E. LE PROFIL DES DÉTENTEURS D'ACTIONS

On peut, à la lumière d'une étude de L. Guiso, M. Haliassos et T. Japelli 14 ( * ) , repérer trois caractéristiques majeures du profil des détenteurs d'actions, en France et en Europe. Le niveau d'éducation, le niveau de patrimoine financier et l'âge du chef de famille sont d'importants indicateurs de la propension des ménages à détenir des actions. A cela, peut être ajoutée une présentation de la répartition des actions par catégorie socio-professionnelle (SCP).

1. Détention d'actions et niveau d'éducation

La détention d'actions est plus répandue chez les ménages ayant un niveau d'éducation élevée. Le tableau suivant ventile la détention d'actions en fonction du niveau d'éducation du chef de famille (assimilé à la personne chargée de gérer les finances du ménage). Trois catégories de ménages sont distinguées : les ménages dans lesquels le chef de famille a un niveau d'études inférieur au baccalauréat ; les ménages dans lesquels le chef de famille a obtenu le baccalauréat, mais n'a pas fait d'études supérieures ; les ménages dans lesquels le chef de famille a fait des études supérieures. Il apparaît nettement que la détention d'actions est positivement corrélée avec le niveau d'étude. En France, le niveau de détention passe du simple au double, selon que l'on se situe dans la catégorie « niveau inférieur au baccalauréat » ou dans la catégorie « diplômés de l'enseignement supérieur ».

Détention directe et indirecte d'actions
par niveau d'éducation du chef de famille

Niveau baccalauréat ou inférieur

Baccalauréat

Diplômé de l'enseignement supérieur

Moyenne

France

18,1

33,4

36,0

23,1

Allemagne

16,6

21,8

31,3

19,8

Italie

8,7

24,1

37,5

15,2

Pays-Bas

26,6

25,0

45,6

33,5

Royaume-Uni

26,0

39,6

59,0

44,9

Source : L. Guiso et alii (2001).

Cette corrélation peut s'expliquer par le lien qui existe entre le niveau de diplôme et les perspectives de revenu et d'emploi du ménage. Cela dit, on repère un effet propre du niveau d'éducation sur la détention d'actions, après neutralisation des effets du revenu et de l'emploi . Le niveau d'éducation influence la capacité des ménages à maîtriser les informations relatives au fonctionnement du marché des actions, et à interpréter les signaux provenant des marchés boursiers.

Toutefois, les données disponibles indiquent également la présence de contingents significatifs d'actionnaires européens au niveau d'éducation modeste. La familiarisation avec les placements en actions s'est donc propagée largement au sein des sociétés européennes.

2. Détention d'actions et richesse financière

La place des ménages dans la distribution de la richesse financière détermine beaucoup leur détention d'actions . La détention d'actions est plus importante au niveau du groupe de ménages européens les plus riches. Si l'on considère les ménages faisant partie des premiers 5 % de la distribution des actifs financiers, plus des deux tiers détiennent des actions de manière directe dans tous les pays considérés, à l'exception de l'Italie (57,5 %) et de l'Allemagne (31,9 %). Quand on prend aussi en compte la détention indirecte, le taux de détention est encore plus élevé (80,3 % en France, 92 % aux Pays-Bas, 54 % en Allemagne).

Détention directe et indirecte d'actions
par quartiles de la richesse financière*

IVème Quartile

IIIème Quartile

IIème Quartile

I er Quartile

5 % Supérieurs

Moyenne

France

3,5

12,6

23,9

52,5

80,3

23,1

Allemagne

6,0

16,3

24,8

41,6

54,1

19,8

Italie

1,4

2,6

11,7

47,6

75,2

15,2

Pays-Bas

4,4

16,9

36,8

75,9

92,3

33,5

Royaume-Uni

9,1

34,0

58,8

76,6

89,0

44,9

Etats-Unis

4,4

38,3

66,0

86,7

93,7

48,9

* Le premier quartile a les actifs financiers les plus élevés.
Source : L. Guiso et alii (2001).

Lecture : parmi les 25 % de ménages français ayant le patrimoine financier le plus faible, 3,5 % détiennent des actions.

Les taux de détention dans le quartile de tête des actifs financiers sont proches ou supérieurs à 50 % dans quasiment tous les pays pris en compte, l'exception la plus notable étant celle de l'Allemagne. Les taux de détention restent relativement élevés dans le deuxième quartile, et chutent dans les troisième et quatrième quartiles. Une grande partie des actionnaires européens appartient donc aux groupes qui détiennent des montants importants d'autres actifs, à même de jouer un rôle de tampon lors des fluctuations du marché des actions .

Ce fait est, a priori , un facteur de stabilité de la détention d'actions : les ménages qui possèdent un patrimoine financier global élevé peuvent se permettre de conserver longtemps leurs actions, même si la rentabilité de celles-ci baisse pendant un moment.

3. Détention d'actions et classes d'âges

L'âge du chef de famille est une autre caractéristique démographique importante venant influencer la détention d'actions.

Dans tous les pays européens, la courbe de la détention d'actions selon l'âge présente la forme d'une courbe en cloche : la détention d'actions est maximale vers 50-59 ans , et est moins élevée chez les groupes plus jeunes et plus âgés. La détention d'actions est donc particulièrement prisée par les actifs avancés dans leur carrière. Ces actifs disposent, généralement, d'emplois stables et, relativement, bien rémunérés, ce qui leur permet de disposer d'une épargne financière globale élevée.

Le critère d'âge n'est donc sans doute pas sans lien avec le critère de patrimoine évoqué précédemment. Mais le critère d'âge joue aussi par l'intermédiaire des stratégies de préparation de la retraite : les actifs en fin de carrière accumulent de l'épargne et diversifient leurs placements en achetant des actions, puis ils consomment cette épargne une fois atteint l'âge de la retraite.

Détention directe et indirecte d'actions
par âge du chef de famille

< 30

30-39

40-49

50-59

60-69

70

Total

France

14,3

23,6

25,1

28,0

23,6

21,3

23,1

Allemagne

18,6

21,8

22,0

21,0

17,1

11,7

18,9

Italie

8,0

10,6

16,6

19,0

14,3

8,4

15,2

Pays-Bas

12,1

25,6

33,7

40,1

38,6

35,9

33,5

Royaume-Uni

31,0

46,7

53,8

56,5

47,7

29,2

44,9

Etats-Unis

34,3

51,8

58,3

61,4

47,1

32,4

48,9

Source : L. Guiso et alii (2001).

4. Détention d'actions et catégories professionnelles

L'enquête « Patrimoine » de l'INSEE permet d'analyser la répartition de la détention d'actions par catégories socioprofessionnelles (CSP).

Source : rapport Garnier, d'après l'enquête « Patrimoine » de l'INSEE.

Les ouvriers et les employés ont des taux de détention d'actions inférieurs à la moyenne. Les professions intermédiaires, mais surtout les professions libérales et les artisans, ainsi que les cadres, ont des taux de détention supérieurs à la moyenne.

Ces différences recouvrent un effet de revenu, mais reflètent aussi des différences en matière de préparation de la retraite. Les taux de remplacement offerts par le système de répartition pour les cadres et les professions indépendantes sont plus faibles que ceux garantis aux ouvriers et employés, ce qui peut encourager les premières catégories citées à épargner une part significative de leurs revenus sous forme de placements en actions, d'autant que les actions offrent d'intéressantes perspectives de rendement à long terme.

Cet objectif de se constituer un patrimoine en vue de la retraite peut expliquer aussi que le taux de détention chez les agriculteurs ait augmenté de 18 points entre 1991 et 1997, contre une dizaine de points pour l'ensemble des autres catégories.

Il est difficile de repérer un effet propre de l'évolution de la structure par CSP de la population active sur la détention d'actions. En effet, les catégories socioprofessionnelles dont les effectifs ont le plus augmenté durant la décennie 1990 (les cadres et les employés notamment) ne sont pas nécessairement celles qui ont le plus fort taux de détention. Il serait donc inexact d'affirmer que la transformation de la structure de la population active conduit spontanément à une hausse du taux de détention d'actions.

*

* *

Cette première partie conduit à un bilan en demi-teinte de la place des actions dans le patrimoine des ménages français : la détention d'actions se diffuse de plus en plus chez nos concitoyens, mais reste toutefois encore l'apanage d'une minorité. Or, il semble à votre rapporteur que l'économie française gagnerait à ce que la détention d'actions soit plus largement répandue. Il faut donc s'interroger sur les moyens que les pouvoirs publics peuvent mettre en oeuvre pour encourager l'épargne en actions.

* 14 Le profil des détenteurs d'actions en Europe », Revue d'économie financière, n° 64, 2001, pp. 169-178.

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