programme conventionné, les crédits centraux du ministère affectataire étant virés en début d'exercice sur le chapitre 56-20.

La situation des monuments historiques concernés -le ministère de la Culture n'est affectataire que d'un peu moins de la moitié des 870 monuments classés- est préoccupante dans la mesure où un nombre non négligeable d'entre eux, monuments, de châteaux, des abbayes ou des ponts, ont été parfois pratiquement laissés à l'abandon. Des édifices aussi prestigieux que les palais de justice de Poitiers et de Laon qui dépendent du ministère de la justice, le phare royal de Cordouan qui relève du ministère de l'équipement, ou de nombreux ouvrages situés dans les anciennes forêts de la couronne (Chambord, Rambouillet, Saint-Germain-en Laye..., ministère de l'agriculture et de la pêche, ONF), se trouvent aujourd'hui dans une situation très préoccupante, faute d'entretien.

L'affaire est toujours en attente de solution. Celle-ci pourrait consister :

• soit dans l'extension et la généralisation de la politique conventionnelle, ce qui amènerait la direction du patrimoine à prendre en charge 50% du coût des travaux de conservation sur les quelque 470 monuments historiques ne relevant pas de sa compétence ;

• soit le transfert pur et simple à la direction du patrimoine et de l'architecture de la responsabilité de la conservation de tous les monuments considérés, c'est-à-dire le retour au statu quo ante, ce qui suppose d'importants transferts de crédits en faveur du ministère de la Culture.

École nationale du patrimoine

Établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture, l'École nationale du patrimoine a été fondée par décret n° 90-406 du 16 mai 1990, en parallèle avec la création des corps des conservateurs et conservateurs généraux du patrimoine.

Elle est, d'une part, l'école d'application des conservateurs du patrimoine qui, issus d'un concours de recrutement annuel, sont formés pendant 18 mois à l'exercice de leur futur métier, dans chacune de leurs spécialités : archéologie, archives, inventaire général, monuments historiques, musées, et depuis 1999, patrimoine scientifique, technique et naturel pour les conservateurs territoriaux. Elle remplit ces missions pour les conservateurs de l'État, de la ville de Paris et, par convention pour les conservateurs territoriaux du patrimoine.

Elle assure également la formation permanente des conservateurs et des professionnels du patrimoine, de l'État comme des collectivités locales.

L'École nationale du patrimoine assure, d'autre part, depuis 1996, dans le cadre du département de l'Institut de formation des restaurateurs d'oeuvres d'art (IFROA) situé à Saint-Denis, la sélection et la formation en 4 ans de restaurateurs du patrimoine dans sept domaines : arts du feu, arts graphiques, mobilier, peinture, photographie, sculpture, arts textiles. Les enseignements dispensés sont historiques, scientifiques et pratiques et conduisent au diplôme de « restaurateur du patrimoine ».

Les moyens financiers de l'école proviennent pour l'essentiel de la subvention de fonctionnement inscrite au titre III. Cette subvention représente, en moyenne, environ 90 % des recettes de fonctionnement ; son évolution depuis la création de l'établissement est la suivante :

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Subvention

votée

6.616.287 €

(43,4 MF)

6.158.940 €

(40,4 MF)

6.174.185 €

(40,5 MF)

6.006.491 €

(39,4 MF)

6.189.430 €

(40,6 MF)

6.189.430 €

(40,6 MF)

.

Nombre et répartition des postes ouverts aux concours 2000

Concours externe hors

spécialité « archives »

Concours externe spécialité « archives »

Concours interne

Total

Spécialité « archéologie »

2

0

1

3

Spécialité « musées »

4 *

0

0

4

Spécialité « archives »

0

8

1

9

Total

6

8

2

16

* dont 1 pour la ville de Paris

Les spécialités « inventaire général » et « monuments historiques » n'étaient pas ouvertes, ni au concours externe, ni au concours interne. La spécialité « archives », par la voie du concours externe réservé aux candidats chartistes (8 postes) et celle du concours interne (1 poste), représentait 9 postes sur 16, dont 2 affectés au ministère des affaires étrangères et 2 au ministère de la défense.

Principales données statistiques des concours 2000

Concours externe

hors spécialité « archives »

Concours externe

spécialité « archives »

Concours

interne

Total

Nombre d'inscrits

493

21

28

542

Nombre de présents

263 *

10

22

295

Nombre d'admissibles

16

0

7

23

Nombre d'admis

6

8

2

16

* présents à toutes les épreuves écrites

c) Pour une administration mieux intégrée

Beaucoup de professionnels du secteur le reconnaissent, les différentes branches de la direction de l'architecture et du patrimoine se comportent davantage comme une juxtaposition que comme une chaîne de compétences, orientée vers un seul et même but, la sauvegarde du patrimoine national.

L'administration du patrimoine, au sens large, souffre effectivement, selon votre rapporteur spécial, d'une stratification et d'une sectorisation excessives.

Pour procéder à ce décloisonnement nécessaire , votre rapporteur spécial estime qu'il faudrait non seulement réformer l'organigramme des DRAC mais encore mieux articuler les niveaux régionaux et départementaux.

D'une part, il semble souhaitable, dans l'hypothèse où l'on conserverait aux ABF des compétences en matière d'entretien des monuments historiques, de mieux les articuler avec la conservation régionale des monuments historiques dont ils devraient constituer, pour ce secteur de leur activité, une forme d' échelon départemental . Les liens essentiellement financiers qui existent actuellement, sont insuffisants pour assurer une bonne coordination qui ne dépend que du bon vouloir des uns et des autres.

De même en ce qui concerne les abords des monuments, il ne serait pas inutile, sans qu'il y ait là de lien hiérarchique, d'associer le CRMH à la définition des périmètres de protection.

D'autre part, votre rapporteur spécial estime qu'il faut, tout en respectant les spécificités des uns et des autres, renforcer l'unité des directions régionales des affaires culturelles en faisant jouer plus d'éléments de transversalité.

A la structure actuelle verticale, devraient se substituer des organisations plus horizontales.

Des tentatives en ce sens ont été faites en région Rhône-Alpes et en région parisienne. Il faudrait y réfléchir à nouveau, peut-être en mettant en place certaines cellules communes pour tous les services de la DRAC . Ces cellules pourraient ainsi concerner la documentation, les marchés publics et les services juridiques.

L'interdisciplinarité doit être favorisée. Certes, l'École du patrimoine a été créée pour la mettre en oeuvre de façon concrète, mais il faut poursuivre le mouvement en assurant la possibilité d'arriver à des postes de responsabilité, quel que soit le corps d'origine.

Bien qu'il soit conscient de ce que cette idée soit plus facile à énoncer qu'à mettre en oeuvre, votre rapporteur spécial estime que la direction régionale des affaires culturelles doit être dotée d'un « vrai patron » des services patrimoniaux, capable d'arbitrer et de faire travailler ensemble les services des Monuments historiques de l'Inventaire et de l'Archéologie, ce qui est loin d'être le cas actuellement, dans la mesure où, comme on l'a déjà dit les directeurs régionaux sont plus tournés vers la création et le spectacle vivant que vers le patrimoine.

* 11 Malgré un effort important fait au cours des 20 dernières années, le patrimoine du XXe siècle reste sous-représenté : le nombre des immeubles protégés, inférieur à 200 en 1985, est passé à 1000 en 1995 et à 1400 en 2001 mais ce chiffre ne représente encore que 3,5% du total. La part des immeubles du XXe siècle dans l'ensemble des immeubles protégés au cours de l'année a cependant été en 2000 et 2001 la plus forte enregistrée : 14,5% en 2000 (60 inscriptions+9 classements) et surtout 21% en 2001 (90 inscriptions et 9 classements), alors que cette part annuelle durant les 5 années précédentes se situait autour de 10%.

* 12 C'est la logique qui conduit certains fonctionnaires lorsqu'ils envisagent la possibilité de transférer aux collectivités territoriales les monuments inscrits de considérer qu'il faut en extraire les édifices qui auraient dus être classés ou qui sont soumis à des protections mixtes ainsi qu'enfin aux bien appartenant à l'État.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page