2. Un phénomène nouveau : les reconversions d'agriculteurs

Signalé au cours des auditions de la mission par plusieurs interlocuteurs, le phénomène de cessation anticipée de l'activité de nombreux agriculteurs, avant l'âge de la retraite s'avère particulièrement préoccupant. Les Présidents des Conseils généraux de départements aussi divers que la Gironde et la Vendée ont manifesté la vive inquiétude que suscite ce phénomène d'autant plus surprenant lorsque l'on songe au véritable « parcours du combattant » qu'ont souvent dû franchir les agriculteurs concernés pour s'installer. Il traduit la diffusion d'un véritable sentiment de « ras-le-bol » , risquons le mot, chez des exploitants que le niveau de formation et les aspirations personnelles et familiales poussent à rechercher un emploi dans un autre secteur que l'agriculture.

Au niveau national, des chiffres font défaut pour quantifier l'ampleur de ce phénomène dont la nouveauté n'ôte rien à l'importance. En la matière, une étude 12 ( * ) réalisée par l'ADASEA du Finistère donne cependant d'utiles points de repère. Réalisée dans un périmètre qui regroupe la Loire-Atlantique, le Morbihan, la Sarthe et le Finistère, elle a porté sur les cessations d'activité des chefs d'exploitation agricoles avant 55 ans, de 1997 à 1999, soit au total 556 départs pour les trois années en question. Sur la base des réponses à un questionnaire auquel près de la moitié des personnes intéressées ont répondu, cette étude montre que l'âge moyen de la cessation d'activité est de 42 ans et demi, ce qui couvre une réalité disparate, d'aucuns quittant leur exploitation entre 34 et 40 ans, au bout d'environ quinze ans d'activité, et les autres entre 48 et 54 ans. Les cessations d'activité surviennent, pour près des trois quarts, dans des exploitations d'élevage . Elles concernent la production laitière (36 %), la viande bovine (3 %), la production de porcs (16 %), et celle de volailles et de lapins (16 %).

Il s'avère également que 71 % des exploitants qui ont quitté l'agriculture exerçaient, au moment de l'enquête, une activité professionnelle, seuls 6 % d'entre eux se trouvant alors en recherche d'emploi. Le bilan tiré par les intéressés de leur sortie du monde agricole éclaire aussi les motivations qui les y ont encouragés. En effet, si 78 % d'entre eux retirent une expérience positive d'une profession agricole, 50 % constatent une amélioration de leur revenu après celle-ci et 76 % une amélioration de leur qualité de vie .

L'attrait d'autres emplois amène des agriculteurs à changer de métier. C'est ainsi que la Chambre d'agriculture de Poitou-Charente note que dans les régions naturelles où le taux de chômage est très faible, comme dans le bocage des Deux-Sèvres , « les éleveurs seraient de plus en plus nombreux à être tentés par cette alternative pour tout ou partie de leur temps » 13 ( * ) , avant d'envisager l'hypothèse selon laquelle « des éleveurs inquiets de la dévalorisation programmée de leur patrimoine (le cheptel allaitant), pourraient franchir le pas et carrément supprimer l'élevage bovin-viande (réalisation du capital) soit pour travailler à l'extérieur, soit pour faire une autre production, soit pour anticiper une prochaine retraite. » 14 ( * )

S'ils ne sont pas généralisables sans réserves à l'ensemble des départements d'élevage, ces éléments mettent néanmoins en avant une tendance préoccupante qui n'est que l'une des manifestations de l'écart qui se creuse et s'élargit entre le niveau de revenu et les conditions de travail des éleveurs et ceux de l'ensemble de nos concitoyens .

* 12 ADASEA du Finistère, Etude sur les départs précoces , mars 2002, p. 14

* 13 Chambre d'agriculture de Poitou-Charente, Les marchés de la viande bovine, bilan de la crise en Poitou-Charente , avril 2002, p. 47.

* 14 Ibidem .

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