Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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CHAPITRE 7

EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF AUX ETATS-UNIS

Aux Etats-Unis, de 1960 à aujourd'hui, la part de l'investissement des entreprises dans le PIB a oscillé entre 9 et 14 %. Ce niveau est inférieur aux niveaux européens.

Plus encore qu'en France ou en Europe, le cycle économique des Etats-Unis dépend de la volatilité de l'investissement des entreprises. Ainsi, le recul très violent de la croissance aux Etats-Unis en 2001 provient surtout de l'effondrement de l'investissement (et des stocks) des entreprises. L'influence de l'investissement des entreprises est tel que cet indicateur est utilisé comme variable clé par le National Bureau of Economic Research pour définir les dates des cycles économiques.

Inversement, les reprises de l'investissement sont fortement corrélées aux anticipations de rebonds de la production.

I. 1. LE BOOM DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

Depuis 1992, la remontée du taux d'investissement a constitué l'un des traits du dynamisme retrouvé de l'économie américaine.

En même temps, la part dans cet investissement des technologies de l'information et des télécommunications n'a cessé d'augmenté. Pour les tenants du New Age, ce phénomène est essentiel dans la compréhension de l'économie américaine. Le recours accru aux nouvelles technologies, rendu possible par cette évolution de l'investissement, doit en effet permettre des gains de productivité plus élevés que par le passé. C'est ce que confirment certaines études (Oliner et Sichel, 2000 ou Jorgenson et Stiroh, 2000) pour lesquelles la moitié des gains de productivité réalisés dans la seconde moitié des années 1990 s'expliquent par la croissance du stock de capital productif en technologies de l'information et des communications.

A nombre d'égards, on peut considérer que l'économie américaine a connu un nouveau cycle d'expansion économique à compter de 1992. L'investissement privé non résidentiel est reparti au deuxième trimestre 1992 après la récession de 1990-1992, et entre 1992 et 2000, a augmenté au rythme de plus 10 % l'an en volume, et ce de façon quasi continue (à l'exception de quelques trimestres en 1995 ou 1997). En part du PIB nominal, il est passé de 9,9 % en 1992 à 13,1 % en 2000. Le poids de l'investissement en équipement des entreprises a atteint en 2000 un point haut historique (9,9 % du PIB contre guère plus de 6 % dans les années 1960), après avoir crû sans discontinuer pendant huit ans, de 1992 à 2000, au rythme moyen de 11,5 % l'an. Une telle expansion est exceptionnelle dans l'histoire des Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale.

Comme on l'a déjà dit, cette forte progression de l'investissement s'est accompagnée d'une déformation marquée de sa composition. En 2000, les technologies de l'information et des communications représentaient près de 35 % des dépenses d'investissement total des entreprises (contre 10 % au début des années 1960) et près de 48 % des dépenses d'équipement !

Mesurée en valeur, cette déformation est d'autant plus notable que le prix de ces biens a baissé nettement plus rapidement que celui des autres équipements. Au cours des années 1990, le rythme de cette baisse s'est accéléré pour atteindre 10 % par rapport au prix de la valeur ajoutée en 1999. D'où une augmentation en volume de cette composante de l'investissement de plus de 16 % l'an au cours des six dernières années. Le taux de croissance annuel du seul investissement en ordinateurs a même dépassé 40 % en moyenne entre 1995 et 2000 !

Cette croissance rapide du volume de l'investissement en informatique et télécommunications n'est toutefois pas exceptionnelle. Au cours des trente dernières années, cette composante de l'investissement des entreprises avait toujours progressé beaucoup plus rapidement que les autres. L'originalité de la période récente (depuis 1995) mérite d'être soulignée. Alors que c'était essentiellement l'accélération des dépenses nominales pour ce type d'équipement qui expliquait la croissance de l'investissement en volume, depuis 1995, la contribution essentielle provient de l'accélération de la baisse des prix.

A la suite du boom de l'investissement, le stock de capital a également progressé rapidement pour retrouver à la fin des années 1990 des taux de croissance identiques à ceux des années 1960. Un tel résultat n'était toutefois pas évident puisque le poids croissant des technologies de l'information et des communications dans le stock de capital a pour effet direct d'en raccourcir la durée de vie, ce qui se traduit par une augmentation continue du taux d'amortissement.

La durée de vie moyenne d'un investissement en ordinateurs (1,4 ans), par exemple, est nettement inférieure à celle des autres équipements (6,3 ans en moyenne). Le taux d'amortissement est ainsi passé de 5 % en 1980 à 9,8 % en 2000, soit un doublement en vingt ans.

Pour autant, le cycle d'investissement qu'a connu les Etats-Unis ne s'est pas réalisé sans à-coups. L'éclatement de la bulle technologique à l'automne 2000 correspond vraisemblablement à une crise de suraccumulation comme en produit régulièrement le capitalisme. Les entreprises ont probablement surestimé la profitabilité espérée de cette nouvelle génération du capital que sont les technologies de l'information et des communications, si bien que les Etats-Unis ont souffert d'un excès de capacités en TIC, nécessitant un fort ajustement à la baisse de l'investissement.

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