B. UNE MENACE : LA DÉSTABILISATION DE LA FILIÈRE AGROALIMENTAIRE NATIONALE ET DE L'ÉCONOMIE RURALE

1. Une crise qui s'étend aux secteurs associés à l'agriculture...

Un climat général de suspicion vis-à-vis des produits issus de l'élevage s'est développé à la suite des récentes crises concernant la sécurité alimentaire. Il a accéléré une baisse tendancielle de la consommation de viande qui, bien loin de ne concerner que l'économie rurale et les équilibres territoriaux, a une incidence déterminante sur l'emploi et sur l'activité économique de la France.

Des effets dommageables sur l'emploi

Comme le souligne le Conseil général du Morbihan dans une contribution adressée à votre mission d'information, la diminution de la production de viande de 1998 à 2000 pour l'ensemble de la Bretagne -de 6,57 % en deux ans- (et de - 10,5 % pour le seul Morbihan), a une influence déterminante sur l'emploi bien au-delà de la seule sphère agricole puisque sur les 70.000 emplois du secteur agricole breton, 60.000 concernent l'industrie agroalimentaire.

Des effets négatifs sur l'économie rurale et le « maillage » territorial

La diminution du nombre des abattoirs est observée dans toutes les régions de France. En dix ans, un tiers des établissements d'abattage a disparu. Bien que ce mouvement se soit ralenti depuis 1994, on compte depuis lors environ six fermetures par an. Désormais, le nombre d'abattoirs atteint 339 , dont 168 se partagent 80 % du total de la production. La concentration des activités d'abattages touche des départements les plus variés : la Seine-Maritime où l'activité d'abattage a diminué de 25 % depuis 1996, notamment du fait de la fermeture de l'abattoir de Rouen en 1998. La baisse du nombre des abattoirs pose des problèmes économiques signalés au cours de la visite de votre mission d'information notamment en Meurthe-et-Moselle . Ces problèmes tiennent, d'une part, à ce que les animaux qui passent plusieurs jours entre l'élevage et l'abattage (transport, centre d'allotement où ils sont regroupés par catégorie) perdent du poids et subissent un stress qui nuit à la qualité de la viande et, d'autre part à ce que l'absence d'abattoirs locaux freine ou empêche la mise en place de « filières courtes », susceptibles de créer une valeur ajoutée supplémentaire en favorisant une politique de qualité et de proximité (vente à la ferme, assurance de traçabilité pour le consommateur...).

Des problèmes chroniques de sous-activité sont également soulignés dans d'autres département tels que les Pyrénées-Orientales et la Charente . Les investissements en jeu dans le secteur de l'abattage sont désormais très importants. C'est ainsi que l'abattoir situé à La-Guerche-de-Bretagne, où votre mission d'information s'est rendue, a nécessité un investissement de 5,14 millions d'euros (33,7 millions de francs) voici un an, et a permis de créer 130 emplois, donnant lieu, au surplus, au versement de 300.000 euros (1,97 million de francs) de taxe professionnelle à la communauté de communes qui l'a accueilli.

La récente épidémie de fièvre aphteuse , au cours de laquelle les mouvements d'animaux ont été soumis à de fortes restrictions lorsqu'ils n'étaient pas totalement interdits, a d'ailleurs montré l'intérêt de disposer d'un réseau d'abattoirs suffisamment étendu, nécessité qui est particulièrement ressentie en Loire-Atlantique où l'on regrette l'éloignement de certains outils d'abattage. On s'étonne, en outre, de ce que les avancées de la législation européenne sur le bien-être animal , qui tendent à raccourcir la durée et la pénibilité des trajets pour le bétail ne favorise pas l'existence d'un maillage minimal du territoire en abattoirs.

Avec 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et 23 millions de tonnes d'aliments fabriqués, le secteur de l'alimentation animale français se place, quant à lui, au premier rang en Europe. Avec 17.000 salariés employés dans 350 entreprises, il est au coeur de l'économie agricole puisqu'il constitue le premier débouché de nombreuses productions végétales, et le premier coût de production en élevage.

S'agissant des commerçants en bestiaux, les 1.500 entreprises de commerce de bétail existantes réalisent un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros et emploient 13.000 personnes dont 10.000 salariées et 3.000 non salariées. Leur activité est très liée à celle des marchés aux bestiaux qui, eux aussi, ont subi une baisse de chiffre d'affaires de 30 % environ en 2001, ayant tous été fermés pendant au minimum six semaines du fait de l'épidémie de fièvre aphteuse. La question de leur devenir est d'ailleurs posée dans certains départements.

Le secteur de la première transformation de la viande de boucherie a également une importance considérable. Dans la seule région Poitou-Charentes, il concerne 3.000 emplois répartis dans 14 abattoirs dont trois opérateurs se partagent 72 % de l'activité de l'abattage de gros bovins.

Le secteur de la boucherie artisanale comprend 22.000 entreprises, qui commercialisent 464.000 tonnes de viandes, dont 208.400 tonnes de boeuf (44,91 %), 109.758 tonnes de porc (23,65 %), 65.500 tonnes de veau (14,12 %), 54.600 tonnes d'agneau (11,77 %) et 23.300 tonnes de cheval (5 %). Elles emploient environ 120.000 personnes, dont 44.000 chefs d'entreprises et conjoints, 66.000 employés et 10.000 apprentis.

La régression du secteur de l'élevage aurait pour effet d'entraîner une crise, voire même la disparition des professions et des activités qui lui sont liées : les fournisseurs de matériel agricole, les coopératives, les vétérinaires même puisqu'il n'est pas rare, désormais, pour certains éleveurs isolés de devoir faire appel à des professionnels installés à plusieurs dizaines de kilomètres de leur exploitation, sont concernés. La vitalité des « villes-centres » des bassins d'élevage elle-même serait menacée par la diminution des activités d'élevage. Comme l'a montré le déplacement de votre mission d'information à La Guerche-de-Bretagne , dans l' Ille-et-Vilaine , les services publics (poste, trésorerie, écoles ...) et les activités économiques privées sont , dans ces villes-centre, dimensionnées pour un bassin de vie irrigué par l'élevage qui dépasse la seule agglomération qui les compose .

D'un point de vue général, le devenir de la filière agroalimentaire dans les départements d'élevage est largement conditionné par la préservation et par le développement de l'activité : on retiendra, à titre d'exemple, qu'en Aveyron , l'agroalimentaire emploie plus de 4.800 salariés et que près d'un quart des actifs du département lui est, d'une façon ou d'une autre, rattaché.

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