II. L'AVENIR DE L'ÉLEVAGE : UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET UNE QUESTION SOCIALE

A. UN DANGER : LA RUINE DE L' ECONOMIE DE L'ÉLEVAGE

Des mouvements de fond se manifestent qui portent préjudice à la filière élevage.

1. Un isolement social : l'élevage, un monde à part ?

Les crises conjoncturelles qui sont survenues sur le marché de la viande bovine ont masqué un mouvement de fond dont les effets se font sentir. Elles ont été le catalyseur d'une démotivation des éleveurs dont les causes structurelles relèvent de déterminants sociaux et culturels tout autant que des questions de sécurité alimentaire qui, agitant l'opinion, n'en ont été que le révélateur. Cette démotivation résulte, entre autres :

- d'une crise morale du fait de la suspicion sociale et de l'image d'un métier insuffisamment valorisé dans l'enseignement agricole ;

- d'une ignorance croissante des citadins vis-à-vis du fait agricole , des conditions de production, des contraintes et des aléas de ce métier ;

- d'une transformation de la relation à la nature , les citadins considérant la « campagne » comme un paysage et non pas comme un outil de production économique.

Le manque de perspectives ouvertes aux exploitants agricoles a d'ailleurs des retombées sur le mode de vie de ceux-ci et des conséquences sur l'attractivité même de la profession d'éleveur. Horaires de travail et de présence sur les exploitations en totale contradiction par rapport à la baisse tendancielle du temps de travail en sont les principales manifestations.

La durée et les conditions de travail

Les conditions et la durée du travail dans le secteur de l'élevage contribuent à décourager l'installation des jeunes et à favoriser la cessation d'activité des exploitants en place dès lors qu'ils ont remboursé les emprunts qu'avait nécessités leur installation. Comparée aux 35 heures qui tendent à devenir, qu'on le veuille ou non, sinon une norme sociale, au moins un objectif pour nombre de nos concitoyens, l'inadéquation des conditions du travail agricole aux modes de vie et aux aspirations des Français est manifeste. Les limites à l'automatisation de la production, la nécessité d'assurer une présence constante dans les exploitations , toute l'année, les contraintes, dans l'élevage laitier, qui s'attachent à la nécessité de traire deux fois par jour, tout un ensemble de facteurs s'allie pour décourager ceux qui seraient tentés de choisir ce type d'activité.

La « fuite des femmes » hors du monde agricole

Des éléments concordants montrent, en outre, que l'on assiste à une « fuite des femmes » hors de l'agriculture . Celle-ci conduit certains agriculteurs à abandonner leur activité pour suivre leurs conjointes qui ont, de plus en plus souvent, un travail salarié dont la durée, la pénibilité et les obligations de présence n'ont rien à voir avec les leurs. L'accroissement du célibat agricole manifeste également la précarisation sociale dont les agriculteurs sont victimes. Selon les informations recueillies pas votre mission d'information, sur les 2.148 exploitations de Meurthe-et-Moselle , 448 -soit un cinquième- sont gérées par un ou une célibataire.

Ce phénomène observé dans tout le secteur agricole se trouve renforcé dans la filière de la viande bovine. Selon une récente étude 15 ( * ) avec 31 % de chefs d'exploitation célibataires, les éleveurs du troupeau allaitant enregistrent le record du célibat chez les agriculteurs , où il atteint le niveau non négligeable de 20 %. Selon la même source, 50 % des éleveurs allaitants sont célibataires avant 35 ans, contre 41 % dans les autres professions agricoles.

* 15 Agreste Primeur , n° 110, mai 20002, cité par AGRA Presse hebdo , n° 2859, 13 mai 2002, p. 18.

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