V. LES FINANCES SOCIALES : UN SURSAUT NÉCESSAIRE

Redevenu déficitaire en 2002 (- 3,4 milliards d'euros), après trois années d'excédent, le régime général de la sécurité sociale devrait voir son déficit fortement s'accentuer en 2003 pour atteindre 7,9 milliards d'euros d'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), rendues publiques le 15 mai 2003.

Cette dégradation des comptes sociaux, jugée « préoccupante » par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, résulte à la fois d'une diminution conséquente des recettes du régime général ainsi que d'une augmentation substantielle des dépenses sous l'effet, notamment, d'une croissance exponentielle des dépenses d'assurance maladie.

Si le contexte économique explique en partie la situation déficitaire des comptes sociaux, la dérive des dépenses sociales en général et d'assurance maladie en particulier impose la mise en oeuvre rapide de réformes structurelles.

A. LA DÉGRADATION INQUIÉTANTE DES COMPTES SOCIAUX

Comme l'a indiqué le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale dans l'avant-propos du rapport de la CCSS de mai 2003, « en deux années, la sécurité sociale (...) est passée de l'excédent à un profond déficit. La situation n'a de précédent que la crise financière des années 90 qui s'était traduite par des déficits très importants sur la période 1993-1996, avec un maximum de 10 milliards d'euros en 1995 ».

1. Le retour d'un effet de « ciseaux »

La dégradation actuelle des comptes sociaux résulte d'un effet de « ciseaux » très prononcé entre les recettes et les dépenses du régime général de la sécurité sociale, les premières ralentissant du fait de la conjoncture économique, les secondes, et notamment les dépenses d'assurance maladie, s'accélérant de manière exponentielle .

Taux de variation des charges et des produits du régime général

(en %)

2000

2001

2002

2003 (p)

Produits

3,9 %

5,3 %

3,6 %

3,9 %

Charges

3,8 %

5,1 %

5,7 %

5,8 %

Ecart

0,1 %

0,2 %

- 2,1 %

- 1,9 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

a) Un ralentissement préjudiciable des recettes

En 2002 et en 2003, on note, tout d'abord, un ralentissement du rythme de croissance des recettes , s'élevant respectivement à + 3,6 % en 2002 et à une prévision de + 3,9 % en 2003, alors que ces recettes avaient augmenté de 5,3 % en 2001. Ce ralentissement résulte notamment de la faible progression de la masse salariale ( + 3,3 % en 2002 et + 2,7 % en 2003 contre + 6, 5 % en 2000 et en 2001) et du fort ralentissement des produits de cotisations et de cotisation sociale généralisée (CSG).

La rupture du rythme de croissance de la masse salariale résulte essentiellement du ralentissement conjoncturel mais se trouve accentuée par la disparition de l'écart constaté les deux années précédentes entre les rythmes de croissance de la masse salariale d'une part et du PIB d'autre part.

Les produits de cotisations et de CSG ont fortement ralenti en 2002 : d'une part les produits de cotisations du secteur privé n'ont augmenté que de 1,9 % en 2002, d'autre part la progression de la CSG totale n'a été que de 1,8 % en 2002 et serait de 2,6 % en 2003 en raison notamment d'une forte chute du rendement de la CSG perçue sur les revenus du patrimoine et de placement de près de 7 % en 2002, soit 500 millions d'euros.

Au total, les recettes du régime général de la sécurité sociale diminueraient d'environ 3 milliards d'euros par rapport aux prévisions inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 .

Toutefois, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2003 note que « les recettes, tout en ayant sensiblement ralenti, sont aujourd'hui moins dégradées qu'il y a dix ans ».

Les recettes du régime général entre 2001 et 2003

(en millions d'euros et évolution en %)

2001

%

2002

%

2003

%

Total des produits

217.415

5,3 %

225.159

3,6 %

233.897

3,9 %

Cotisations

133.515

4,2 %

139.285

4,3 %

145.041

4,1 %

Cotisations

137.715

6,3 %

140.738

2,2 %

145.423

3,3 %

Reprises nettes

- 2.341

- 19

1.071

ANV sur actifs circulants

- 1.859

- 1434

- 1.453

CSG, impôts et taxes affectés

49.553

4,7 %

49.571

0,0 %

51.071

3,0 %

CSG

46.829

9,6 %

47.498

1,4 %

48.489

2,1 %

Autres impôts et taxes

2.724

- 40,6 %

2.073

- 23,9 %

2.582

24,6 %

Transferts entre organismes

23.606

14,3 %

25.337

7,3 %

26.778

5,7 %

Dont FSV

9.417

1,4 %

10.154

7,8 %

10.822

6,6 %

Dont FOREC

13.648

147,7 %

14.705

7,7 %

15.503

5,4 %

Contributions publiques

8.295

- 3,6 %

8.414

1,4 %

8.463

0,6 %

Dont cotisations exonérées

2.863

- 7,2 %

2.709

- 5,4 %

2.515

- 7,2 %

Autres produits

2.446

30,0 %

2.552

4,3 %

2.543

- 0,3 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

b) Une progression toujours plus rapide des dépenses

La progression des dépenses du régime général de la sécurité sociale demeure rapide en 2002 et 2003, malgré une conjoncture encore favorable pour les charges de retraite . La croissance des prestations légales s'est ainsi élevée à 5,6 % en 2002, contre 5 % en 2001. Ce rythme de progression devrait en outre se maintenir en 2003, d'après les prévisions de la CCSS, qui souligne par ailleurs que la progression des dépenses du régime général devrait être de deux points et demi supérieure à celle des recettes en 2002 et 2003.

En outre, la commission des comptes indique que les dépenses en 2003 devraient être supérieures d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 , essentiellement sous l'effet d'une croissance plus forte que prévu des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, celui-ci étant dépassé de 740 millions d'euros, par rapport à l'objectif fixé en loi de financement.

Le dynamisme des dépenses d'assurance maladie explique donc en grande partie la progression rapide des dépenses du régime général de la sécurité sociale . En effet, si les prestations familiales, les charges des retraites ainsi que les prestations de la branche accidents du travail / maladies professionnelles progressent encore à un rythme modéré, la croissance des prestations d'assurance maladie s'accélère depuis plusieurs années. Le taux de croissance des dépenses de prestations nettes de la CNAM a ainsi atteint 7 % en 2002, un taux historiquement élevé, et la prévision de la CCSS pour 2003 ( + 6,7 %), en léger recul par rapport à 2002, reste très élevée.

Taux de croissance des dépenses réalisées dans le champ de l'ONDAM par rapport aux réalisations de l'année précédente

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (mai 2003)

La commission des comptes de la sécurité sociale conclut dès lors dans son rapport de mai 2003 que « la déconnexion des rythmes de croissance des dépenses entre la branche maladie d'une part et les trois autres branches d'autre part, explique que le déficit du régime général soit aujourd'hui d'abord celui de l'assurance maladie ».

Le dépassement systématique de l'ONDAM depuis 1998

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