C. ORIENTER LA RECHERCHE VERS LE COMPORTEMENT HUMAIN ET L'ÉVITEMENT DE L'ACCIDENT

1. Valoriser la recherche en sécurité active

Les industriels de l'automobile accordent une forte priorité à la sécurité secondaire ou sécurité passive : meilleure connaissance de la résistance du corps humain aux chocs et du comportement des structures des véhicules, à des fins de prévention des blessures.

Si la recherche en sécurité passive a fait d'énormes progrès, grâce notamment à l'action des constructeurs automobiles et de l'Union européenne, la recherche en sécurité active marque le pas.

En effet, les conséquences d'un choc sont désormais moins graves pour le conducteur et les passagers d'un véhicule grâce à de nouveaux dispositifs de protection performants (airbags, détendeurs..). Cependant, les recherches sur les outils pour éviter l'accident sont moins avancées.

Il existe toutefois des projets qui, dans l'avenir pourraient être développés et conduire à de nouveaux équipements.

Il en est ainsi des outils de régulation de la vitesse ou de la communication route-véhicule.

Malgré ces projets, la volonté d'aboutir à une généralisation de ces nouveaux outils n'est pas évidente. Il en est ainsi du limiteur de vitesse, qui fait l'objet d'importantes recherches mais d'une faible volonté de diffusion.

Les outils pour réguler ou limiter la vitesse

Les Etats-Unis sont les pionniers du « cruise control » (maintien d'une vitesse programmée), qui est présenté en option sur certains modèles haut de gamme en Europe. Cependant, son usage est limité car il requiert des conditions de circulation fluides.

Le limiteur réglable permet au conducteur d'imposer au véhicule une vitesse qu'il ne doit pas dépasser. Lorsque le véhicule s'apprête à dépasser le seuil indiqué au départ, la vitesse s'autorégule.

Le problème est qu'actuellement, ce dispositif existe en option ou en série sur un très petit nombre de véhicules.

Un autre système est le régulateur de vitesse intelligent . L'automatic cruise control (ACC) offre une assistance à la régulation des distances de sécurité entre le véhicule suiveur et le véhicule suivi. Cet outil maintient une vitesse constante sauf si un obstacle ou un véhicule lent se présente.

Dans le cadre du PREDIT a été lancé le projet d'expérimentation en situation réelle du limiteur s'adaptant à la vitesse autorisée (LAVIA) . Ce dispositif limite automatiquement la vitesse du véhicule à la vitesse réglementaire du secteur où il se trouve. Le système s'appuie sur une carte digitalisée embarquée. Grâce au GPS, le véhicule connaîtra sa localisation ainsi que les vitesses limitées correspondantes. La réalisation de deux prototypes est prévue en septembre 2002 suivie de celle d'une flotte de 20 véhicules équipés en avril 2003. Ces véhicules seront utilisés pendant un an par une centaine de conducteurs sur un site expérimental, représentatif des différentes situations de vitesses réglementaires existantes (routes nationales, autoroutes urbaines, voiries urbaines). Trois variantes du LAVIA vont être expérimentées :

- le système informatif : il avertit, par une alarme affichée sur le tableau de bord, que la vitesse limite est franchie ;

- le système actif débrayable : la vitesse limite ne peut être dépassée ;

- le système actif non débrayable, proposant la même variante que le précédent mais ne pouvant pas être neutralisé.

Les premiers résultats sont attendus pour la fin 2004.

Enfin, le projet d'action de recherche pour une conduite sécurisée (ARCOS) vise à améliorer la sécurité routière par une approche globale du système véhicule-infrastructure-conducteur-conducteur. Quatre options sont à l'étude : alerte des véhicules en amont et en avant des accidents et incidents, gestion des interdistances entre les véhicules, prévention des collisions sur obstacles fixes, arrêtés ou lents et prévention des sorties de voies.

Source : revue du comité de la sécurité routière - juillet 2002

D'autres recherches sont également menées pour développer les communications entre la route et le véhicule et prévenir ainsi les risques d'accidents.

La communication routes-véhicules

Les recherches sont menées au laboratoire sur les interactions véhicule-infrastructures-conducteurs (LIVIC) créé par l'INRETS et le LCPC.

Les fonctions autonomes intégrées aux véhicules sont les premiers axes de recherche. Il s'agit de capteurs de perception de l'environnement qui vont détecter les conditions de circulation difficiles (courbes prononcées, visibilité faible, obstacle proche) et alarmer le conducteur ou l'assister. Ces travaux sont préparés dans le cadre d'ARCOS.

Certains systèmes sont commercialisés comme l'ESP ( electronic stability programm ), qui est un contrôle de trajectoire électronique : le système déclenche un freinage différentiel sur les quatre roues. Si le véhicule ne suit pas la trajectoire prévue par le conducteur, des dispositifs corrigent la situation afin de ramener le véhicule sur la trajectoire désirée.

Les recherches actuelles portent sur des systèmes qui intègrent la faculté de percevoir l'environnement : systèmes anti-collision ou de gestion des interdistances.

Il existe également des essais sur des fonctions coopératives autonomes, qui consistent à placer sur toutes les voitures des petits réflecteurs (ou transpondeurs) qui identifient qu'on a une voiture devant soi. Les fonctions coopératives non autonomes permettent quant à elles des communications d'un véhicule à l'autre, consistant par exemple à alerter une voiture de la survenue d'un accident ou d'un ralentissement brutal.

Le programme de recherche du LCPC est axé sur la volonté de rendre lisible l'information que porte l'infrastructure. Utiliser des capteurs intégrés aux voitures pour détecter la présence d'une rupture dans la continuité d'un itinéraire (verglas, virage dangereux). Les communications du sol au véhicule sont un projet d'avenir, déjà développé sur autoroute avec le système Aida (application pour l'information des autoroutes à qui permet un dialogue entre l'automobile et l'infrastructure grâce à des balises implantées à intervalles réguliers.

Source : revue du comité de la sécurité routière - juillet 2002

Il ne faudrait pas limiter les améliorations de la sécurité des véhicules aux avancées des nouvelles technologies . Les outils de conduite automatique sont à la fois un espoir pour l'avenir mais font également l'objet de freins importants.

En effet, certains considèrent qu'en remplaçant le conducteur, ces outils nuisent à sa sécurité dans certaines situations. Jean L'Hoste, directeur de recherches à l'INRETS, résume bien cette difficulté : « a insi, pour les systèmes qui assistent ou même remplacent le conducteur, comme ceux qui vont détecter un obstacle, freiner à la place du conducteur, l'alerter en cas de somnolence...il y a à la fois un problème de fiabilité et de responsabilité : fiabilité parce qu'il est difficile de mettre au point des systèmes qui répondent efficacement à l'hétérogénéité des individus, en matière d'âge, de morphologie, de style de conduite ; responsabilité car il s'agira, dans un système entièrement « embarqué » de déterminer la part de responsabilité entre l'utilisateur et le constructeur, alors que, pour le moment, la responsabilité incombe presque toujours au conducteur, les grosses défaillances mécaniques à l'origine d'accidents étant exceptionnelles 14 ( * )

En conclusion, votre rapporteur souscrit à la nécessité de développer toutes les recherches nécessaires pour s'assurer de la compatibilité des nouvelles technologies de sécurité « active » avec les exigences de la conduite.

Il souligne toutefois que certains dispositifs existent, comme l'appareil adaptateur de vitesse qui permet au conducteur de garder une complète maîtrise de sa conduite tout en disposant d'options de sécurité supplémentaire. Il serait donc logique que ces outils d'aide à la conduite soient disponibles, au moins sur option, sur l'ensemble des véhicules.

Les projets pour renforcer la sécurité routière active

- projet SAM : système d'alerte autonome par messagerie entre véhicules ;

- projet PARINA : prévention des risques grâce à une cartographie embarquée des points dangereux et un outil de positionnement ;

- projet d'alerte automatique des conducteurs sur les incidents dans les tunnels autoroutiers ;

- projet IVHW , système de diffusion d'alerte rapide entre véhicules,

- projet de limiteur de vitesse adaptatif , dont le but est de tester le comportement des conducteurs disposant d'un dispositif limitant la vitesse au maximum légal dans des situations réelles,

- projet ARCOS , études et expérimentations de fonctions d'aide à la conduite visant à prévenir un certain nombre de catégories d'accidents comme les sorties de routes ou les collisions en chaîne.

2. Développer la recherche humaine et sociale

Si la recherche biomécanique est un pôle d'excellence de la recherche en sécurité routière, la recherche humaine est encore trop faible.

Les acteurs publics sont conscients du problème et des rencontres de la recherche en sécurité routière se tiendront en décembre 2002 . Le programme a lui seul résume les interrogations : il y est question de la nécessité d'une reconnaissance scientifique et d'une implication accrue des équipes universitaires.

En réalité, le comportement individuel et collectif vis-à-vis de l'action de conduire, est un élément déterminant dans la recherche pour améliorer la sécurité routière. Les relations des conducteurs à l'égard de l'alcool, des psychotropes, de la vitesse ou à l'égard de la sanction pénale ou financière, sont autant de données essentielles pour parvenir à faire chuter les chiffres de la délinquance routière. Certains pans entiers ne sont pourtant que faiblement connus.

Les nouvelles technologies apportent beaucoup à la recherche pour la lutte contre l'insécurité routière, cependant, elles ne doivent pas conduire à négliger l'importance du comportement humain, facteur numéro un de la lutte contre la délinquance routière. De surcroît, les nouvelles technologies ne s'appliquent souvent qu'aux nouvelles générations de véhicules ou encore aux parcours autoroutiers, alors même que l'immense majorité des accidents et donc des risques à réduire se situent en zone rurale et sur le réseau « classique ».

Une certitude existe, pour votre rapporteur : il faut clairement passer du message de la sécurité passive à celui de la sécurité active, où le conducteur est le principal responsable de l'amélioration de sa sécurité. Tout comme la limitation du taux d'alcoolémie autorisé, qui ne peut s'appliquer que par une prise de conscience de l'individu, la sécurité active doit résulter aussi de nouveaux réflexes des conducteurs.

Les progrès accomplis dans la recherche ont permis d'améliorer la sécurité des occupants des véhicules mais le progrès technologique a simultanément favorisé l'augmentation de la vitesse et de la puissance des véhicules ainsi qu'une plus grande prise de risque rendue possible par une confiance accrue dans les capacités des véhicules (tenue de route, freinage notamment) qui constituent à l'inverse des facteurs d'insécurité.

D'une manière générale, il convient de valoriser les travaux des chercheurs dans le domaine spécifique de la sécurité routière. Il semble en effet que même dans les organismes qui se consacrent beaucoup à la sécurité routière, comme l'INRETS, l'étiquette « sécurité routière » soit encore un signe dépréciatif. Il convient donc pour les pouvoirs publics d'être vigilants et de faire en sorte que les perspectives accordées aux chercheurs soient suffisamment gratifiantes pour les mobiliser.

Les chercheurs sont évalués par leurs pairs. Il convient cependant aussi que leurs travaux soient appréciés en fonction de leur contribution à la mise en oeuvre des politiques publiques, et en particulier, de la politique de lutte contre l'insécurité routière.

La recherche humaine et sociale doit enfin s'orienter vers des sujets précis et encore très inexplorés comme l'évaluation du contrôle-sanction et l'éducation.

* 14 In « dossiers d'actualité - Quelle sécurité routière aujourd'hui ? » La documentation française 2001

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