EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 18 juin 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini sur le débat d'orientation budgétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, procédant à l'aide d'une vidéo-projection a estimé que la situation de l'économie et des finances publiques était d'une exceptionnelle difficulté. Il a regretté que certaines de ses prises de position récentes voient leur justesse confirmée : l'affirmation, il y avait désormais quinze mois, que le retour à l'équilibre des finances publiques en 2004, fixé par le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, n'était pas réaliste ; celle, à l'occasion de l'examen de la loi du 6 août 2002 de finances rectificative pour 2002, que l'équilibre des finances publiques serait atteint, au mieux, en 2007, et non en 2006 ; celle, au début de cette année, que le déficit des administrations publiques serait en 2003 de l'ordre de 4 % du PIB.

Il a indiqué que, compte tenu des dilemmes auxquels devait faire face le gouvernement, il proposait d'intituler son rapport d'information « La quadrature du cercle budgétaire ? ».

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que l'euro supposait une gouvernance économique que l'on semblait avoir renoncé à mettre en place. Il a jugé que le pacte de stabilité et de croissance était inadapté à une période de conjoncture défavorable aussi longue que celle que l'on connaissait, qui risquait de ne pas être terminée en 2004, et à une situation où le risque d'inflation avait été remplacé par un risque de déflation. Il a considéré qu'en l'absence de l'euro, la France et l'Allemagne auraient modifié leurs parités, ce qui aurait été vécu « dans le drame », mais que la monnaie unique ne devait pas dissimuler la nécessité de réaliser des ajustements, de toute façon inévitables.

Après avoir défini le cadrage de l'exercice budgétaire pour les années à venir, M. Philippe Marini, rapporteur général, a examiné les différents points du débat d'orientation budgétaire. En ce qui concernait la croissance, il a constaté que les prévisions de croissance pour 2003 avaient progressivement été revues à la baisse et que, si le consensus prévoyait désormais un chiffre de 1 % pour 2003, certains économistes étaient plus pessimistes. Il a mis en avant les problèmes de gouvernance de la zone euro, aujourd'hui marquée par les difficultés de l'économie allemande, et les conséquences qui en résultaient en termes de croissance. Examinant les risques de déflation en fonction de données issues du Fonds monétaire international (FMI), il a observé que la France et les Etats-Unis étaient dans une situation relativement proche des quatre pays ayant aujourd'hui un indice de déflation élevé, Hong-Kong, Taiwan, Japon et Allemagne.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a montré que la dégradation de la croissance avait pour corollaire une dégradation très rapide des déficits publics, estimés à 3,7 % du PIB en 2003 par la Commission européenne. Il a relevé la disparition de l'avantage comparatif français en matière d'endettement public dans l'Union européenne, remarquant que la France figurait désormais dans le « bas du tableau » avec l'Italie, la Belgique et la Grèce. Il a noté l'exception franco-allemande en matière de finances publiques, les deux pays, représentant 50 % du PIB de la zone euro, étant les deux seuls dont le déficit était supérieur à 3 % du PIB et dont le ratio de la dette par rapport au PIB avait augmenté entre 1998 et 2002. Il a donc considéré que l'on ne pouvait que prendre acte, dans ce contexte, de la procédure pour « déficit excessif » engagée contre la France et s'est montré très favorable à la proposition italienne d'une remise à l'honneur de l'investissement public, dans le respect du pacte de stabilité, par une incitation aux investissements transfrontaliers.

En ce qui concernait les prélèvements obligatoires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a évoqué la baisse du niveau des prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2002, qui devrait se poursuivre en 2003 en raison d'une élasticité des recettes fiscales à la croissance sans doute devenue négative comme en 1992 et 1993. Il a estimé que l'appréciation du niveau des prélèvements obligatoires, qui restait élevé par rapport aux autres pays de l'OCDE, devrait s'abstraire des fluctuations les plus marquées de la conjoncture. Il a indiqué que le rapport du gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire mettait en évidence des moins-values fiscales pour l'exécution du budget 2003 d'au moins 5,1 milliards d'euros, soulignant qu'il convenait d'ajouter à cette évolution préoccupante des incertitudes sur le niveau des recettes non fiscales, citant par exemple la diminution de 1,3 milliard d'euros de la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au budget de l'Etat.

En matière de dépenses publiques, M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la France faisait « la course en tête » et que le haut niveau de dépenses publiques constituait un choix de société dont l'économie assumait la charge. Il a exprimé des inquiétudes en ce qui concernait la charge budgétaire de la dette, se demandant combien de temps encore l'effet-taux pourrait masquer l'effet-volume. Il a montré le poids que représenteraient les pensions de la fonction publique dans les prochaines années, observant que le plan de réforme des retraites présenté par le gouvernement prévoyait, sur un besoin de financement de 28 milliards d'euros pour les retraites des fonctionnaires à l'horizon 2020, un financement de 15 milliards d'euros par les employeurs publics. Il a enfin souligné la sensibilité aux retournements conjoncturels d'un certain nombre de dépenses.

A partir de ces analyses, M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que l'année 2003 constituerait une « année test » qui demanderait des efforts en termes de régulation des dépenses au-delà des premières mesures, judicieuses, déjà prises par le gouvernement. Il a rappelé qu'une stabilisation des dépenses en volume pour 2004 impliquerait parmi les ministères non prioritaires de réelles économies. Il a jugé que le redressement des finances publiques, dont le déficit était le plus élevé enregistré depuis 1995, demanderait des efforts qui reposeraient pour 0,2 point de PIB sur l'Etat et pour 0,3 point de PIB sur les administrations de sécurité sociale. Pour ces dernières, il a rappelé le dépassement systématique de l'Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) et le niveau du déficit actuel de la branche maladie qui s'établirait en 2003 à près de 10 milliards d'euros.

Pour finir, il a exprimé ses préoccupations en ce qui concernait l'endettement public, dont l'encours avait augmenté de 167 % depuis 1990, et qui finançait des dépenses courantes à hauteur de 22,26 milliards d'euros. Il a enfin rappelé les conditions, selon lui, de la réussite de « l'acte II » de la décentralisation.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la gravité de la situation économique et budgétaire actuelle et la nécessité de prendre des mesures pour la redresser rapidement.

M. Jacques Oudin a félicité le rapporteur général pour sa présentation et a fait cinq observations. Il a tout d'abord constaté que les finances de toutes les administrations publiques se dégradaient, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, du budget des collectivités locales ou plus encore de la sécurité sociale. Il a ensuite indiqué qu'il serait utile de présenter le budget de l'Etat sous quatre grandes rubriques qui seraient les dépenses de fonctionnement de l'administration, les dépenses de répartition, les dépenses d'investissement et la dette. Rappelant que la France connaissait l'un des plus fort taux de dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut dans l'Union européenne, il a expliqué que ce n'étaient pas les pays qui prélevaient le plus qui répartissaient le mieux les richesses. Il a également considéré que l'Etat ne pouvait faire abstraction des autres acteurs des finances publiques, qu'il s'agisse de l'Union européenne ou des collectivités locales. Enfin, il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la proposition du gouvernement italien concernant l'augmentation de l'effort d'investissement au niveau européen.

M. Maurice Blin a souscrit aux observations du rapporteur général. Il a considéré que la France ne devait pas s'isoler au nom d'une quelconque « exception » en matière de finances publiques, au risque de subir de sévères conséquences. Il a cité des exemples de pays qui, bien qu'ayant eu de sérieuses difficultés structurelles il y a dix ou vingt ans, avaient réussi des réformes importantes : la Grande-Bretagne dans les années 1980, le Canada avec le plan de réforme de la fonction publique, la Suède, ou encore la Nouvelle-Zélande. Il s'est déclaré en faveur d'un « New-deal » européen qui « remette à plat » les dépenses publiques, tout en soulignant la difficulté de mener une politique de grands travaux dans un contexte où les gouvernements cherchaient à réduire l'endettement.

M. Yves Fréville a estimé que les pouvoirs publics avaient la plus grande peine à comprendre que l'économie connaissait naturellement des cycles de croissance et de dépression, et qu'ils n'étaient, dès lors, pas en mesure de profiter des retournements conjoncturels favorables pour faire les réformes qui s'imposaient. Il a ajouté qu'il existait une difficulté particulière liée au taux de change interne à l'euro pour la France et l'Allemagne. Il a considéré que la politique monétaire européenne était relativement inefficace car la France avait recours, majoritairement, à l'emprunt à taux fixe. Enfin, il a estimé qu'il fallait donner une plus grande liberté aux Etats en matière de politique budgétaire, notamment pour relancer l'investissement public, dans une perspective keynésienne qui n'imposait pas, en revanche, de donner plus de pouvoir d'achat aux fonctionnaires.

M. Aymeri de Montesquiou a évoqué le graphique présenté par le rapporteur général relatif à la parité entre l'euro et le dollar. Il a demandé si un tel graphique ne pouvait être réalisé en comparant l'euro avec le yuan chinois, dans la mesure où la Chine était le principal pays où se délocalisaient nos industries en raison d'une politique de sous-évaluation du yuan. Il a également interrogé le rapporteur général sur les enseignements à tirer des réformes réalisées par les pays d'Europe centrale et orientale. Enfin, il a souligné que l'importance des dépenses militaires françaises faussait la comparaison de nos dépenses publiques avec celles des autres pays de l'Union européenne.

M. Yann Gaillard a déclaré qu'il ne croyait pas au sérieux des prévisions économiques. Il a estimé que la France était « bloquée » par l'abondance des revenus de transferts et des dépenses sociales qui entravaient les incitations à une reprise de l'activité économique. Il a rappelé que jusqu'à l'introduction de l'euro, les difficultés pouvaient se résoudre par le biais d'une légère augmentation de l'inflation ou par des ajustements monétaires. Il s'est déclaré pessimiste quant à la capacité de l'opinion publique à accepter les réformes structurelles, en prenant pour exemple la réforme en cours des retraites ou la réforme nécessaire de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a insisté sur l'urgence d'agir pour redresser la situation économique française. Il s'est déclaré plutôt optimiste quant à la capacité de compréhension des Français face aux enjeux des réformes. Il les a estimées d'autant plus nécessaires que les réformes du précédent gouvernement, comme la réduction du temps de travail à trente-cinq heures, n'avaient pas permis à la France de gagner en compétitivité et de ralentir les délocalisations.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le vrai sujet d'interrogation était aujourd'hui l'évolution de l'euro et la construction institutionnelle de l'Union européenne. Il a regretté, au moment où la convention européenne achevait ses travaux et avait réussi à rédiger un projet de Constitution européenne, et alors que se tiendra prochainement une conférence intergouvernementale, que la coordination des politiques économiques ne soit pas au coeur des préoccupations.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a expliqué qu'il clarifierait la présentation par agrégat du budget de l'Etat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004.

A M. Maurice Blin, le rapporteur général a indiqué qu'il aurait pu ajouter aux nombreux exemples de pays ayant réussi à se réformer, celui des Pays-Bas.

Concernant la parité entre le yuan et l'euro, en réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a expliqué qu'il ne disposait pas, sur l'instant, des éléments d'information nécessaires. Il a souligné que les pays d'Europe centrale et orientale s'étaient considérablement réformés ces dernières années, reconstruisant entièrement leurs systèmes de retraites et d'assurance-maladie, comme la Pologne, aidés en cela par les meilleurs experts européens. S'agissant des crédits de la défense, il a rappelé qu'il s'agissait d'un choix conscient de la France.

Enfin, il s'est déclaré en accord avec M. Yann Gaillard quant à la nécessité de lutter contre toute politique publique d'assistance décourageant la reprise d'une activité économique ou d'un emploi.

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