c) La dénomination « montagne » : un droit sous contrainte européenne
(1) L'intention initiale de la loi « montagne »
La
dénomination montagne a été protégée par
l'article 34 de la loi du 9 janvier 1985 relative au
développement et à la protection de la montagne qui
précisait les conditions et les modalités selon lesquelles
pouvaient être utilisés le terme de montagne et les
références géographiques spécifiques aux zones de
montagne.
Il était notamment prévu qu'un décret en Conseil d'Etat
pris après avis des organismes professionnels représentatifs en
matière de certification de qualité fixe les techniques de
fabrication, le lieu de fabrication et la provenance des matières
premières permettant l'utilisation des références
géographiques protégées par la dénomination
« montagne ».
Il était précisé à l'article 35
18(
*
)
de la loi précitée que
cette dénomination ne devait pas porter atteinte à la protection
due aux appellations d'origine.
(2) Un dispositif jugé non conforme en 1997
Le
dispositif français d'encadrement de la dénomination
« montagne » issu de la loi du 9 janvier 1985 relative
au développement et à la protection de la montagne a fait l'objet
d'un arrêt de la Cour de justice des communautés
européennes du 7 mai 1997.
Dans le cadre d'une procédure contentieuse, la Cour de cassation a
posé une question préjudicielle à la Cour de justice des
communautés européennes sur la compatibilité de la
réglementation française avec l'article 30 du traité
de Rome. Dans un arrêt du 7 mai 1997, la Cour de Luxembourg a
jugé que le dispositif issu de la loi du 9 janvier 1985
était en infraction avec le droit communautaire : elle a en effet
considéré que la « dénomination
« montagne » ne pouvait être réservée
aux seuls produits fabriqués sur le territoire national et
élaborés à partir de matières premières
nationales. »
(3) La nouvelle base législative et le décret du 15 décembre 2000 sur la dénomination « montagne »
Afin de
se conformer à cette décision, l'article 87 de la loi
d'orientation agricole du 9 juillet 1999 prévoit que le terme
« montagne » ne peut être utilisé, pour les
denrées alimentaires autres que les vins et pour les produits agricoles
originaires de France, que s'il a fait l'objet d'une autorisation
administrative préalable ; dans ce cas, ces produits doivent avoir
été élaborés dans les zones de montagne telles que
définies par la réglementation communautaire.
Les procédures et les conditions de délivrance de cette
autorisation font l'objet du décret du 15 décembre 2000.
Afin d'encadrer strictement l'utilisation de cette dénomination, et d'en
préserver le potentiel de valeur ajoutée, le décret du
15 décembre 2000 prévoit une forte contrainte de
localisation : toutes les opérations liées à
l'élaboration des produits (production, élevage, engraissement,
abattage, fabrication, affinage et conditionnement) doivent être
situées en zone de montagne, de même que le lieu de provenance des
matières premières entrant dans l'alimentation des animaux ou
dans la fabrication des denrées alimentaires.
Pour se conformer à l'arrêt de la Cour de justice des
Communautés européennes, la provenance des matières
premières entrant dans la composition des produits ne peut pas
être limitée aux seules zones de montagne françaises.
Les dérogations admises à ces principes sont limitées et
devront être justifiées par des conditions techniques ou
naturelles. Elles pourront être encadrées par des
règlements techniques nationaux et concernent :
- les matières premières (épices, agrumes...) qui,
pour des raisons naturelles, ne sont pas produites en zone de montagne ;
- les céréales et les oléoprotéagineux entrant
dans l'alimentation des animaux, lorsqu'ils ne peuvent pas être produits
en quantité suffisante en zones de montagne ;
- le lieu d'abattage des animaux ;
- le lieu de conditionnement des produits.
La mission commune d'information souligne l'importance de ces
règlements techniques nationaux, à qui incomberont l'essentiel de
la mission de verrouillage du dispositif
en encadrant strictement ces
dérogations définies selon une procédure de consultation
publique et approuvées par arrêté des ministres
chargés de l'agriculture et de la consommation.
En ce qui concerne la délivrance de l'autorisation administrative, le
texte répond à un souci de déconcentration des
décisions et d'allégement des procédures par rapport
à celles antérieurement en vigueur. Ainsi, l'autorisation
d'utilisation du terme « montagne » est
délivrée à une personne physique ou morale ou à un
groupement par arrêté du préfet de région
après avis de la Commission régionale des produits alimentaires
de qualité (CORPAQ), et, le cas échéant, du préfet
coordonnateur de massif. Le dossier peut être soumis, pour avis, à
la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles
et alimentaires (CNLC).
Le demandeur doit présenter un cahier des charges et préciser ses
méthodes et moyens de contrôle mis en oeuvre pour garantir que le
produit est bien originaire de la zone de montagne et respecte les conditions
de production et d'élaboration.
Dans le cas de produits bénéficiant d'une certification,
c'est-à-dire d'un label ou d'une certification de conformité, le
demandeur doit fournir son cahier des charges homologué ou validé
et préciser le nom de l'organisme certificateur. Après
consultation de la CORPAQ et du préfet coordinateur de massif,
l'autorisation d'emploi du terme « montagne » est
accordée par arrêté préfectoral.
Enfin, la loi d'orientation agricole prévoit que, lorsque le terme
montagne figure dans la dénomination enregistrée comme AOC/AOP,
comme IGP ou comme attestation de spécificité, les dispositions
de la loi montagne modifiée ne s'appliquent pas. Cela signifie que pour
les AOC/AOP et pour les labels et les certifications de conformité avec
IGP ou attestation de spécificité, l'utilisation du terme
« montagne » est possible, mais elle s'obtient dans le
cadre des procédures de reconnaissance des AOC et d'homologation des
labels et des certifications de conformité avec IGP ou attestation de
spécificité.
S'agissant des règles de contrôle, le dispositif retenu
relève soit de l'auto-contrôle soit du contrôle interne mais
ne prévoit pas un contrôle par un organisme tiers.
(4) Les limites du dispositif au niveau communautaire
La loi
d'orientation agricole prévoit explicitement que les matières
premières entrant dans l'élaboration des produits de montagne
doivent provenir des zones de montagne françaises ou européennes,
sauf dérogations explicitement prévues.
En outre, le décret stipule clairement que les denrées
alimentaires et les produits agricoles non alimentaires et non
transformés originaires d'un autre Etat membre de l'Union
européenne sont dispensés d'autorisation administrative pour
utiliser le terme
« montagne ».
C'est au nom de la libre circulation des marchandises que la Cour de justice de
l'Union européenne a déclaré contraire au Traité de
Rome les dispositions de la loi montagne et a imposé la
possibilité d'utiliser des matières premières venant des
zones de montagne européennes dans l'élaboration des produits
nationaux. Toutes mesures visant à imposer les contraintes du
décret à des produits de montagne élaborés hors de
France seraient considérées comme une entrave aux échanges
et une mesure discriminatoire.
En conséquence,
pour maintenir un haut niveau de protection de la
dénomination « montagne » sans créer de
distorsions économiquement préjudiciables aux professionnels
français, il convient d'engager une démarche au niveau
européen visant à obtenir une protection communautaire de cette
dénomination.
Une des solutions envisageables consiste à faire protéger le
terme « montagne » dans le cadre du règlement
« attestation de spécificité
»
.
L'exercice est jugé difficile car le texte s'applique à
l'ensemble des pays membres de l'Union européenne et ne prévoit
pas de possibilité de zonage. En outre la protection qu'il instaure
s'applique par produit.
A l'heure actuelle, il n'existe aucune proposition de la part des Etats
membres ou de la Commission européenne dans ce domaine.