B. LE HIATUS ENTRE LE MODÈLE DE ZONE MONÉTAIRE OPTIMALE ET L'UEM

1. L'UEM ne présente pas les caractéristiques d'une zone monétaire optimale

Une zone monétaire optimale au sens de Mundell est un ensemble économique caractérisé par la faible occurrence des chocs asymétriques et le haut niveau de flexibilité du marché du travail.

L'existence de chocs asymétriques, c'est-à-dire d'événements touchant différemment les membres de la zone, est un défi pour la stabilité d'une zone à monnaie unifiée puisque, par hypothèse, les participants à cette zone sont privés d'outils importants de politique économique.

Sans trancher le débat sur l'augmentation ou, au contraire, l'atténuation des probabilités de chocs asymétriques, associés à la persistance de situations disparates (v. supra ), qui pourraient résulter de l'euro, un constat peut être partagé : celui de l'existence de chocs différents au sein de la zone.

Dans le modèle de la zone monétaire optimale, ce danger peut être conjuré par la mobilité des facteurs de production ou par la flexibilité des salaires. Un choc obérant la compétitivité d'un Etat est d'autant mieux absorbé que les salaires s'ajustent. Pour un choc réduisant la croissance, il en va de même et la mobilité géographique des salariés renforce cette capacité d'adaptation. Or, l'Europe ne se caractérise ni par une grande flexibilité des salaires, ni par une mobilité généralisée de la main-d'oeuvre.

L'existence d'un hiatus entre le modèle des zones monétaires optimales et la zone euro ne peut donc pas être sérieusement contestée.

2. Un hiatus qui ne doit pas inquiéter au-delà du raisonnable

Mais, ce hiatus, non plus que ses conséquences, ne doivent pas être exagérés. On ne peut nullement en tirer la conclusion que l'euro n'est pas viable.

Les exigences du modèle sont théoriques et, dans les faits, ne sont jamais totalement remplies. Si la flexibilité des salaires est, semble-t-il, plus élevée aux Etats-Unis, qui constituerait l'idéal de la zone monétaire optimale, elle n'est pas totale et elle s'accompagne d'une flexibilité de l'emploi, qui y est plus brutale. Si les chances de trouver un emploi y sont plus fortes, celles de le perdre le sont également.

Les conditions de fonctionnement du marché du travail diffèrent entre l'Europe et les Etats-Unis mais, sans être équivalents au regard de leurs performances économiques, des ajustements se produisent qui, pour être sous-optimaux en Europe, n'empêchent pas de retrouver à terme des sentiers de croissance. A cet égard, si le modèle de zone monétaire optimale peut probablement être invoqué à l'encontre des choix de politique de change des pays en développement visant à accrocher leur monnaie à telle grande devise de référence, l'Europe est dotée de mécanismes permettant d'absorber les chocs et réunit des Etats qui, pour connaître des situations différentes, restent comparables.

Au demeurant, la modération salariale a gagné en Europe et l'une de ses explications provient précisément de l'européanisation des économies. En bref, l'accélération notable des phénomènes d'intégration consécutive à la constitution du marché unique pourrait encore prendre de l'ampleur avec l'adoption de l'euro.

Loin d'échouer sur l'absence de conformité au modèle de la zone monétaire optimale, l'euro semble plutôt susceptible de rapprocher les Etats de ce modèle.

Ce processus renforcerait les avantages de l'adoption d'une monnaie unique par rapport à la situation précédente de polycentrisme monétaire, qui, du fait de l'ouverture économique des pays européens et de l'asymétrie de son fonctionnement, avait épuisé ses vertus théoriques.

Le renoncement aux dévaluations nationales et à la manipulation des taux à des fins conjoncturelles, s'il n'a pas le même coût, apparaît peu douloureux par rapport à l'objectif d'une zone de stabilité des prix et de faibles taux d'intérêt, dès lors que la politique monétaire européenne est bien conçue.

A cette dernière condition, s'ajoute toutefois celle de laisser à la politique budgétaire sa capacité de stabilisateur.

Or, à défaut d'une politique budgétaire européenne, elle passe par la consécration de la liberté des Etats de la mobiliser.

Bien que méritant attention, les arguments opposés aux politiques budgétaires ne conduisent pas à écarter les analyses concluant à leur efficacité sous condition.

Sans en être le résultat mécanique, le pacte de stabilité et de croissance est inspiré par une série d'arguments défavorables à l'interventionnisme budgétaire. Ces arguments souvent théoriques doivent être d'autant moins sous-estimés que, dans une zone monétaire unifiée, les politiques budgétaires nationales ont un impact sur l'ensemble des partenaires.

Toutefois, les travaux concluant à l'efficacité des politiques budgétaires doivent être pris en considération pour atténuer les conclusions excessives conduisant à répudier systématiquement le maniement de l'instrument budgétaire. Par ailleurs, les interdépendances entre les partenaires appellent une analyse approfondie au terme de laquelle on peut conclure qu'il ne faut ni les exagérer, ni en sous-estimer les effets potentiellement favorables.

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