2. Une précarisation économique : quels revenus pour les éleveurs ?

« Il n'y aura pas d'éleveurs s'il n'y a pas de revenus » : cette formule, utilisée par M. Michel Joly, vice-président des Jeunes Agriculteurs devant votre mission d'information est révélatrice d'une question essentielle au devenir de la filière de l'élevage.

On assiste, en effet, à une diminution tendancielle du revenu des agriculteurs qu'aggrave une chute conjoncturelle observée au cours des dernières années. D'après le Centre d'économie rurale, le revenu agricole des exploitants du secteur allaitant a baissé de 9 % entre 2000 et 2001 . Du fait de la baisse du revenu, le risque financier qui résulte d'un endettement excessif a nettement augmenté puisque, selon la même source, si 27 % des exploitations dépassaient, avant la dernière crise, l'un des ratios considérés comme « critiques » 16 ( * ) , elles sont désormais 34 % se trouver dans cette situation périlleuse. Celle-ci trouve notamment son origine dans le fait que les prix de vente pratiqués en 2000 ne permettent pas de couvrir les charges, ni de rémunérer la main d'oeuvre et les capitaux.

Les visites effectuées sur le terrain par votre mission confirment pleinement ces statistiques. Ainsi, selon le Centre d'économie rurale des Deux-Sèvres , malgré une augmentation des moyens de production en bovins allaitants, qui passent de 62 à plus de 75 animaux par exploitation entre 1997 et 2000, le revenu par exploitation qui était de 16.000 euros (105.000 francs) en 1997 diminue de façon continue jusqu'en 2000, pour atteindre à peine plus de 12.195 euros (80.000 francs). Ce phénomène est d'autant plus préoccupant qu'au cours de la même période, la production mobilise de plus en plus de capitaux et que la valeur du cheptel diminue.

En Loire-Atlantique , votre mission d'information a visité une exploitation créée en 1985 qui utilise une surface agricole utile de 70 hectares, permettant la production de 49 animaux de boucherie (vaches, jeunes bovins et génisses). Le produit d'exploitation y atteint 90.249 euros (592.000 francs), les charges 58.083 euros (381.000 francs) et le résultat courant 11.525 euros (75.600 francs), de sorte que le solde restant pour vivre à l'exploitant s'élève à environ à 10.137 euros (66.500 francs) pour un an, soit 844 euros (5.541 francs) par mois, ce qui équivaut au montant du SMIC horaire pour 35 heures par semaine, ou encore à 1,4 fois le RMI pour un couple (608 euros).

Les chiffres recueillis dans l'exploitation visitée en Meurthe-et-Moselle par votre mission d'information concordent avec les précédents puisque pour un produit total de 149.000 euros issus de la gestion d'un troupeau charolais de 215 unités de gros bétail, le solde disponible pour l'exploitant est de 30.000 euros (196.787 francs) pour deux unités de travail humain, soit 1.250 euros (8.199 francs) par personne et par mois. L'évolution des prix encourage donc l'extensification des activités d'élevage.

Il convient de noter la part de plus en plus importante qu'occupent les aides publiques dans la formation du revenu des éleveurs . Cette caractéristique est particulièrement marquée s'agissant des éleveurs bovins-viande, dont 82,6 % du revenu en 2001 est constitué de soutiens publics (aides directes et subventions d'exploitation). Le tableau suivant retrace l'évolution de la contribution des aides publiques au revenu de chaque type d'élevage.

CONTRIBUTION DES SUBVENTIONS PUBLIQUES
À LA FORMATIONDU RÉSULTAT AGRICOLE (EN %)

1990

2001

Bovins

11,9

52,5

- bovins lait

8,2

35,7

- bovins viande

20,8

82,6

- bovins mixtes

15,1

56,7

Ovins et autres herbivores

38,2

47,8

- dont ovins

53,9

44,2

Hors sol

2,9

11,8

Ensemble des exploitations professionnelles

6,9

34,6

Source : SCEES, Comptes de l'agriculture par catégorie d'exploitations

Cette situation est souvent vécue comme une dépendance chez les éleveurs, à qui ces aides donnent le sentiment d'être assistés. La mission d'information a constaté que beaucoup d'entre eux préféreraient être rémunérés plus largement par le prix de leur production, comme c'était le cas avant les réformes de la PAC de 1992 et 1999.

* 16 L'INRA distingue trois indicateurs de risque financier : un taux de service de la dette / produit brut supérieur à 20 %, un rapport dette totale / actif total de plus de 80 % et un ratio dette à court terme / actif circulant de plus de 100 %.

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