D. IDENTIFIER LES PRODUITS OGM À PARTIR DE SEUILS RAISONNABLES

Votre rapporteur avoue son goût pour le consensus et les solutions permettant de satisfaire, sur l'essentiel, l'ensemble des parties. Sans être hostile par principe au développement des OGM, mais très réservé, il estime donc essentiel que la filière bio reçoive des garanties que la culture d'OGM ne la détruira pas, ce qui serait parfaitement inacceptable. La contrepartie de cet engagement serait que l'agriculture bio traite la présence fortuite d'OGM avec sévérité, mais aussi avec pragmatisme. La présence fortuite d'OGM, dans des proportions extrêmement marginales, modifie-t-elle réellement les caractéristiques du produit issu de l'agriculture biologique ?

Ce point est d'autant plus important que la revendication du seuil zéro, notamment par l'agriculture bio française, à la différence de celle de certains autres pays, pourrait se révéler à double tranchant, puisqu'elle procède d'une forme de « quitte ou double ». Si les OGM devaient être présents, même marginalement, dans l'alimentation, le maintient de cette obligation que s'imposent les professionnels français du bio ne deviendrait-il pas impossible ? Les agriculteurs bio auraient-ils donc remplacé l'obligation de moyens -ne pas recourir aux OGM pour leur production- fondement de leur cahier des charges dans l'ensemble du monde, par une obligation de résultat - offrir des produits totalement exempts d'OGM-, difficilement tenable en matière de produits vivants ? C'est ce que laisse penser la lecture des documents officiels de la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB) 151 ( * ) . La position adoptée par la Suisse est particulièrement intéressante, en raison du rôle pionnier de ce pays en matière d'agriculture biologique. Le Conseil fédéral y a fixé le seuil de présence fortuite d'OGM à 1 % pour les produits de l'agriculture biologique. Mais les professionnels du secteur ont choisi, au-delà de cette obligation de résultat, de se fixer une obligation supplémentaire de seuil à 0,5 %, reconnaissant avec pragmatisme le caractère irréaliste d'un seuil nul.

Votre commission estime donc que des seuils réalistes sont essentiels à une évolution consensuelle du dossier. A ce titre, il fait observer que le seuil actuellement envisagé au niveau européen de 0,9 % est déjà très bas . Un seuil plus bas encore rendrait sans doute très difficile la coexistence des filières. Le risque serait qu'après avoir défini un seuil trop bas, les Etats membres de l'Union s'aperçoivent qu'il est impossible à mettre en oeuvre. Son relèvement après coup serait pourtant très difficile à justifier auprès des consommateurs.

On peut rappeler, à titre de comparaison, le niveau de quelques seuils d'impureté variétale des semences, aujourd'hui en France : 5 % pour le tournesol, 3 % pour la betterave, 2 % pour le lin textile et pour le seigle, 1 % pour le soja... Ces exemples nous rappellent qu'il faut tenir compte de la nature de la plante considérée. On peut se demander si le seuil uniforme correspond, de ce point de vue, à l'approche la plus rationnelle et la plus efficace.

La position du Japon apparaît particulièrement curieuse. En effet, les Japonais sont, si on en croit les sondages, très hostiles aux OGM. Leur réglementation fait néanmoins preuve d'un grand pragmatisme, puisque le seuil d'étiquetage est de 5 %, avec une exemption d'étiquetage dès lors que le produit ne contient plus de trace d'ADN modifié ou de protéines modifiées après transformation 152 ( * ) . Le seuil uniforme est possible, parce que, même dans le cas des plantes à fort potentiel de dissémination, il exprime une exigence tout à fait raisonnable.

Votre rapporteur estime, quant à lui, qu'il serait inopportun de réduire le seuil actuellement envisagé de 0,9 %, déjà très bas par rapport aux normes internationales en matière de semences, qui tolèrent un niveau d'impureté supérieur à ce seuil.

* 151 Cf. Plantes génétiquement modifiées et agriculture biologique : une position de la FNAB : « De fait, il s'agit de la première obligation de résultats imposée à la filière bio (...) Rappelons (...) que dans tous les autres domaines, la filière a des obligations de moyens et non de résultats ».

* 152 Cf. Rapport du Commissariat Général au Plan précité , p. 342.

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